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La fonction publique tunisienne sur le fil du rasoir
Publié dans Leaders le 14 - 05 - 2017

L'air du temps est partout à la limitation du nombre de fonctionnaires bien qu'aucune partie appelant véhémentement à le faire ne se risque à dire précisément dans quelle proportion et quel département ministériel toucher. Il était dans l'ordre des choses en somme que le gouvernement tunisien finisse par en faire l'axe central de sa réforme de la fonction publique. Oui, mais il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités et celles-ci ne se résument nullement au nombre de fonctionnaires et à son coût.
On compte en Tunisie près de 57agents de la fonction publique pour 1 000 habitants et près de 46 fonctionnaires. La France compte pour sa part 88 fonctionnaires pour 1 000 habitants, le Danemark et la Norvège 160, la Finlande 130, la Suède 124, la Pologne 92, le Royaume-Uni 88 et les Etats-Unis 79 (source: Ocde 2012). Il est vrai que le Maroc ne compte que 27 fonctionnaires pour 1 000 habitants et l'Algérie 42. Toutefois, ce comparatif est à considérer avec prudence. En effet, le calcul du ratio prend en compte dans certains pays le nombre d'agents des établissements publics bien qu'ils ne soient pas tous fonctionnaires au sens strict, alors qu'il décompte dans d'autres pays les agents des collectivités locales bien qu'ils soient statutairement des fonctionnaires. Au demeurant, ces pays diffèrent au niveau de l'organisation administrative, de la tradition militaire, du rôle dévolu à l'Etat en matière d'enseignement et de santé, etc.
L'INS a dénombré 591,17 mille agents dans la fonction publique tunisienne en 2014 dont 465,2 mille fonctionnaires et 105,5 mille ouvriers. Les catégories supérieures A1 (85,9 mille) et A2 (124,1 mille) ont représenté 35% du total. Les ministères de l'Education nationale (32,48% des effectifs), de la Santé publique (12,63%) et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (6,71%) accaparent à eux seuls plus de la moitié des agents de la fonction publique. Avant 2011, le nombre des agents de la Fonction publique augmentait au rythme de 1% en moyenne, un rythme assez proche de celui de l'accroissement de la population elle-même. Après 2011, c'est le dérapage le plus complet. Entre 2010 et 2011, le nombre des agents de la fonction publique a augmenté de 2,16% puis de 19,81% entre 2011 et 2012; de 4,76% entre 2012 et 2013 et de 5,86% entre 2013 et 2014. On ne connaît pas de façon précise ce qu'il est advenu de ce nombre en 2015 et 2016. La faute incombe au gouvernement dont les membres se contredisent à chacune de leurs déclarations. Mais que les effectifs de la fonction publique aient augmenté depuis 2015 de 30,40 ou 50 mille selon les sources, la polémique est dérisoire au regard d'un nombre qui reste dans tous les cas sans rapport aucun avec la démographie du pays, ses moyens et les besoins de sa population.
En fait, ce sont les conditions dans lesquelles les recrutements ont été effectués après le 14 janvier 2011 et leur nature qui choquent le plus. Pour la seule période 2011-2014, les effectifs de l'administration publique ont augmenté de 155,7 mille. Le nombre des agents de la catégorie A1 est passé de 63,5 mille en 2010 à 85,9 mille en 2014 ; celui des agents de la catégorie A2 de 85,7 mille à 124,1 en 2014. Parallèlement, le nombre des agents de la catégorie A3 a quasiment stagné, révélant l'impact du passage de grade des agents de cette catégorie. Enfin, les femmes qui représentaient 39,5% du total des effectifs en 2010 n'ont représenté à la fin de la période considérée que 36,4% seulement (elles n'ont bénéficié que de 28% des recrutements). Quand on connaît l'évolution comparative du taux de chômage par sexe, on ne peut s'empêcher de voir dans cette politique de recrutement un relent manifeste de sexisme et de discrimination. Les pressions qu'exercent le montant des salaires et les traitements de la fonction publique sur le budget de l'Etat sont réelles en tout cas. Ce montant a atteint 67,2% des dépenses de fonctionnement de l'Etat en 2015 et 62,6% des recettes fiscales contre respectivement 67,8% et 53,4% en 2010. Mais dans la mesure où les salaires et traitements de la fonction publique se sont accrus de 70,7% entre 2010 et 2015 contre 45,6% seulement pour les recettes fiscales, leur impact sur les finances publiques ne peut pas être imputé au seul accroissement des recrutements et des salaires entre 2010 et 2015. Le fait que la fuite fiscale ait atteint plus de 40% des recettes fiscales en 2015 relativise la pertinence de la corrélation. Quoi qu'il en soit, les salaires et traitements de la fonction publique ont représenté 13,5% du PIB aux prix courants en 2015 contre 10,7% seulement en 2010. C‘est plus que ne peut supporter l'économie d'un pays dont le PIB à prix courants n'a augmenté que de 35% entre 2010 et 2015 contre 70,7% pour les salaires et traitements de la fonction publique.
