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La guerre des bilans
Publié dans Leaders le 20 - 06 - 2013

J'ai été l'invité d'une chaîne tv pour discuter de thèmes économiques le jeudi 13 juin en présence de Hassine dimassi, l'ex-ministre du Gouvernement Jebali, Ezzeddine Saidane, Expert en Finance et en Economie et Fathi Zouheir Nouri, présenté par l'animateur comme un spécialiste en économie. Ces thèmes étaient l'endettement, la situation économique du pays et le système des subventions. En me contactant, le mot d'ordre était de « faire des messages objectifs montrant la réalité exacte de l'économie tunisienne puisque le tunisien a besoin d'avoir l'image la plus fidèle de la réalité ».
Bien que sachant pertinemment que ces thèmes, si difficiles pour un non-initié, ne peuvent pas être traités dans une seule émission d'une chaine tv non spécialisée, ma désillusion a été grande lorsque je me suis rendu compte que ces thèmes n'ont pas été discutés de la manière requise et que les interventions étaient majoritairement passionnées et subjectives. L'unique message, explicitement annoncée par l'un des invités vers la fin de m'émission était que « la situation aux yeux du téléspectateur est maintenant devenue, plus compliquée qu'elle ne l'était ».(2)
Loin de prétendre que la situation économique de la Tunisie est en rose, il est toujours possible de procéder à un bilan selon les méthodes appropriées distinguant les effets structurels de ceux conjoncturels, des choix de politiques économique de ceux sociaux, du contexte local de celui international, et de ce qui aurait pu être fait de ce qu'il a effectivement été fait…Mais si le rôle de l'''Expert'' se réduit seulement à semer la panique chez les téléspectateurs et de mener une guerre de bilans précoce aux dépens de la rigueur et même des enseignements basiques de l'Economie, en se refusant par opportunité ou par contrainte, d'apporter des solutions savantes et donc crédibles, ce serait alors dommage de remporter de fausses victoires sur fond de fausses causes.
Il est étonnant qu'un conseiller du Gouvernement tienne des propos rattachés aux références scientifiques, alors que des intellectuels se penchent sur un discours purement politique sous couvert du qualificatif Expert :
1. La situation économique est difficile à cause des manœuvres du Gouvernement ?
A l'évidence quand on analyse une situation économique d'un pays, méthodologiquement deux dimensions ne devraient pas être omises, sinon les propos seraient étriqués et les résultats ne mèneraient point à des recommandations appropriées.
Il s'agit d'abord de la dimension structurelle ayant trait au potentiel du système productif et de l'organisation de la production ainsi qu'aux stratégies (de long terme) de développement économique et social mises en œuvre. Il est clair que le modèle de croissance hérité a atteint ses propres limites puisqu'il ne génère plus d'emplois comme il l'a été durant les années quatre-vingt-dix. Une fragilité structurelle du système économique tunisien est alors à souligner lors des bilans. La situation actuelle de l'économie tunisienne ne pouvait être que le résultat de cet état de fait avec ou sans révolution, avec ou sans l'actuelle équipe dirigeante, avec ou sans la récession en Europe. Parler de capacité de création d'emploi dans le court terme sans évoquer ce fait structurel serait à notre sens une aberration méthodologique en dehors du chômage naturel de M. Friedman, du chômage de capacité de J.M.Keynes, de l'emploi cyclique de Plosser… ou même de l'accumulation de l'armée de réserve industrielle de K. Marx, …, ou n'importe quelle autre référence théorique nécessaire pour mener des analyses économiques fondées. Il est inconcevable que l'appréhension de la réalité économique soit en dehors d'un cadre théorique préalable, devant être maitrisé par l' Expert sans être obligé de l'annoncer expressément, sinon ce serait des réflexions à haute voix allant dans tous les sens.
La deuxième dimension de l'analyse de la situation économique est celle conjoncturelle en rapport non seulement avec l'environnement international mais aussi avec les mesures de politiques macroéconomiques régulatrices ou de court terme (politique monétaire pour maitriser l'inflation et budgétaire pour la relance de l'économie). Certainement, ces politiques de court terme ne sont appréciables que dans un contexte de stabilité sociopolitique, de climat d'affaires sein et de meilleure visibilité. Or, ces dernières conditions sont à la charge de toutes les parties prenantes y compris le gouvernement.
Certes, la stratégie de communication de l'équipe dirigeante est très discutable deux ans durant, mais la non prise en compte de la rareté des fonds pour gérer le pays suite à la croissance négative en 2011, en l'absence d'une véritable solidarité nationale autour des prérogatives de la transition et face à la prolifération des circuits parallèles de commercialisation illicite, la fragilisation des institutions officielles depuis le 14 et la mission presqu'impossible de restituer dans le court terme le prestige de l'Etat après s'être sapé… il serait une fable que de mettre la détérioration du climat des affaires, le manque de visibilité et l'instabilité sociopolitique sur le dos d'un seul acteur/facteur parmi « la crise européenne », « les partis politiques saboteurs », « le syndicat revendicateur », « l'administration centrale mettant le bâton dans les roues », « la BCT prenant pour son indépendance la cause essentielle et l'affaire de tous les temps », « le gouvernement manquant de savoir faire»…, si l'on adopte une approche institutionnelle prenant en compte les interaction entre les parties prenantes, ç à d entre le gouvernement, les syndicats des travailleurs, l'UTICA, les partis politiques, la société civile et le lobbying international. Toutes ces institutions, constituant le tissu des acteurs de la reproduction des conditions matérielles, sont articulées autour de l'Etat, qui est la force concentrée de la société ou sa synthèse.
