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Nos divergences, nos errances, nos élucubrations
TUNISIE 2015
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 05 - 2015


Par Mourad GUELLATY
« La liberté est incompatible avec la faiblesse « (Vauvenargues)
Que nous arrive-t-il et pourquoi sommes-nous devenus si impatients, si gourmands et si délirants ?
La question posée est délibérément provocatrice.
Elle agresse parce que ce qui vient en premier lieu à l'esprit quand on la pose ce sont les demandes légitimes des centaines de milliers de Tunisiens qui souffrent de la violence, de la misère, et du mal-être, surtout ceux de leurs enfants, petites victimes innocentes de la folie des adultes, qui ne font rien pour apaiser leurs douleurs et leur préparer un futur moins lugubre que leur présent.
Certes, il existe dans ce paysage de détresse ceux qu'on appelle les «justes», qui sont souvent des gens exemplaires et luttent au mépris de leurs propres vies, de leur tranquillité et de leur confort, pour sauver, atténuer et améliorer la dureté d'exister des sans-abris, sans famille et sans énergie.
Combien sont-elles ces âmes concernées, par bonté et par clairvoyance, par la dure existence de leurs concitoyens ? Quelques milliers, peut-être beaucoup plus, car ne renonçons pas à croire dans la générosité et l'intelligence de tous ceux, simples individus ou organisations sociales et sociétales, qui savent que leur aisance n'a pas de sens s'ils restent des spectateurs inattentifs, au sort de ceux qu'ils côtoient chaque jour, et dont ils entendent les récriminations, les plaintes et les pleurs.
Dans cet exercice du don de soi, certains y trouvent un sens à une vie parfois morne et à une existence fondée sur des valeurs sans réelle valeur.
Certains y trouvent une opportunité pour se révéler, à soi-même, et donner du contenu à leur parcours, alors que d'autres ne se posent même pas la question de comprendre pourquoi ils se donnent : ils savent qu'il «faut y aller», tout simplement.
A cet égard, certains documentaires, comme celui récent de Human Right Watch (HRW), montrent combien l'être humain est capable de se transcender, dans des situations de violences extrêmes, les guerres en Afrique noire, par exemple, dans lesquelles des femmes abandonnent dans leur fuite certains de leurs enfants, pour pouvoir sauver ceux d'entre eux qui sont en mesure de les suivre.
Dans ce documentaire de guerre, de sang et d'épouvante, apparaît comme une lueur, la figure désormais célébrée par CNN, d'un prêtre noir, toujours en embuscade pour sauver et recueillir les bébés livrés à la mort.
Ce prêtre est venu à Paris, il y a quelques mois, recevoir la plus belle «standing ovation», lors d'un dîner organisé par la section parisienne de HRW.
Il avait l'air très surpris qu'on fasse si grand cas de ce qu'il semblait considérer comme une attitude normale, ni de bravoure, ni d'héroïsme, et donnait l'impression de vouloir retourner très rapidement dans la brousse accomplir, sous les pluies de bombes, son devoir envers ses semblables.
Ce prêtre est l'exemple de ce que l'être humain recèle en lui d'humanité, de grandeur, voire d'héroïsme.
A contrario, il montre le fossé qui sépare le bien du moins bien, voire du mal.
L'argent et le pouvoir au cour de tous les mouvements de la décennie en cours
Ce mal qui voit la planète entière perturbée, courbée, voire pour une certaine partie d'entre elle détruite, en Afrique et au Moyen-Orient, décimée par les luttes violentes pour le pouvoir et pour l'argent.
«L'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase, l'argent qui tue, l'argent qui ruine, et l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes» (F Mitterrand), si rare dans un grand nombre de nos familles, qui vivent d'expédients, s'habillent de haillons, et pleurent leurs enfants enrôlés dans des structures, qui, elles, n'en manquent pas, et répandent dogmatisme et violence, tous azimuts.
L'argent et la guerre pour des pouvoirs hypothétiques, semblent être à ce jour, pour certains, les plus bruyants, la seule motivation née des évènements de 2011.
