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Majdouline Cherni: Martyrs et blessés de la révolution «Ma mission, mon combat»
Publié dans Leaders le 12 - 04 - 2015

La benjamine du gouvernement est pleine de maturité et de sagesse. Majdouline Cherni, qui vient de boucler le 21 février dernier ses 34 printemps, est totalement plongée dans ses nouvelles fonctions de secrétaire d'Etat chargée des blessés et martyrs de la révolution. Un engagement naturel pour la sœur de Socrate Cherni, commandant de la Garde nationale tombé sous les balles des jihadistes dans des conditions non encore élucidées, le 23 octobre 2013 à Sidi Ali Ben Aoun. Les blessés et martyrs, Majdouline sait ce que c'est, elle les a dans la chair.
«Depuis ce jour-là, confie-t-elle à Leaders, beaucoup de choses ont changé pour moi. Ce qui était essentiel est devenu accessoire. Comme d'autres, mon frère a payé de son sang. On ne doit pas capituler, mais se trouver des ressorts pour rebondir, propager des ondes positives, se redonner espoir. Honorer la mémoire des martyrs, prendre en charge les blessés et les encourager à se relancer, venir en aide aux familles : c'est le dossier dont m'a chargé le chef du gouvernement. A mon grand honneur et bonheur. Ce sera ma mission, mon combat ! Avec tous les autres.»
Comment cette jeune architecte engagée dans la société civile au Kef a-t-elle redoublé d'activisme dès le déclenchement de la révolution? Avec quelle approche prend-elle en charge ce dossier des plus épineux ? Et, concrètement, que compte-t-elle faire au juste ? Parcours et perspectives.
Mouldi Cherni, son père, était un homme heureux. Ingénieur en électromécanique, il est immédiatement recruté, à la fin de ses études en Pologne, aux chantiers navals de la Socomenin à Menzel Bourguiba. Son épouse lui donnera quatre beaux enfants qui feront tous de brillantes études. Trois filles : Cherine, professeur de lettres françaises, Majdouline, architecte, et Nesrine, énarque (mastère en marketing). Puis un garçon, Socrate, qui optera pour l'Académie militaire et rejoindra la Garde nationale... La famille baignait dans le bonheur et seul Le Kef natal lui manquait. Une bonne occasion se présente avec la création de l'usine de moteurs Sakmo à Sakiet Sidi Youssef. Sollicité, le père ne résistera pas à la tentation et la famille s'installera au Kef, en 1986, dans une adorable maisonnette du centre-ville, tout près des postes de police, de garde nationale et ... de la prison.
Comme ses autres frère et sœurs, Majdouline sera une élève brillante, dès ses premières années primaires. Elle ira au lycée pilote et on la retrouvera célébrée dans la fameuse émission télévisée d'alors «Anjab Ennoujaba» de Néjib Khattab. Bac en poche, elle optera pour l'architecture et ira alors étudier à l'Enau, relocalisée à Sidi Bou Saïd. Très unis, les quatre frère et sœurs se rejoindront rapidement dans la capitale, chacun fréquentant un établissement dans le Grand Tunis, et leurs parents les installeront alors dans une maison au Bardo où ils viennent souvent les voir, en attendant les vacances au Kef.
L'architecture carcérale...
Arrivée à la fin de ses études, Majdouline devait choisir un sujet de thèse. Et la voilà attirée par un thème jusque-là peu prisé : l'architecture carcérale. Il était difficile d'obtenir les autorisations nécessaires pour accéder longuement aux prisons et en faire des relevés d'architecture. On lui permettra, alors, juste d'en visiter quelques-unes, mais elle en profitera pour rencontrer des militants des droits de l'Homme qui y étaient incarcérés, à l'instar du cyber-activiste Zouheir Yahyaoui. Majdouline sera orientée vers les centres de détention et réinsertion pour enfants délinquants. Elle réussira sa thèse avec mention très bien. Cette plongée dans la psychologie des détenus, ce contact avec un monde des plus particuliers et cette étude des rapports entre le bâti et le vécu, le béton et le mental, la marqueront beaucoup dans sa réflexion, comme dans sa démarche de l'aménagement de l'espace et la conception des lieux de vie et de respiration.
