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A l'occasion de la commémoration du 40ème jour de son décès: Hommage à mon ami Moncef Fakhfakh, l'éminent archiviste aux multiples talents
Publié dans Leaders le 13 - 10 - 2017

La grande famille de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique est aujourd'hui orpheline. Les Archives nationales et arabes sont orphelines. Les peuple de gauche et le mouvement syndical sont orphelins. La Tunisie est orpheline.
Dans l'âme d'un archiviste émérite aux multiples talents
La disparition cruelle de Moncef Fakhfakh est en effet une perte énorme non seulement pour sa famille, ses amis mais aussi pour notre pays qu'il aimait par-dessus tout, qu'il a servi d'abord en tant professeur de l'enseignement secondaire, comme enseignant-chercheur et en tant que syndicaliste et militant de la gauche démocrate. Il rêvait aussi, comme tous les camarades de sa génération, de le soustraire aux aléas de l'injustice sociale, de l'inféodation syndicale au parti unique et aux dérives totalitaires. Il s'est surtout donné corps et âme à sa patrie, en tant que fondateur des Archives nationales et directeur général de la prestigieuse institution pendant plus d'une vingtaine d'années et comme expert international dont la réputation a dépassé les frontières du pays, ce qui a permis son rayonnement dans le monde arabe et africain, avides de profiter de sa riche expérience dans le domaine de l'archivistique.
Je ne verse nullement dans l'éloge dithyrambique et ne fais que reconnaître les qualités et les mérites du cher défunt et de l'illustre disparu et l'hommage, que je lui rends, n'est qu'un rendu pour tant de prêtés et une reconnaissance objective et émue des énormes et louables services rendus à la Nation et de l'activité débordante déployée par le défunt pendant plus de trois décennies.
Moncef Fakhfakh a laissé une empreinte indélébile et a noué de précieuses relations de confiance et d'amitié là où il est passé. Travailleur infatigable et passionné par tout ce qu'il entreprenait – je ne voudrais pas sacrifier au stéréotype en attribuant cette qualité à son origine sfaxienne –, il pensait, à l'image de plusieurs personnages de Malraux et, sans doute, dans la foulée des ancêtres, que le travail, le militantisme pouvaient donner un sens à la vie et, en moderniste invétéré, il croyait en la nécessité absolue de l'innovation, continuellement prêt à se remettre en cause, à tirer profit des connaissances et de l'expérience des autres. Historien de formation et de profession, il s'est converti à l'archivistique après avoir soutenu un mémoire de recherche sur « Les événements d'avril 1938 et la réalité tunisienne » et envisagé de se spécialiser dans l'histoire du mouvement national. C'est la découverte de l'archivistique, sous la férule de son mentor, le Professeur Abdeljelil Temimi qui l'a fait changer d'avis. Ce dernier, ébloui par ses qualités intellectuelles et morales d'étudiant remarquable et prévoyant son parcours brillantissime, lui a suggéré de se consacrer à l'archivistique et de préparer, sous sa direction, une thèse intitulée « Inventaire des registres fiscaux et administratifs aux Archives générales de l'Etat » qu'il a soutenue avec beaucoup de brio en 1985. Néophyte dans un domaine d'activité et de recherche encore vierge en Tunisie, Moncef Fakhfakh s'est dépensé sans compter pour parfaire sa formation dans une discipline pour laquelle il s'est passionné. Il n'hésitait pas, pour ce faire, à participer à des stages en France et, pour assouvir sa soif de découverte, il poussait, la modestie et l'humilité, devenues chez lui une seconde nature, jusqu'à bousculer les conventions. Directeur des études à l'Institut supérieur de documentation à Tunis, il n'hésitait pas, au moment de la mise en place de la filière de l'archivistique dont il assurait la coordination, à s'asseoir sur le même banc que ses étudiants pour suivre les cours que leur dispensait, en tant que professeur visiteur, l'archiviste Bruno Delmas, fasciné par cette émouvante simplicité et qui a tenu, dans une correspondance adressée à Hédi Jallab, l'actuel directeur général des Archives Nationales, à s'associer, en souvenir « des trente-cinq années d'amitié et de travail partagés » qui le liaient au défunt, à l'hommage que les Archives nationales lui ont rendu, le 6 octobre dernier, à l'occasion de la commémoration du 40ème jour de son décès.