Le pouvoir, nous y voilà, est passé au cours de cette longue transition par tous ses états, sans qu'il y ait eu un gouvernement puissant et ceint d'une souveraineté, que seule la garantie de la stabilité peut lui conférer.
A l'instar des Britanniques qui ont renouvelé à une forte majorité, David Cameron et son équipe des Tories, qui ont fait de la Grande-Bretagne, il y a cinq ans largement endettée, avec une croissance molle et un chômage massif, une puissance économique de premier plan.
Ils ont généré, durant leur premier mandat, une croissance de 5%, qui a permis la création d'un million et demi d'emplois, la réduction massive du déficit budgétaire, le «reshoring» des entreprises, plus de quatre cent mille, qui d'habitude quittaient le pays pour s'installer en Chine et au Vietnam et dans les autres contrées d'Asie , avec comme point d'orgue des Jeux olympiques londoniens, particulièrement réussis.
Ce résultat vient d'une formidable cohésion de l'équipe au pouvoir, une coalition des libéraux démocrates et des conservateurs.
Ces derniers ont montré tant de talent, de solidité et de solidarité que désormais ils peuvent gouverner seuls, l'électorat leur ayant offert une majorité absolue à la Chambre des Communes.
L'exemple de l'expérience britannique est, à cet égard, édifiant par sa différence avec le nôtre.
Au cours de la même période se sont succédé, dans notre pays, plusieurs expériences gouvernementales et parlementaires, toutes traversées de l'intérieur même du ou des partis au pouvoir, par des dissensions, des oppositions, plus pour des raisons factices, et disons le clairement d'ambition exacerbée, que sur le fond de la politique suivie.
Aucune de ces expériences n'a échappé au désordre des esprits, et ne tournons pas autour du pot, l'exemple venant d'en haut, a fait des émules de l'aventurisme, au sein des différentes couches de notre population.
Les dissensions et les ambitions politiques et la descente aux enfers de la violence
Elles ont été, désormais, tentées de reproduire l'exemple des supposées élites, qui n'ont fait que se «chamailler» alors que le pays amorçait, tant sur la plan économique que social ou sociétal la lente et irréversible descente aux enfers de la violence, des grèves à répétition, voire dans certains cas de la destruction de notre outil industriel et touristique.
Sans compter, les «guerres de religion» à l'Université, qui ont perturbé une jeunesse elle-même atteinte par le virus de la critique facile et vindicative, des professeurs cloués au pilori, et des recteurs traînés devant les tribunaux.
Même la justice n'y a pas échappé, nous offrant le spectacle peu reluisant des avocats s'écharpant durement avec les magistrats au vu et au su de tout le monde.
Comment voulez-vous que de tels incidents opposant des gens supposés de bon sens n'enfantent pas d'autres, dans toutes les couches de notre population ?
La bonne volonté n'a pas, pourtant, manqué aux gouvernements qui se sont succédé, de même qu'à l'ANC.
Même dans les temps de difficultés, ils ont essayé de créer des institutions nouvelles, indépendantes qui ont pu travailler sans être importunées.
Il manquait, cependant, à tout ce monde, le professionnalisme qui s'acquiert généralement par l'expérience, plus que par les connaissances.
Il manquait aussi le désir ardent de servir plutôt que de se servir, si non comment expliquer certaines démissions individuelles ou en cascade qui font suite à des élections pour des postes souhaités mais non obtenus ?
L'ambition démesurée du Tunisien est devenue un sujet de l'ordre de la psychiatrie, voire de la psychanalyse.
A l'instar du nombre de candidats à la présidence de la République, dont certains n'avaient aucune expérience de la chose publique ? Dérangeant !
Comment expliquer les candidatures sous forme de «poupées russes» ?
Cela ne fonctionne pas, pour la présidence, essayons l'Assemblée, puis peut-être le gouvernement, voire une ambassade !
Pour ceux, sortis bredouilles de ce marathon, il reste désormais les élections municipales, voire la petite fonction publique !
