Depuis des mois, plusieurs artisans n'ont pratiquement rien vendu et se plaignent aujourd'hui de la féroce concurrence qu'ils subissent de la part des produits bon marché provenant des pays asiatiques L'attentat du Bardo a porté un coup dur à plusieurs zones touristiques du pays. Haut lieu de villégiature, situé à proximité de Carthage, le village de Sidi Bou Saïd fonctionne déjà au ralenti depuis plusieurs mois. Situé dans la banlieue nord, ce petit coin paradisiaque, très apprécié des croisiéristes pour son air doux et ses charmantes maisons cossues aux volets bleus, est désert depuis quelque temps, hormis les riverains qui y habitent. L'été dernier, il était difficile pourtant de se frayer un passage à travers les ruelles bondées de monde pour flâner le soir sous les bougainvilliers qui ornent les façades des maisons. Après avoir mangé des beignets au sucre et s'être fait tatouer chez la diseuse de bonne aventure installée au pied des escaliers conduisant au mausolée, les touristes avaient l'habitude de déambuler à travers les ruelles, humant l'air doux de la nuit chargé d'odeurs de fleurs et de musc puis se rendaient, ensuite, au café des délices pour siroter un thé et fumer un narguilé. Aujourd'hui, les habitants et les artisans regrettent cette ambiance enchanteresse qui a cédé la place à la morosité. Devant sa boutique située à l'entrée du souk, Mohamed Saddam, un artisan de 41 ans, révèle que la saison touristique est cette année chaotique, notant qu'il s'agit «d'un véritable drame. Je travaillais beaucoup avec les croisiéristes. Ce sont des clients de qualité. Les choses ont changé après l'attentat du Bardo. Nous avons perdu une frange importante de cette principale clientèle grâce à laquelle la roue économique tournait dans la région». Une stratégie touristique à revoir Au Café Haj Amor, l'ambiance est tendue et les clients se font rares au milieu de la journée. Arrivé il y a quelques jours d'Allemagne, un couple de touristes âgés, attablés, discutent avec le serveur de la situation sécuritaire en Tunisie. Le couple a longtemps hésité avant de choisir la Tunisie comme destination touristique, inquiets de la montée du terrorisme dans la zone du Maghreb arabe. Selon eux, hormis quelques centaines de touristes courageux, la peur qu'un nouvel attentat ne survienne après celui du musée du Bardo, a découragé des milliers de touristes à programmer la Tunisie pour leurs prochaines vacances d'été au grand dam des artisans et de tous les métiers qui vivent directement ou indirectement du tourisme. Vivant essentiellement des recettes provenant du secteur, les villageois de Sidi Bou Saïd s'inquiètent de l'impact de l'attentat du Bardo sur l'activité économique de la zone qu'ils comparent à l'effet dévastateur d'un tsunami. En effet, du simple chauffeur de taxi assurant la navette entre la zone portuaire et le village, aux propriétaires de café, en passant par les artisans des souks et les boutiques vendant des articles de cadeaux, l'activité s'est considérablement ralentie. Depuis des mois, plusieurs artisans n'ont pratiquement rien vendu et se plaignent aujourd'hui de la féroce concurrence qu'imposent les produits bon marché provenant des pays asiatiques qui inondent le marché tunisien et qui font de l'ombre au produit artisanal authentique tunisien. Artisan et propriétaire d'une boutique de tapis et de mergoum, Adel Mrad, véritable homme de terrain, a sa propre vision du tourisme que beaucoup partagent. Selon lui, «Le tourisme est mort», ajoutant : «Après l'attentat du Bardo toute la stratégie sur le tourisme en Tunisie est à revoir afin de faire revenir les touristes en Tunisie». Gérant d'un grand magasin d'articles d'artisanat dans le souk, Ons estime que plusieurs mesures doivent être prises sur le plan sécurité afin de rassurer les touristes. «Il ne faut pas classer la Tunisie comme un pays à risque et mettre en place, au courant de cet été, une police touristique pour réussir l'arrière-saison car, d'ores et déjà, la haute saison est compromise».