A l'Instance vérité et dignité, on assure avoir reçu 12.000 dossiers et on promet l'ouverture, «dans les jours à venir», de quatre bureaux régionaux à Sidi Bouzid, Gafsa, Sfax et Kasserine Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance vérité et dignité, est revenue au-devant de l'actualité nationale. Motif : l'Instance s'apprête à célébrer, début juin prochain, le premier anniversaire de son entrée en fonction. Sauf que les promesses faites par les membres du conseil de direction de l'Instance, quand Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaâfar et Mehdi Jomaâ les ont installés dans leurs fonctions, sont restées sans suite, plus particulièrement celle relative à l'ouverture, fin février 2015, des bureaux régionaux (24, à raison d'un par gouvernorat) dont la tâche est de réceptionner les dossiers des victimes sur place. Aujourd'hui et près d'un an (à soustraire des quatre années représentant la durée de vie de l'Instance avec la possibilité d'une année supplémentaire) après le démarrage des travaux de l'Instance, les bureaux régionaux sont toujours inexistants. Mme Sihem Ben Sedrine invoque des problèmes «de contraintes budgétaires puisque l'Instance n'est pas arrivée, faute de moyens financiers, à louer les locaux et à les équiper». «En réalité, réplique Dr Kamel Gharbi, président du Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt), il s'agit du choix des coordinateurs régionaux qui ont été triés sans que les associations concernées de la société civile soient consultées, le conseil de la direction de l'Instance ayant décidé de nous tenir à l'écart de ces nominations et de faire la sourde oreille à nos demandes. Le résultat est là : personne ne sait aujourd'hui quels sont les coordinateurs régionaux qui dirigeront les bureaux qui seront ouverts dans les jours qui viennent, comme l'a annoncé Mme Ben Sedrine, à Sidi Bouzid, Gafsa, Sfax et Kasserine. Et ces jours à venir, on ne sait pas aussi quand ils viendront puisque la présidente de l'Instance répète cette phrase depuis des mois et nous attendons toujours la date miracle. En tout état de cause, ce retard inacceptable constitue un premier échec dont souffrent les victimes qui n'ont pas réussi à faire parvenir leurs dossiers à l'Instance dans la capitale, faute d'éloignement et de manque de moyens financiers pour celles se trouvant dans les régions éloignées». Six mois de prolongement Le président du Rtjt ajoute : «Mme Ben Sédrine parle de 12 mille dossiers réceptionnés par l'Instance. Elle oublie de préciser le nombre des dossiers qui n'ont pas été déposés puisque les victimes concernées n'ont pas réussi à le faire. En réalité, il faut compter au moins 12 mille autres dossiers qui risquent d'être perdus et il faut rappeler que le dernier délai de réception des dossiers est fixé au 14 décembre 2015. Et c'est bien dans l'objectif de parer à cette lacune que le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle demande à ce que ce délai soit prorogé de six mois encore. La loi portant création de l'IVD permet le prolongement qui est devenu inéluctable». Réagissant à la déclaration de Sihem Ben Sédrine sur Shems FM, indiquant que l'Instance a pour objectif de faire en sorte que «95% des dossiers aboutissent à la réconciliation entre les victimes et leurs éventuels bourreaux, puisque nous ne visons pas à jeter les gens en prison comme le prétendent nos détracteurs», le Dr Kamel Gharbi précise : «Un taux pareil ne doit pas être annoncé avant même l'ouverture des dossiers. Il ne peut être dévoilé qu'après la fin des travaux de l'Instance. Ce genre de déclarations constitue une forme de pression sur les victimes, elles seules disposant du droit absolu de pardonner à leurs bourreaux». Quant à la proposition du président Béji Caïd Essebsi relative à une loi sur la réconciliation nationale, plus particulièrement avec les hommes d'affaires, il indique : «La loi exige que l'Etat soit une partie prenante dans le processus d'arbitrage qui ne peut démarrer qu'après son aval et notamment du président de la République. Si cet aval est acquis, le dossier peut être réglé facilement. Il reste qu'il sera procédé à la conclusion d'un contrat d'arbitrage entre l'Etat et les hommes d'affaires concernés. Et au cas où ces derniers n'appliqueraient pas les termes du contrat comme convenu, les poursuites reprendront contre eux».