Ce qui dérange le plus dans cette gymnastique, en plus du côté éthique manquant, c'est l'exemplarité, surtout quand il s'agit de personnalités connues du grand public.
Et ne nous étonnons pas après, quand le citoyen lambda se prend d'appétit et se dit qu'au fond « il n'y a pas lieu d'être écarté de ces concours singuliers».
L'équation économique
Bien évidemment, les salariés déjà en temps normal, généralement combattifs, ne sont pas restés à l'écart de cette gymnastique nationale de la revendication.
A cet égard, notre économie a beaucoup souffert, non seulement de la situation générale du pays, mais aussi des grèves et parfois de la violence partagée.
Ces grèves étaient souvent commandées par des puissances occultes, de toutes les couches de notre population, les adeptes de l'opportunisme, qui n'ont trouvé rien de mieux que de mettre en pratique la philosophie politique de Jacques Dutronc : «Il y en a qui conteste, qui revendique et qui proteste, moi je ne fais qu'un seul geste, je retourne ma veste toujours du bon côté».
Et cette philosophie, pratiquée sans vergogne aussi performante soit-elle quant au résultat obtenu par ceux qui l'ont adoptée, a été dévastatrice quant à la réflexion du citoyen, surtout le travailleur infatigable, qui suait sang et eau, pour un salaire misérable à ses yeux et voyait s'afficher sur les écrans cathodiques l'étalage de richesses, de l'argent de la bibliothèque de Sidi Bou Saïd, aux limousines de Gammarth.
Fin 2010, notre économie dans son quantitatif était défendable : un déficit budgétaire limité à 3%, un taux de croissance moyen de la décennie de 5%, une dette totale de l'ordre de 40% du PIB, et un taux de chômage global de 6-7%.
Seule ombre au tableau, annonciatrice des mouvements de protestation, le 20% de taux de chômage des jeunes diplômés.
D'ailleurs, c'est bien de ces jeunes, et particulièrement de ceux du bassin minier, accablés par la double peine de la violence et du chômage, que les premières révoltes ont été initiées et poursuivies, entraînant avec le mouvement global de janvier 2011 la chute complète du régime alors en place.
Durant le mois de janvier 2011, la Tunisie était le «chouchou» du monde entier.
Sa «révolution de jasmin» était saluée par tous et citée en exemple d'un mouvement de jeunes, civilisés et pacifiques.
Si nous avions maintenu le cap, nous serions aujourd'hui un pays à plus de 10% de croissance.
Car, prenons un seul exemple : quels sont les pays ou ensembles régionaux, qui auraient eu «l'outrecuidance» de nous refuser l'aide nécessaire à la mise à niveau de notre infrastructure, dont l'insuffisance nous coûtait 4-5% de croissance annuellement ?
Quels sont les pays et ensembles qui n'auraient pas accepté de financer un programme de lutte contre la corruption, qui nous coûtait bon an mal an 2% de croissance ?
Nous pouvons multiplier les exemples, qui vont du besoin de financer un nouveau tourisme, plus adapté au siècle présent, et une formation professionnelle qui nous aurait rapporté 2% de croissance supplémentaire, par l'obtention d'une plus grande valeur ajoutée.
Si le pays avait réussi à maintenir la «magie» des premiers jours de fêtes, et n'était pas entré dans une spirale de violences tous azimuts et toutes catégories de couches sociales confondues, notre histoire aurait été toute autre, avec très probablement une augmentation annuelle de notre production au-dessus des deux chiffres, et de surcroît un prestige fou.
Peut-être que celle de nos voisins libyens n'aurait pas été aussi violente, avec ce déferlement de haine et d'assassinats d'innocents, qui ont répandu, y compris chez nous, la peur, l'immobilisme et le pessimisme.
Car nous assumons aujourd'hui les coûts occasionnés par ces premiers mois de sauvagerie, qui ont donné par la suite naissance à des spirales de morts, y compris dans les pays voisins et bien au-delà en Afrique, et qui perdurent, à ce jour, ici ou là.
