Natalia M.King et Alice Russel, deux artistes à écouter sans modération. Malgré le désistement de quelques artistes suite aux événements du Bardo, Jazz à Carthage est au rendez-vous de son public. Ce qui distingue ce festival en matière d'organisation, de programme et de qualité de son est toujours là, dans un nouvel espace, le Palais des congrès. Bien sûr, il faut y mettre le prix. Ceux qui y sont passés ne l'ont pas regretté et plusieurs d'entre eux ont exprimé leur satisfaction aux organisateurs. Pour les autres, il y a la découverte de ces artistes qui sont parmi nous le temps d'une soirée et dont l'univers musical est à portée de clic sur le web. La soirée du mardi 14 avril a été féminine avec deux chanteuses aux voix d'or. Natalia M. King pour la première partie et Alice Russel pour la deuxième. Ces deux artistes viennent d'horizons culturels et d'influences artistiques différents. L'une est américaine et l'autre anglaise, mais elles ont en commun un timbre exceptionnel et un parcours de combattante. Natalia M.King a été une chanteuse de rue avant de se faire remarquer à la télévision et d'accéder à la scène. De Brooklyn à Paris, cette dame de 46 ans porte dans ses accents américain et français l'itinéraire de son aventure. «C'est du frenglish!», adresse-t-elle au public, amusée. Dès son apparition sur scène, elle s'est adressée au public, saluant la Tunisie, pays de la révolution, pour ensuite partager les moments forts de sa vie en chansons, sur scène. Après une intro, elle offre à son auditoire l'un de ses succès, intitulé «You don't know what love is» (Tu ne sais pas ce que c'est l'amour), où l'étendue et la force de sa voix soul se sont exprimées. «I've changed» (J'ai changé) enchaîne-t-elle, toujours en précédant la chanson de quelques mots sur ses origines. Ses mots sont porteurs de sagesse sur la vie et l'amour, qu'elle transmet avec des notes d'humour, comme quelqu'un qui en a vu des choses... Sa manière d'être et sa musique se résument dans son album phare, entre soul, blues et jazz «Soulbazz», sorti après une pause de sept ans, où elle a voulu prendre du recul avec le succès. Tout en elle est racine et ancrage. Elle va quand même de l'avant dans ses chansons où les rythmes naissent de la rencontre du saxophone, du piano, de la contrebasse et de la batterie. «Les morceaux de «Soulbazz» sont irrigués d'une triple force : la spiritualité de la soul, l'intensité du blues et l'esthétisme du jazz, la chanteuse y ajoutant l'énergie de son passé rock», peut-on lire, à juste tire, dans la présentation de l'artiste. De révélation en révélation, elle est arrivée à ses débuts plus rock qui portaient la voix de son âme enragée. «Maintenant, je préfère chuchoter», révèle-t-elle. Celle qu'on considère dans la lignée de Thelonious Monk, de Janis Joplin et de Nina Simone a démontré son appartenance à ce calibre d'artistes qui ont fait l'histoire du blues. Natalia M. King a clôturé sa partie par une majestueuse interprétation de «I put a spell on you» de la diva Nina Simone, qui a enchanté davantage le public. Après une courte pause, voilà l'audience en présence de «La tornade soul britannique». C'est Alice Russel que l'on désigne. Une voix qui ne laisse pas indifférent et une énergie qui envahit l'espace sont ses atouts. Quant à sa musique, elle s'appelle soul, funk, gospel, ou encore «Pot of gold» (Pot d'or), son album enregistré en live en 2008 et qui l'a propulsée aux devants de la scène mondiale du soul. Aux instruments classiques (guitare, basse, clavier et batterie), se greffent par chansons le violon ou la mandoline. Le tout est arrangé grâce à un fond musical électronique. Une expérience sonore où les rythmes se ressemblent parfois sans lasser, grâce surtout aux variations de voix d'Alice Russel. Le public a très vite suivi la chanteuse dans son énergie, applaudissant ou tentant de danser entre les chaises qui occupent tout l'espace qui leur est dédié. Alice Russel a commencé par ses titres les plus forts, dont son dernier single «Heartbreaker» (briseur de cœur) et «Citizens», avant de passer à un registre plus sage et de revenir à la fin à des sons plus puissants, extraits de son dernier album (2013), «To dust». A chaque fois, sa voix suit en force et en volupté. Celle dont on qualifie l'œuvre de gospel du XXIe siècle et qu'on nomme une «Aretha Franklin aux yeux bleus» prêche, tout comme Natalia M.King, dans la religion de tous les temps: la musique, qui se nourrit de la diversité et de la différence.