Avant même qu'il n'achève ses cent premiers jours, le gouvernement Essid se voit flanqué d'une commission de coordination composée des partis formant la coalition gouvernementale. Ses membres auront à superviser l'action gouvernementale et à «discuter les nominations avant qu'elles ne soient annoncées» La polémique née au sein de la coalition gouvernementale à l'occasion de la désignation récemment par Habib Essid de six gouverneurs sans consulter ses alliés au gouvernement a connu, enfin, son épilogue. Les mécontents d'Ennahdha, de Nida Tounès, de l'Union patriotique libre et d'Afek Tounès ont eu gain de cause. Il a été décidé, en effet, «la mise en place d'un mécanisme de communication et de coordination continue entre les partis de la coalition au pouvoir». C'est Mohamed Ennaceur, président de Nida Tounès par intérim et président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui l'a annoncé, dimanche 19 avril, à l'issue d'une rencontre de travail qui a groupé les membres du bureau politique de Nida Tounès avec Habib Essid, chef du gouvernement. Le président de Nida Tounès n'a pas donné de détails sur la composition de ce mécanisme ou sur ses prérogatives, se contentant de préciser : «Le mécanisme annoncé garantira une meilleure efficacité dans la réalisation des politiques et des programmes du gouvernement». Une phrase édifiante quant à son éloquence et à sa clarté: l'action gouvernementale a besoin d'efficacité et il faut bien créer une nouvelle structure afin de conférer aux interventions du gouvernement cette efficacité qui lui fait encore défaut, près de quatre-vingts jours après son installation. Préserver les attributions du chef du gouvernement Soucieux de savoir comment les principales composantes de la coalition gouvernementale — Ennahdha et Nida Tounès — ont réagi à l'annonce de la création «du mécanisme de communication et de coordination continue», La Presse a sondé Abdellatif Mekki, membre du bureau exécutif d'Ennahdha et député, et le Dr Souheïl Alouini, député et membre de la direction de Nida Tounès. «Pour le moment, le bureau exécutif n'a pas encore examiné le projet du mécanisme. En principe, nous sommes pour la création d'une telle structure. Mais à condition que sa composition et les compétences qui lui seront accordées n'interfèrent pas dans l'action du gouvernement et ne bloquent pas ses programmes et ses décisions. En plus clair, la structure attendue devrait être une structure à caractère consultatif puisque le dernier mot reviendra au chef du gouvernement», révèle Abdelatif Mekki. Il ajoute : «Les conseils que certains fournissent au chef du gouvernement et les CV qui lui sont soumis en vue des nominations dans le corps diplomatique peuvent constituer une banque de données dans lesquelles il pourrait puiser. On aurait préféré, tout de même, que ce soit lui qui les sollicite». Un droit de regard préalable sur les nominations Pour le député nidaiste Dr Souhail Alouini, féru de l'Open government, «les attributions qui seront accordées à la future commission de communication et de coordination «visent l'examen des nominations avant qu'elles ne soient annoncées. Il est urgent d'éviter les erreurs du passé récent. L'objectif est aussi de ne pas accentuer davantage la fragilité du gouvernement Essid. Oui au suivi de l'action du gouvernement sur la base de la transparence et de la clarté. Le chef du gouvernement a le droit de nommer qui il veut. Les alliés au sein de la coalition ont eux aussi un droit de regard sur ce qu'il décide et plusieurs, y compris au sein de Nida Tounès, ne veulent pas supporter les conséquences des décisions à la prise desquelles ils n'ont pas contribué. Ceci n'autorise pas ces mêmes alliés à chercher à influencer le chef du gouvernement et à lui souffler les noms de certaines personnes qu'ils cherchent à placer dans les ambassades ou les consulats à l'occasion du prochain mouvement dans le corps diplomatique». Qui siégera au nom de Nida Tounès au sein de la commission de communication et de coordination commune ? «Il est presque acquis que c'est Mohamed Ennaceur qui représentera le parti. Quant à Taïeb Baccouche, il n'y sera pas puisqu'il est déjà ministre. Boujemaâ Remili, directeur exécutif du parti, vient de démissionner. En tout état de cause, les candidats sont nombreux», ajoute-t-il. On prépare le partage des prochaines nominations Jilani Hammami, député du Front populaire et porte-parole du parti des travailleurs, n'y va pas avec le dos de la cuillère pour déclarer : «A travers la création de cette commission de coordination de l'action gouvernementale, les intentions sont claires : on prépare le partage des prochaines nominations et Mohsen Hassen, vice-président de l'UPL, sait de quoi il parle quand il annonce que son parti a déjà envoyé à Habib Essid la liste de ses candidats au prochain mouvement dans le corps diplomatique». «Les propos de Mohamed Ennaceur rapportés dans les médias hier sont on ne peut plus clairs et précis : le gouvernement actuel souffre d'une inefficacité et il est obligé de chercher que les partis qui l'ont formé le soutiennent. Malheureusement, ils se sont réveillés trop tard puisque les 100 premiers jours du gouvernement arrivent à leur expiration et Habib Essid risque de partir quand le bilan sera révélé au peuple», conclut-il.