Nous pouvions bénéficier, pour notre économie, pour la société dans sa diversité et sa totalité du label «révolution de jasmin», qui nous aurait pavé un chemin autrement plus reluisant, de ce qu'il est devenu par la suite, à savoir celui d'un pays au parcours chaotique, miné par les grèves, de toutes sortes, par les divisions sociétales, ethniques, voire claniques dans certaines contrées, et un corridor de la mort pour ses enfants et ceux des voisins qui prennent à tout moment le risque communément et largement partagé de sombrer dans la Méditerranée.
La morosité de notre société
Aujourd'hui encore, notre société est durement frappée par la morosité et la sinistrose, et condamne à l'avenant les gouvernements qui se sont succédé, tous soit «pourris soit incompétents», et parfois les deux à la fois, les hommes d'affaires, «des fainéants, des corrompus», qui ont «pactisé avec tous les régimes, nous ont mis dans ce sale pétrin, pour finalement trouver tous les prétextes «pour ne pas se bouger».
Elle condamne la presse, «autrefois aux ordres, et qui essaye de se refaire une virginité au détriment de toute initiative» bonne ou mauvaise.
Elle n'est pas heureuse, et ne trouve rien qui puisse excuser ou atténuer, le regard critique qu'elle pose sur elle-même : «frileuse, impatiente, excessive, ignorante, vaniteuse».
La réalité est que des années de courbettes aux régimes politiques en place, de silence dehors et de chuchotements à l'abri des écoutes, ça vous forge de «grands caractères», de ceux qui disent tout haut, aujourd'hui, ce que les autres, certes moins nombreux, pensent tout bas.
Sans compter ceux durement touchés par des disparitions, l'état invivable de nos contrées, de nos hôpitaux, de notre administration, qu'on découvre, et même des détritus qui s'amoncellent et que personne ne vient nous en débarrasser.
En Tunisie, tout le monde est malheureux, pour soi-même et ses proches, et pour tout le reste.
Même ces «fichus médias» nous serinent un drôle de discours, fait de plaintes et de noirceur de l'horizon : tous les mêmes ces «pseudo-analystes politiques», ils ne nous font pas voir le bout du tunnel.
Ils oublient qu'en quatre années, nous avons eu droit à quatre gouvernements successifs, des troubles de la violence, tous azimuts, des dissensions de la société civile autour du niqab et autres, de celles des parlementaires, qui nous ont donné des frayeurs et des lenteurs avant de finir par terminer leur long mandat,
Nous avons connu des assassinats de personnalités connues, et de celles de pauvres innocents, victimes de l'aveuglement haineux de terroristes qui tirent sans discernement sur des enfants qui laissent des parents éplorés, et des chefs de famille qui quittent les leurs, désormais adolescents orphelins et veuves noires de chagrin.
Les médias ont beaucoup profité de la parole libérée qui leur a été accordée peu ou prou, par tous les gouvernements qui se sont succédé.
Certains se sont dans l'ensemble bien comportés, en offrant une information sincère, alors que d'autres ont versé dans le catastrophisme, sans mesure, et sans apprécier l'influence négative qu'ils pouvaient avoir sur leurs concitoyens.
Le journalisme est une profession noble, car elle a une tâche délicate, de rapporter les évènements et de les commenter en faisant preuve d'honnêteté intellectuelle et, parallèlement, de discernement sur ce que peuvent être les réactions de leurs audiences.
C'est pour ces raisons qu'il impose le respect, et requiert le sens aigu du bien public, et non le discours chagrin d'une faible minorité, qui répand inlassablement, un pessimisme de mauvais aloi, quand il est clair qu'il n'offre que le désespoir, sans envisager la moindre piste d'espérance.
La nécessité du dialogue et de la main tendue
Nous sommes dans une période difficile, qu'on ne peut pas estimer tout à fait normale, l'actualité nous le rappelle chaque jour.
