Fin aujourd'hui des jours froids ou El aâzara (les garçons) selon l'almanach traditionnel agricole tunisien Changements climatiques ou non, la période des jours froids telle que le prévoit l'almanach traditionnel agricole tunisien a bien eu lieu. C'est aujourd'hui, 13 février, que prend fin en effet cette période de 10 jours appelée «El aâzara» (les garçons). Elle sera clôturée demain par la journée du froid exceptionnel «guerret el aânz» (de la chevrette) qui correspond au 1er fourar «Al aâjmi» (le février du calendrier julien, 14 février du calendrier grégorien). Mois au milieu duquel l'hiver fait ses adieux, laissant la place au printemps. Soit après deux semaines de cette fameuse «guerret el aânz» et une semaine après le réchauffement de l'air et un jour après le réchauffement de l'eau (27 février) conventionnellement appelés ainsi (ces deux réchauffements) pour marquer les changements du climat selon l'évolution des saisons. L'on s'attend donc aujourd'hui, toujours selon l'almanach traditionnel agricole, à ce que la fameuse «guerret el aânz» soit glaciale, et ce, après cinquante jours répartis de la sorte : Vingt appelés jours aux nuits glaciales «El liyeli'lbidh» du 25 décembre au 13 janvier. Vingt appelés jours aux nuits couvertes «El liyeli'ssoud» du 14 janvier (nouvel an aajmi ou julien) au 2 février. Ces nuits assez douces et clémentes permettent l'éclosion des bourgeons («lliyeli'ssoud fiha yeftah koul oud») • Dix jours appelés «el aazara» (les garçons) (du 3 au 13 février). Alors les femmes se mettent à prédire le temps qu'il fait en plaçant chacun de ces jours sous le signe des garçons de la famille. S'il est gentil, la journée sera clémente, si au contraire il est turbulent, la journée sera venteuse et pluvieuse. Une succession de types de climat résumée par cette «tchenchina» (devinette) : «Arbi ine sibyya je'ou y dezzou dezz, rajjalethoum aachra ou aaguerethoum aanz», traduire : quarante jeunes filles — les nuits glaciales et les nuits couvertes — sont venues successivement, suivies de leurs futurs maris respectifs au nombre de dix emmenant avec eux une chevrette pour la sacrifier et préparer le dîner avec («aaguira» : le dîner des noces). Fourar, le versatile, le rancunier En fait, pourquoi le froid de la chevrette (comme celui du canard en Europe). Eh bien, parce que, toujours selon la tradition, ce sont les chèvres qui en pâtissent. Un vrai carnage. C'est, d'ailleurs, pour cela que les bergers les protègent dans des cabanes pour éviter que le troupeau ne soit décimé. Certains, malheureusement, croient à tort que «guerra» (grand froid) vient du mot «guerre» et n'hésitent pas à l'écrire et pensent que le terme a été employé pour illustrer le massacre dont sont victimes les caprins. Il n'en est rien puisque «guerra» vient de l'arabe «qar», c'est-à-dire un froid glacial. «Guerret el aanz» ou 1er fourar annonce donc le départ du froid. La tradition fait dire à cette pauvre chevrette : «Malla raha minnek ya ey ennar (januar de Janus ou le janvier julien)». C'est-à-dire bon débarras ô janvier. Que lui répond alors «ey ennar»? Eh bien, il lui dira menaçant «nit'selleflek nhar min aand fourar oun nlawahlek jeldek oura'ddouar». Je t'emprunterai un jour de février (julien) et je jetterai ta peau derrière le hameau (c'est-à-dire, tout simplement, j'aurai ta peau). Comment s'écoulera ce «fourar» qui commencera demain 14 février? Eh bien, c'est selon. D'ailleurs, les journées de fourar sont réputées être très versatiles. D'abord, du vent appelé «daqqad el biben aal hjejel» (le frappeur aux portes des veuves), car il fait actionner les anneaux servant de petits marteaux des portes des maisons, donnant ainsi de l'espoir aux vieilles veuves que quelqu'un est venu leur rendre visite. Ensuite, un ciel tantôt dégagé, tantôt couvert, avec des moments de calme et d'autres de brèves averses… Fourar est ainsi d'humeur versatile car, selon la tradition, il est heureux de pouvoir contempler la beauté de sa chère épouse Lella Fourara qui confectionne les andouillettes (taasban fid'ddaouara). Or, Lella Fourara hélas a des jambes rachitiques, arquées. C'est donc au moment où elle se lève pour vaquer à d'autres activités que son cher époux devient d'humeur maussade (et la journée aussi). Fourar sera clôturé ainsi par les H'ssoum, (les jours décisifs), soit une semaine (du 10 au 17 mars grégorien), eux-mêmes annonçant l'équinoxe du printemps. Avant ceux-là et le 6 mars, il y aura le réchauffement de la terre. Attention, il y a aussi un froid appelé printanier. C'est d'ailleurs pour cela que le dicton conseille de ne pas se défaire de ses couvertures. Ouazertek (ou jebbtek) ma t'biiha, bard'ha fi rbi i'ha. Ne te débarrasse pas de ton burnous (ou jebba) en laine, car le printemps en cache de ces journées glaciales.