L'étudiante enchaînait déjà les stages dans des cabinets d'architecture. Elle sera accueillie successivement par les Turki, Koubaa et Taoufik Elleuch (président de l'Union internationale des architectes). Chacun lui apportera un complément utile à sa formation de base, lui permettra de développer ses talents, et garderont tous avec elle des liens solides. Elle était également attirée par l'enseignement et la voilà professeur de dessin technique au Lycée Asdrubal à Tunis, puis au Centre de formation professionnelle en travaux publics à la Mornaguia. A l'époque, n'ayant qu'une journée d'enseignement par semaine, elle était repartie rejoindre la famille au Kef. Pour arriver au Centre à l'heure le matin et assister à la levée des couleurs et au salut du drapeau, et devait se lever à 5 heures du matin et prendre la première voiture de louage...
Le Kef, son fief
Cette expérience était enrichissante pour elle, mais Majdouline Cherni voulait ouvrir son propre cabinet d'architecture au Kef. Ce qu'elle fera en 2008. En fait, son objectif n'était pas seulement de réussir sa carrière professionnelle, mais aussi d'être utile à la communauté locale. C'est ainsi qu'elle s'engagera au sein de l'Association de sauvegarde de la Medina du Kef, dans les commissions techniques de la municipalité et du conseil du gouvernorat et prendra la présidence de la Chambre régionale des femmes chefs d'entreprise de l'Utica. Majdouline y trouvera alors un grand plaisir, exerçant son métier et partageant sa passion, tout en se rendant utile. Le déclenchement de la révolution sera pour elle un rêve vécu avec un immense bonheur. La voilà s'activer dans les comités de quartier, participant aux soirées de veille, à la préparation des repas collectifs et aux intenses débats sur l'avenir radieux qui pointe à l'horizon.
Le Liban pour leadership féminin
Juste quelques semaines à peine qu'elle s'y est distinguée, Majdouline est contactée par Boutheina Gribaa de Cawtar, le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche. Détectant les jeunes pousses prometteuses, il vise à promouvoir le renforcement de la participation des femmes à la vie politique et au processus de prise de décision, et à développer leur leadership. C'était pour lui proposer de participer à une session de formation au Liban sur le planning stratégique de développement. Pendant six semaines, elle suivra à Tripoli une formation très instructive, avec une trentaine d'autres femmes libanaises, françaises et italiennes ainsi que six tunisiennes, en plus des visites à Beyrouth.
De retour en Tunisie, au début de l'été, Majdouline Cherni avait mille et un projets en tête. Les élections pour l'Assemblée constituante d'octobre 2011 accaparaient alors la vie publique. Nombreux sont ceux qui la pressent de s'y engager. L'un de ses anciens enseignants à l'Ecole d'architecture qui l'avait accueillie en stage la sollicite de conduire au Kef la liste du parti que venait de fonder Slim Riahi, l'UPL. Majdouline ne s'y connaissait guère, ne faisant pas une nette distinction entre les mouvements politiques qui se proclament de la démocratie et du progrès. L'expérience la tentait bien. Elle finira par accepter sans trop se soucier de tout le reste. Siéger un jour au Bardo pour rédiger la nouvelle constitution est exaltant, même si elle sait d'avance qu'en cette pleine effervescence, la compétition sera rude. Parmi 46 listes en lice dans la circonscription du Kef, et en 45 jours seulement de préparation et de campagne, quasiment sans moyens, elle sera classée 14e. Loin de baisser les bras au lendemain du scrutin, elle reprendra son action militante et s'activera au sein du centre de réflexion stratégique pour le développement de la région, aux côtés de Khaled Hmila qui sera le maire du Kef.