Cette période exige de nous tous, gouvernants, citoyens et aussi et surtout hommes de médias, beaucoup d'honnêteté et de mesure, deux qualités pas toujours évidentes, pour quelques membres, très minoritaires, de cette belle profession, dont il lui faut respecter au moins les règles élémentaires, surtout en périodes de turbulences, et mesurer l'impact que leurs propos, empreints de sinistrose, peuvent avoir sur les citoyens dépourvus de tout.
Certes, notre pays a besoin d'une vision, d'un horizon, d'un plan économique pour les années à venir.
Car il est difficile de le piloter sans savoir précisément où on veut aller, quitte à corriger dans la transparence la direction, en cours de route, si cela s'avère nécessaire.
A présent que les dissensions sociétales et politiques semblent s'être légèrement apaisées, l'économie et le social reviennent en force comme enjeu et outil de l'amélioration de la vie des moins lotis.
Certes, les vents sont contraires : infrastructures, vies humaines et outils de production détruits, usines et écoles fermées, et tout particulièrement la valeur travail chancelante et parfois même absente.
Et surtout des éléments exogènes en berne.
Nous sommes connectés à des pays dont les finances et les économies sont en grandes difficultés : l'Europe et surtout la France, notre principal partenaire, ont des économies douloureusement fragilisées, alors que le Maghreb se partage entre une «chienlit» chez nos voisins libyens, et un appui très mesuré des autres.
Comment faire avec tout cela ?
Par le dialogue avec notre peuple dont il ne faut pas désespérer !
Ce peuple de la Révolution du jasmin ne peut pas être forcément et durablement mauvais.
Il faut renouer avec lui, sans discontinuer, le fil du dialogue, lui faire partager les dangers que nous courons, les difficultés que nous avons à les maîtriser, et en faire un partenaire dans leur résolution.
Il serait bon de lui donner aussi l'espoir que son sacrifice portera un jour ses fruits.
A cet égard, il est recommandé de désigner, en qualité de médiateur de la République, une personnalité forte ayant une fibre sociale avérée, et indépendante des partis.
Connue pour son indépendance et sa droiture, et ayant l'oreille des personnes en situation de souffrance, elle serait en mesure de leur porter ce message et de les convaincre.
Cette personnalité, qui aura rang de ministre, sans faire partie du gouvernement, devra renouer les fils du dialogue et faire des propositions réalistes pour répondre, dans la mesure du possible et des moyens dont nous disposons, à l'attente de ceux qui n'en peuvent plus.
Conclusion
Rien n'est perdu, nous sommes dans un siècle de grandes transformations, politiques, économiques et sociales, qui ne vont pas s'arrêter et exigent de nous tous un fort potentiel d'adaptation.
Adaptation est le maître mot de notre avenir : s'adapter au nouveau monde, celui de la globalisation, de la médiatisation et de la connaissance.
S'adapter, pour notre pays, exige à court terme que la relation gouvernants-gouvernés s'apaise par un regain de confiance.
Il est bon que les uns et les autres sachent que ce qui est demandé, par un rappel lancinant au gouvernement, sur le délai des cent jours, ce n'est pas de rendre la Tunisie, dans un laps de temps aussi court, une nouvelle Suisse, ou un nouveau Luxembourg, mais bien de donner dans ce faible intervalle des preuves tangibles que nous avons la force et la volonté de nous sortir d'affaire.
Et de présenter, non pas un plan de gouvernement, avec un détail exhaustif de toutes les actions à entreprendre, mais bien les grandes lignes, les directions, et en gros, les financements nécessaires, et comment nous allons les trouver, pour sortir de ce labyrinthe de difficultés que constitue cette période de grâce des cent jours, voire un peu plus, nous ne sommes pas à une ou deux semaines près.
Et probablement, commencer par la mise en œuvre d'une politique de grands travaux infrastructurels : les routes, les ponts, les chaussées, les voiries, bref ces actions primordiales pour désenclaver les régions et permettre à ceux qui sont porteurs d'un projet industriel ou autres de s'y activer.