Ses collègues et les archivistes, qu'il a formés et pour lesquels cette soif de nouveauté n'est pas passée inaperçue, ont toujours été émerveillées par la capacité du défunt à se mettre au diapason des nouvelles découvertes et des avancées technologiques. Moncef Fakhfakh s'est en effet métamorphosé, quand l'heure de la numérisation des Archives Nationales a sonné, de néophyte en informatique en concepteur de programmes de numérisation selon les témoignages de ses collaborateurs présents lors de cette commémoration.
Un travail de titan au service des Archives Nationales et une œuvre remarquable au service de la communauté internationale
« Je travaille, je milite, donc je suis » et je cherche, j'innove, je me remets en cause donc je suis ». Telles étaient les devises de mon ami Moncef Fakhfakh, toujours à l'écoute de ses collaborateurs, excellent dans l'art de communiquer ses convictions, son énergie, son enthousiasme et sa soif d'innovation à son entourage familial et professionnel. Excellent enseignant et grand pédagogue, il a contribué à former à l'Institut supérieur de documentation, où il a continué à enseigner parallèlement à ses fonctions de directeur général des Archives Nationales, plusieurs promotions d'étudiants en archivistique qui sont devenus les cadres compétents dont les Archives tunisiennes ont eu besoin lorsqu'il a entamé le travail titanesque, qui lui a permis d'abord de métamorphoser le petit service des Archives gouvernementales ayant pignon sur rue, dans une petite partie des locaux du premier ministère, en Archives nationales chargées de conserver tous les documents historiques de la Tunisie, de le développer ensuite et de construire enfin – au sens où il a été le maître d'œuvre du projet en tant que directeur général des Archives Nationales, puis l'architecte qui a suggéré le plan et suivi méticuleusement les travaux d'exécution – le bel et imposant édifice qui abrite aujourd'hui les Archives Nationales et où la commémoration précitée a eu lieu. Hédi Jallab, n'a-t-il pas loué à ce propos et à cette occasion, le dévouement de son prédécesseur pour la chose publique et son sens civique exceptionnel en ces termes : « Moncef Fakhfakh suivait l'avancement des travaux du siège des Archives Nationales comme s'il s'agissait de sa propre maison ».
Je ne m'appesantirai pas sur ce travail titanesque à l'origine de la fondation et du développement des Archives nationales où il été un pionnier comme du reste dans d'autres domaines ni sur sa contribution à l'échelle internationale au rayonnement de l'expérience tunisienne dans le domaine de la conservation des archives ni sur sa mise en place dans certains pays du Golfe d'institutions de conservation des archives très performantes. L'exemple du Sultanat d'Oman et de celui de l'émirat de Charjah sont la parfaite illustration de cette contribution exemplaire que Salah Abou Salem, le directeur général des Archives de l'émirat a tenu à louer dans l'hommage qu'il a rendu au travail d'orfèvre de Moncef Fakhfakh le 6 octobre dernier.
Je ne m'attarderai pas non plus sur la coopération internationale que Moncef Fakhfakh a initiée avec de nombreux pays européens et qui a été extrêmement profitable aux Archives nationales avec l'organisation de nombreux colloques internationaux, ce qui lui a valu une présence remarquée et remarquable dans les instances et associations internationales des archives qui a fait, à côté de ses compétences comme expert international, sa réputation internationale dans le monde des archives. Je me contenterai de rapporter les échos de cette réputation sur la toile en me référant d'abord au Portail international archivistique francophone (PIAF) qui présente son parcours d'archiviste émérite et à la création duquel il a efficacement contribué, en tant que Président de l'Association internationale des archives francophones. Bruno Delmas ne tarit pas d'éloges quand il relate le rôle éminent joué par Moncef Fakhfakh dans la mise en place du portail : « Sans lui, a-t-il dit dans son témoignage, sans son autorité et son impartialité, cette entreprise, qui réunissait plus de vingt contributeurs de différentes institutions et pays, n'aurait pas vu le jour ». Je citerai ensuite les Mélanges offerts en l'honneur de l'archiviste canadien Jacques Grimard qui donnent l'occasion au Professeur Christof Graf dans un article intitulé « La dimension de la carrière internationale de Jacques Grimard » d'évoquer les nombreux colloques internationaux organisés à Tunis par Moncef Fakhfakh et auxquels il était convié avec Jacques Grimard.
