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Perpétuer le génie créateur de la Méditerranée
Publié dans Leaders le 05 - 08 - 2015

Il est communément admis que tout projet de partenariat régional ne saurait connaître l'efficience et la pérennité souhaitées que si ses concepteurs intégraient à son architecture institutionnelle et à ses programmes d'action un solide soubassement culturel.

Pour assurer la relance du processus de construction de l'espace euro-méditerranéen, aujourd'hui en perte de vitesse, il est impératif d'accorder aux domaines de la culture et de la création la place qu'ils méritent dans la réalisation de cet ambitieux projet, de façon à répondre à une exigence propre à la vocation originelle de la Méditerranée, en tant que lieu de rencontres, de métissages et d'échanges féconds entre les peuples.

L'Histoire nous enseigne que cette région, berceau du monothéisme et creuset de civilisations florissantes, devenait un pôle de rayonnement culturel chaque fois que la sagesse, l'entente et le commerce des hommes l'emportaient sur les antagonismes et les velléités de domination et d'hégémonie.

Jusqu'à nos jours, la Méditerranée semble ne pas échapper à cette règle historique qui nous en rappelle l'implacable destin, celui d'une région qui porte en elle les germes de son union et de sa désunion, de son harmonie et de son chaos, de sa construction et de sa destruction, de sa rationalité et de sa déraison.

Le paysage actuel nous amène à y croire. Force est de constater qu'en dépit d'un grand potentiel économique et humain et d'un riche héritage culturel partagé, le projet de partenariat euro-Méditerranéen bat de l'aile. L'Union pour la Méditerranée, venue se greffer sur le processus de Barcelone, tarde à mettre en exécution certains projets dont elle est l'organe fédérateur, manquant de surcroît de visibilité, au niveau tant de ses activités que de ses objectifs.

Il va sans dire que la situation politique au sud de la Méditerranée freine considérablement toute avancée significative dans la voie du partenariat régional. Outre les échecs successifs dans la recherche d'un règlement juste et durable du conflit du Proche Orient, l'instabilité dans les pays du "printemps arabe", en dépit d'une relative réussite de la transition démocratique en Tunisie, la prise du pouvoir en Egypte par Abdelfattah Sissi qui a mis fin au règne controversé et de courte durée des islamistes , la guerre en Syrie avec son cortège d'horreurs, la crise politique libanaise qui perdure encore, n'ont fait qu'accroître les tensions dans cette région du monde, théâtre d'énormes enjeux stratégiques et géo-politiques.

Si la chute du régime en Tunisie, en Egypte et en Libye a suscité d'immenses espoirs quant à l'accession de ces pays à une nouvelle ère de liberté, de démocratie et de justice sociale, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle y a généré une situation fragile, voire chaotique, comme c'est précisément le cas en Libye, avec comme toile de fond l'aggravation des problèmes socio- économiques et la montée de l'extrémisme, de la violence et du terrorisme.

Ce constat étant,faut-il pour autant se résigner à n'entrevoir que les éléments de rupture et de blocage qui continuent à entraver lourdement la mise sur pied de l'édifice commun, ou faut-il, plutôt, chercher dans la grisaille méditerranéenne des foyers de lumière qui donnent aux différents acteurs les raisons d'espérer et d'entreprendre ?

Il faut, tout d'abord, se rendre à l'évidence que la paysage méditerranéen actuel n'incite guère à l'optimisme, tant il paraît peu reluisant à maints égards:
1. politiquement : avec ce dialogue interrompu sur des questions récurrentes, tels que la paix, la sécurité, le flux migratoire, la pollution en Méditerranée,
2. économiquement : avec ce déséquilibre sans cesse aggravé des relations commerciales et ces énormes écart en matière de développement entre les pays des deux rives,
3. humainement: avec ces fortes restrictions imposées à la libre circulation des personnes originaires du sud dans l'espace européen.
Nonobstant ce sombre tableau,nous sommes enclins à penser que les domaines de la création artistique et des échanges culturels peuvent être des leviers de relance de la coopération euro-méditerranéenne.
Il est à souligner que bien avant l'organisation,en novembre 1995, de la Conférence Ministérielle de Barcelone, date marquante dans l'histoire du partenariat euro-méditerranéen, une profonde réflexion avait été engagée sur le rôle de la culture et des médias dans la concrétisation de l'idéal Méditerranéen. A l'initiative de la Rai, la première conférence de l'audiovisuel en Méditerranée, tenue à Palerme en 1990, réunissait un groupe de professionnels des médias, d'intellectuels, de créateurs des deux rives de la Méditerranée. Cette initiative avait permis d'enclencher une nouvelle dynamique qui devait déboucher, à terme ,sur de notables synergies entre nombre d'opérateurs de l'audiovisuel et diverses structures agissant dans les secteurs de la culture et des arts. L'éveil de la conscience méditerranéenne était dû, à mon sens, à l'engagement résolu d'hommes et de femmes, de divers horizons, totalement acquis à une noble cause, celle d'une Méditerranée réconciliée avec elle-même, substituant "au choc des ignorances" un véritable dialogue des cultures,et privilégiant toute forme de coopération de nature à servir la paix, la sécurité et le développement dans cette région du monde.