Derrière le débat actuel sur le coût de l'administration publique se profile en réalité un débat redondant sur le niveau des salaires en Tunisie en comparaison des pays voisins ou de même âge économique. Certains le jugent excessivement élevé, d'autres voient en lui l'origine du manque de compétitivité de notre économie et de la fuite des IDE vers le Maroc par exemple. Mais si l'on examine de près les données fournies par le rapport mondial sur les salaires de l'OIT de 2010/2011, on s'aperçoit que la querelle est fallacieuse. En effet, le salaire minimum mensuel mesuré en PPA (parité de pouvoir d'achat) en Tunisie est certes élevé par rapport à la moyenne africaine, mais il reste inférieur au salaire minimum mensuel au Maroc. Quoi qu'il en soit, l'irrationalité du débat sur le nombre de fonctionnaires est en train de nous détourner du reste des problèmes dont souffre l'administration publique : rapports exécrables avec ceux qu'elle est censée servir; gabegie, manque d'autorité et de rigueur de ses chefs, développement du laisser-aller, de la corruption et de la concussion ; impact négatif sur le développement socioéconomique du pays. De ces problèmes, le chef de gouvernement n'a rien dit de consistant ou de pratique. Il n'a d'ailleurs fait aucune allusion au nombre ubuesque des DG de l'administration publique. Pour les seuls ministères qui ont bien voulu afficher leur organigramme, on compte 108 DG (certaines sources évoquent un chiffre supérieur à 300). La France ne compte que 36 directions générales dans sa fonction publique d'Etat. Le nombre de fonctionnaires occupant un poste d'encadrement supérieur ou de direction est proche de 15 pour 1 000 agents en Tunisie contre 4 en France.
Une commission technique a été chargée en 1982-83 de réformer le mode de rémunération des fonctionnaires afin de contrecarrer l'inflation des postes «fonctionnels». Elle a conclu à la nécessité d'aérer la grille et au repositionnement du salaire de base comme élément dominant de la rémunération. Rien n'a été fait depuis. C'est précisément ce que le FMI critique en recommandant «la révision du barème des salaires» (de la fonction publique). En fait, le FMI ne stigmatise pas clairement le nombre de fonctionnaires dans ses publications sur la Tunisie comme il est répété trop souvent, mais appelle par contre à une réforme de la fonction publique «qui doit aller de pair avec une réforme fiscale qui améliore l'équité en élargissant la base de l'impôt». Mieux, le FMI préconise la modification «du modèle de développement qui existe de longue date». Le FMI fait la différence, je pense, entre modèle de croissance et modèle de développement, et ce contrairement à ses laudateurs et à ses affidés dans le gouvernement et ailleurs.
A ce jour, ni le FMI, ni aucune institution internationale n'ont blâmé le Danemark, la Norvège, la Finlande ou la Suède pour «excessivité» du nombre de leurs fonctionnaires. Cela aurait été ridicule. Aucun économiste n'a prétendu que le nombre de fonctionnaires dans les pays scandinaves constitue une entrave à leur développement (l'IDH de ces pays est le plus élevé au monde). Cela aurait été absurde. Les problèmes que pose toute administration publique ne se résument pas au coût et au nombre bien que cela compte, comme on vient de le souligner, mais concernent aussi la formation et la compétence des agents, leur probité, leur rendement et la qualité des services qu'ils rendent à leurs concitoyens. C'est à quoi le gouvernement aurait pu s'atteler au lieu de se servir du nombre d'agents de l'administration comme une diversion.


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