L'élan était pris, Majdouline voguait d'un idéal à des valeurs, d'un projet à un dessein. La révolution et ses promesses ne pouvaient que doper l'énergie de cette battante. L'avenir ne pouvait s'annoncer qu'en rose pour elle, pour sa famille, pour le pays. Survint alors cette douloureuse journée du mercredi 23 octobre 2013.
Premier pied à l'étrier: déléguée à La Manouba
Alors qu'elle était dans ce profond questionnement personnel, des amis se soucient de la faire «dépayser », en l'éloignant un peu du Kef et lui faire changer d'air. Ils s'activent également à lui faire des propositions professionnelles alléchantes et la pressent d'accepter un poste de déléguée. Sachant qu'elle est très attachée à la région du Nord et impliquée dans ses projets de développement, ils lui proposent Jendouba. Mais les menaces sécuritaires, avec les terroristes dans les montagnes avoisinantes, y étaient pesantes. Elle optera pour La Manouba, sa deuxième ville de cœur.
Tour à tour, le gouverneur la chargera des dossiers sociaux, puis économiques, notamment le tourisme alternatif à développer et, enfin, politiques, avec l'organisation administrative indépendante des élections législatives et présidentielles de 2014. Emballée dans sa mission, elle n'a pas vu le temps passer et commençait à s'y épanouir, jusqu'à ce fameux coup de fil qui donnera une nouvelle orientation à son parcours.
Changer de stratégie : plus de reconnaissance, mieux de prise en charge
Au-delà de l'indemnisation financière et de la prise en charge, c'est le réconfort moral et la reconnaissance qui importent le plus. Inscrire le nom des martyrs au fronton des édifices publics, établissements éducatifs et universitaires, maisons des jeunes et de la culture, leur attribuer des noms de rues, d'avenues et de jardins publics, cultiver leur mémoire constituent autant d'initiatives à prendre rapidement. Le décret-loi n° 2011-97 du 24 octobre 2011 portant indemnisation des martyrs et blessés de la révolution du 14 janvier 2011 avait prévu nombre de dispositions. C'est leur mise en œuvre effective qui importe le plus.
«Depuis lors, pas moins de 87 MD en indemnisations ont déjà été consentis par le budget de l'Etat, souligne Majdouline Cherni. Nous devons être à près de 90% des indemnisations. Aussi, 3 600 cartes de transport gratuit et 3 300 cartes de soins ont été délivrées, des prises en charge de soins médicaux à l'étranger accordées, et des aides de secours et d'assistance sociale distribuées. Mais, cela reste incomplet et insuffisant. Nous devons rompre avec certaines approches désuètes, changer de stratégie et agir avec plus de rapidité et d'efficacité. Au-delà de l'assistance sociale et médicale, nous devons instaurer une discrimination positive en faveur des blessés et des familles des martyrs dans divers domaines, notamment l'éducation, l'emploi et autres. Il nous appartient surtout d'encourager ceux qui sont dans des filières d'enseignement ou de formation professionnelle à réussir et d'inciter les autres, ceux qui sont en mesure de le faire, à monter de petits projets, se créer des sources de revenus, s'insérer dans la dynamique économique...».
Tout en s'attelant au cadrage stratégique de sa mission, la jeune secrétaire d'Etat doit surmonter une série d'obstacles. Sans trop s'en soucier, elle cherche plutôt à former à partir des compétences disponibles une petite équipe compétente et laborieuse et l'installer non loin d'elle pour s'attaquer aux grands chantiers urgents. Plus de reconnaissance et mieux de prise en charge. Son credo est fait. Avec patience et détermination, Majdouline Cherni s'y emploie, forte du soutien du chef du gouvernement, Habib Essid, qui en fait un dossier personnel et prioritaire, et de tous ses collègues. L'appui du Président Essebsi est acquis d'office, comme il s'y était déjà engagé.
T.H.
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