Ces grands travaux ont pour mérite de permettre une embauche quantitative, de citoyens en rupture d'emploi, qui ne font que contester, certes légitimement, et leur rendre leur dignité qui autrement ne s'accommoderait pas longtemps du statut de chercheur d'un travail, ad vitam aeternam, et de paver le chemin à ceux qui veulent s'installer dans ces régions de l'intérieur.
Il y aurait beaucoup à faire, en prenant des mesures de ce genre, car il est plus aisé de trouver vite un volume de main-d'œuvre important pour des travaux de cette nature, et cela donnerait un signal fort que la machine productive est de retour, et que nos citoyens ne sont pas forcés de se cantonner dans un rôle de râleurs et de quémandeurs, mais bien dans celui d'hommes et de femmes qui ont recouvré une dignité par leur contribution effective au redressement du pays.
Nous savons tous, que les caisses de l'Etat ne sont pas tout à fait pleines. Ce qui n'est pas une raison pour ne pas imaginer des formules de concessions avec des partenaires étrangers, permettant de partager le fardeau des coûts, en échange d'un partage des bénéfices futurs.
Ces caisses et notre administration souffrent d'un recrutement massif, effectué au cours des dernières années, qui alourdit le service public, et affaiblit l'efficacité de son fonctionnement.
En attendant que ce dernier se dote des moyens technologiques nécessaires, il y a lieu de redéployer, le personnel excédentaire sur des centres d'activités rémunérées, qui ont réellement besoin d'un tel concours.
Il y aura à l'avenir, dans le monde, les leaders et ceux qui ne perdent pas pied et s'arriment à ces technologies, qui sont, d'ores et déjà, incontournables, dans l'administration, l'enseignement, la recherche, les sciences et l'économie, et les autres qui continueront à évoluer cahin-caha, ignorant que nous vivons une révolution dans ce domaine.
Les premiers sont de «grosses pointures», comme les USA, la Chine, le Japon, mais aussi des petites cylindrées, à l'instar de la Corée du Sud, Singapour, et les pays nordiques, principalement.
Il y a d'autres qui s'accrochent et surnagent, à l'instar de certains pays arabes du Moyen-Orient (Bahreïn, les Emirats, Dubaï et le Qatar) qui ont réussi au cours des dernières années, un saut qualitatif important.
Et enfin ceux d'une grande partie du continent africain, qui s'accrochent à leur peu enviable statut de laissés-pour-compte, de la digitalisation.
Dans ce domaine, des technologies de l'information, la Tunisie, n'est tout de même pas la plus mal lotie, et possède le talent et les autres ingrédients pour recoller au peloton des moins retardés, après cette difficile parenthèse.
A cet égard, il est bon de rappeler la contribution au PIB tunisien de l'ordre de près de 8-9% des technologies de l'information et de la communication, proche de celle de notre agriculture, et sera probablement plus élevée, pour l'année en cours, que celle de notre tourisme.
C'est dire que nous avons encore des ressources pour nous relancer, sachant qu'il n'a fallu qu'une génération pour que des «comètes», telles que Singapour, la Corée du Sud, le Danemark et la Suède, atteignent les premières positions dans les nouvelles technologies, celles qui sont appelées à être à l'avenir les plus contributives dans l'essor des nations.
Ce que certains pays d'Afrique, autrefois rongés par la fraude et la corruption, ont pu réaliser en moins d'une génération, à l'instar du Liberia et du Rwanda, autrefois moribonds, aujourd'hui en bien meilleure position, en dépit d'Ebola pour le premier, et des traces laissées par une guerre fratricide pour le second, nous pouvons l'accomplir, car nous avons tout de même de nombreux arguments à faire valoir : un niveau moyen d'éducation enviable, et une image certes légèrement détériorée, mais toujours enviée, qui nous permettraient, si nous nous ressaisissons, de compter sur nos amis de toujours, qui sont encore légion, sur nos propres forces, non négligeables et finir par inverser le cours de ces quelques années durant lesquelles le pire a alterné avec le meilleur.
Et faire en sorte que cessent à jamais nos divergences, nos errances et nos élucubrations.


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