En tant que Directeur Général de l'Etablissement de la Radiodiffusion Télévision Tunisienne, et dès le début des années 90, j'ai eu le privilège de m'associer, au sein de la Conférence Permanente de l'Audiovisuel Méditerranéen (CoPeAm) aux premières actions devant conduire à la mise en place de l'architecture institutionnelle de cette association opérant dans les secteurs médiatique et culturel. Réseau des réseaux de l'audiovisuel Méditerranéen, elle offrait le cadre propice à une coopération horizontale entre ses différentes composantes. Cette coopération tournait autour d'axes aussi divers que la valorisation du patrimoine culturel méditerranéen, la sauvegarde des archives audiovisuelles, la réalisation de documentaires traitant de la mémoire de la Méditerranée, la formation professionnelle, les synergies à développer entre universités des deux rives...La CoPeAm continue aujourd'hui, dois-je le noter, à mener, avec succès, nombre d'actions dans ces domaines, comme bien d'autres structures, à l'instar du Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle, dont il y a lieu de louer l'appréciable apport au développement des productions à base d'archives ainsi qu'à la promotion du documentaire à travers le festival auquel il est dédié.

J'aurai l'occasion, en occupant quelques années plus tard le poste de Directeur Général de l'Union de Radiodiffusion Des Etats Arabes (ASBU), d'oeuvrer de concert avec les secrétaires généraux de l'Union Européenne de Radiodiffusion, et de la CoPeAm en vue d'établir une étroite coopération tripartite, portant notamment sur les échanges de news relatifs aux actualités méditerranéennes, les coproductions et la formation professionnelle.

Ce fut une exaltante expérience menée par des hommes et des femmes appartenant à des cultures différentes mais partageant le même attachement à la cause de la Méditerranée. Il est particulièrement réjouissant de voir encore des figures du monde de la culture et des médias continuer à s'investir, avec la même foi et la même détermination, au service de l'idéal méditerranéen, dans le cadre d'associations et d'ONG, dont le Centre International de Coopération Culturelle. A travers l'organisation de colloques et d'expositions artistiques, le CICC a pu, au cours des dix dernières années, se tailler une place de choix dans le tissu associatif méditerranéen. Cette organisation mesure assurément l'ampleur du travail à accomplir pour impulser le courant des échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée, favoriser davantage le dialogue des cultures et des religions ,de manière à combattre le fanatisme et le repli identitaire,stimuler la production culturelle et artistique sous toutes ses formes.
Cette dernière tâche s'avère d'autant plus fondamentale que le projet de partenariat euro-méditerranéen s'abreuve de l'imaginaire des créateurs et des artistes ainsi que de l'apport des intellectuels,tant du Nord que du Sud.

Il serait,à mon avis, présomptueux de s'essayer à faire l'inventaire de tous les travaux accumulés au cours des années écoulées et dont la Méditerranée était la source d'inspiration et la matière à réflexion:fictions,documentaires,œuvres plastiques,romans, essais,recherches sur l'Histoire ...; autant de réalisations qui auront permis , un tant soit peu,de mettre en valeur cette harmonie , cette unicité qui naît dans la diversité et dont se nourrit l'âme méditerranéenne.Aussi,auront-elles contribué à atténuer le clivage qui semble irréductible entre Orient et Occident ,auxquels le concept de Méditerranée est largement lié.

Dans le contexte actuel, on ne saurait perdre de vue les rapports historiques ambivalents entre ces deux blocs qui, à travers leurs regards croisés,transparaît toute la problématique de la perception de l'Autre. Pour George Corm, il ne s'agit en fait que d'une "fracture imaginaire" qui s'explique par "les clichés qui se sont imposés au 19ème siècle ,d'un Orient mystique, archaïque et irrationnel et d'un Occident matérialiste,rationaliste et individualiste."

Comment soigner par l'imaginaire une fracture imaginaire? Telle est la mission dévolue aux différents acteurs sur la scène culturelle, artistique et médiatique méditerranéenne.
Ils doivent y être soutenus , en premier lieu ,par les instances du partenariat euro-méditerranéen, ainsi que par le réseau d'associations et d'organisations qui agissent dans ce cadre, notamment par l'accroissement des fonds d'aide à la production culturelle et audiovisuelle,outre la mise en place de programmes favorisant une meilleure coopération dans trois volets importants: le Patrimoine,la Mémoire et l'Histoire de la Méditerranée.

Par ailleurs, la réalisation d'un ambitieux projet, resté jusqu'ici un vœu pieux, faute de volonté politique et de financements conséquents, à savoir une chaîne multi-culturelle et multilingue (Euromed Tv), sera, à n'en point douter, un précieux vecteur culturel et un efficace instrument du dialogue des civilisations.

Il faut croire que le devenir de l'espace euro-méditerranéen est largement tributaire d'un projet culturel multi-dimensionnel dans lequel matériel et immatériel, réel et imaginaire rivalisent d'importance.Sa finalité est de "démythifier et remythifier la Méditerranée", pour emprunter une expression d'Edgar Morin,de manière à perpétuer son génie créateur d'où ont surgi l'universalité des idées et la diversité des cultures.C'est ce nécessaire travail de reconstruction et d'innovation d'un héritage commun qui donnera une forme au nouveau destin de la Méditerranée.

Abdelhafidh Harguem
Ancien Directeur Général de l'ERTT et de l'ASBU
Ancien ambassadeur et secrétaire d'Etat aux affaires étrangères


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