Moncef Fakhfakh, l'homme et le militant
L'homme était aussi attachant parce qu'il était profondément attaché aux valeurs de l'Ecole de la République et à la liberté académique qu'il n'a cessés de défendre pendant son court passage dans l'enseignement secondaire et également dans l'enseignement supérieur. En témoigne son vœu de participer à l'élaboration de la Charte universitaire initiée par l'Association tunisienne de défense des valeurs universitaires (ATDVU) et signée en mai 2017, mais la maladie l'a empêché d'exaucer ce désir.
Il également défendu les valeurs républicaines et les valeurs de l'école de la République, les valeurs de justice et d'équité chères à la mouvance progressiste des années 70, d'abord au sein de l'UGET où membre de la corporation d'histoire, il a contribué à la restructuration de l'organisation estudiantine après les arrestations de 1968, ensuite au sein de l'UGTT où il animé la direction régionale de l'enseignement secondaire à Sfax et où il a participé, d'abord au combat pour l'autonomie syndicale aux côtés du secrétaire général de l'Union régionale de Sfax, Abderrazak Ghorbal, ensuite à la résistance pour le retour de la direction légitime après la répression du jeudi noir ( 26 janvier 1978), n'hésitant pas à organiser chez lui de nombreuses réunions clandestines dans le cadre de cette résistance stoïque.
Je suis, depuis le début des années 80, l'ami de Moncef Fakhfakh que j'ai connu par l'intermédiaire de sa femme, ma condisciple et amie à la Faculté des lettres et sciences humaines de Tunis, au moment où ils avaient quitté Sfax pour rejoindre la capitale et j'ai souvent été le témoin des qualités humaines et professionnelles dont je viens de faire l'éloge et qui sont une constante dans le parcours militant et professionnel de Moncef Fakhfakh.
Quand j'égrène les souvenirs, plusieurs scènes emblématiques reviennent inlassablement parce qu'elles illustrent à merveille certaines de ces qualités, et particulièrement, celle du meneur d'hommes, de l'homme-orchestre et de l'archiviste émérite aux multiples talents.
Au début des années 80, nous étions en train, de construire simultanément nos maisons respectives. Une scène, qui revient souvent, est celle où je le revois dirigeant, pendant les week-ends, les jours fériés et les vacances scolaires sans l'aide d'aucun entrepreneur, les ouvriers qu'il employait. J'appréciais son altruisme qui le faisait aimer de ses ouvriers mais j'étais fasciné par ses connaissances en maçonnerie et par son intelligence pratique. Je me souviens encore comme si c'était hier des conseils qu'il me prodiguait chaque fois que nous visitions mon chantier. C'est cette polyvalence qui explique sans doute pourquoi il se mouvait, dans le monde des archives, comme un poisson dans l'eau. L'archivistique n'est-elle pas une discipline au carrefour de plusieurs sciences et exigeant des connaissances pratiques dans différentes branches du savoir ? N'a-t-elle pas a permis à Moncef Fakhfakh d'exercer toutes les facettes de ses talents multiples, de jouer tour à tour le rôle de l'ingénieur en béton, du juriste ou de l'expert-comptable, selon les témoignages de ses collaborateurs ?
Je relaterai encore une autre anecdote, cette fois-ci émouvante, et plus emblématique du personnage de Moncef Fakhfakh. Le 27 octobre 2016, il a tenu, malgré la maladie à assister à l'inhumation de son ami et camarade de classe Abdesselem Ben Hamida. J'ai su par la suite qu'il avait appris la nouvelle du décès de l'historien du mouvement syndical au moment où il venait de subir une thérapie de choc, achevée tout juste avant l'enterrement. Au lieu de retourner chez lui pour se reposer, il a tenu à assister à l'inhumation. Un homme de devoir ne se refait pas.
Moncef Fakhfakh est parti tellement vite et si tôt que son départ nous laisse une impression d'inachevé, à l'idée de ce qu'il aurait pu entreprendre s'il avait vécu plus longtemps. Mais ses disciples sauront compléter le travail qu'il n'a pu accomplir à cause de cette cruelle disparition.


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