Un Etat fort est in fine celui qui est capable de garantir les droits de propriété à travers ses capacités à créer des institutions qui le contrôlent. Cet Etat est réceptif et engagé. Réceptif, dans le sens qu'il fait participer les parties prenantes et les institutions qu'il a crées dans le respect des règles nouvellement envisagées. Engagé, dans le sens des réformes qu'il entend mettre en œuvre. A l'évidence, ceci n'est nullement envisageable dans la courte période. En effet, il faudrait une période de transition pendant laquelle le comportement des agents économiques change en s'adaptant aux nouvelles règles institutionnelles émises non seulement par eux mêmes mais aussi par l'Etat.
Mais de là à insister de manière dogmatique (être dogmatique, c'est prendre ses propres hypothèses de départ pour des vérités universelles) et s'acharner sur le fait que « les grèves paralysant les activités de Phosphate sont uniquement dues au Gouvernement car il n'en a pas maté les meneurs ou il n'a pas fait preuve d'annexion », comme s'il ne s'agissait pas de mouvements organisés depuis le lendemain du 14 ayant pris pour la reproduction des contestations une méthode de défis à l'institution, de chantage, d'extorsion et de perdition de la richesse nationale visant par là la déliquescence de l'Etat, déjà annoncé dès le début.…
En dehors d'une vision objective et d'une lecture rationnelle de la transition, ceci serait aussi une approche démunie d'outils d'analyse dont tout expert devrait être doté pour se prononcer sur le sujet. Il ne s'agit pas de décrire la transition dans sa courte ou longue période par référence aux coûts qu'elle occasionne. Les économistes institutionnalistes se mettent d'accord plutôt sur la qualité de la transition devant être assurée par l'élite et la revisite des institutions concernées. C'est dans ce cas que les coûts subis par les agents deviennent minimisés.
2. Les nombreuses dettes extérieures contractées par la Tunisie vont déboucher sur leur rééchelonnement ou à la cessation de paiement ?
L'expert a toujours deux possibilités. Annoncer les résultats de ses analyses sans passer le temps dans les démonstrations souvent compliquées pour les non initiés, mais à condition que le travail soit publié sinon ce serait une profession de foi. Ou bien, se limiter à des illustrations du bienfondé de son analyse pour en dévoiler les résultats. Toute position intermédiaire serait du verbiage portant atteinte à la réputation des experts et affecte donc la crédibilité des médias qui font de l'intervenant une star incontournable. A propos de la dette tunisienne, les chiffres absolus n'ont aucun sens dans l'analyse économique. Les 2,7 Milliards en provenance du FMI, les 500 Milliards envisagés à être obtenus auprès de la BM,… rapportés au PIB ou même au stock de la dette extérieure tunisienne contractée depuis une vingtaine d'années n'ont pas vraiment d'importance menaçante de cessation de paiement ou de rééchelonnement tant que les conditions de leur soutenabilité sont respectées.
La dette est dite soutenable quand sa part dans le PIB est convergente, c'est-à-dire a tendance baissière à partir de la première ou la deuxième année de son contrat. Ceci est jusqu'à présent vérifié pour le cas de la Tunisie (voir les rapports de la BM, la lettre de confirmation-FMI, notre étude publiée(2), celle de Rajhi, cercle des Economistes de Tunisie, et autres travaux faisant l'objet de thèses que nous avons dirigées). Notons aussi qu'il n'y a pas de barre limite connue d'avance pour tous les pays pour parler de peu ou de trop de dette.
Cette dernière est une réponse naturelle à un déséquilibre macroéconomique souvent structurel surtout dans les pays à défaut de rente ou à court de ressources comme la Tunisie. Elle n'est jamais remise en cause en soi. C'est l'utilisation des dettes dans la création de richesse (pour celles de long terme) et dans la régulation conjoncturelle (pour celles de court terme) qui devrait être discutée. Mais de là à vaticiner la tendance catastrophique sans démonstration ni illustration acceptable, ne rend pas compte du rôle que l'élite devrait jouer durant la transition. La véritable alternative à l'endettement extérieur serait le passage à nouveau palier de croissance via l'amélioration de la productivité des facteurs, le changement des structures productives nationales, la valorisation des ressources nationales, et surtout le modèle de développement faisant objet de consensus de la majorité des tunisiens. Se limiter à des descriptions marginales, prendre le conjoncturel pour structurel et jouer le rôle du prophète de l'échec ne rendent jamais services à personne.
Mieux encore, pour défendre l'indéfendable, un invité au plateau remet en cause la qualité des Economistes ayant eu le prix Nobel en les traitant d'incapables de comprendre l'économie tunisienne car ils ont travaillé sur l'économie américaine ! Or, il s'agit d'Experts internationaux que nous devons respecter. Ils ont passé leur vie à apporter des solutions concrètes à des problèmes économiques concrets dans plusieurs économies dans le monde… enfin, au lieu de donner espoir aux tunisiens qui n'arrivent plus à suivre les échanges désorganisés entre invités, l'un d'eux prônent le fait que « la révolution était une bénédiction et s'est transformer en malédiction » !
Enfin, la démocratie n'a jamais exclu les ordinaires.
Ali Chebbi,
Professeur d'Economie.
(1) Voir l'émission : http://www.hannibaltv.com.tn/details_emission.php?code_menu=35&code_emission=113#?
(2) http://www.idees-tunisie.com/files/file4151644.pdf


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