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Rafaâ Ben Achour: Les immunités présidentielles et parlementaires, faut-il les abolir ?
Publié dans Leaders le 15 - 10 - 2019

Des voix s'élèvent, de plus en plus nombreuses, exigeant l'abolition des immunités présidentielles et parlementaires, persuadées qu'elles servent de « boucliers » contre les poursuites judiciaires, d'instruments d'impunité et de protection des délinquants. Elles pointent en particulier les immunités dont jouissent certaines personnalités politiques, notamment le Président de la République et les députés, mais également indirectement et de manière épisodique, les magistrats, les diplomates étrangers dans le pays d'accréditation, les avocats.
Cette perception négative des immunités s'est aggravée aux dernières présidentielles et législatives, suite à la candidature d'acteurs politiques faisant l'objet de poursuites judiciaires ou suite à l'accès de certains d'entre eux à la députation après leur victoire aux élections. On est allé jusqu'à soutenir que la prochaine assemblée sera un refuge pour des « délinquants » dont la candidature n'a eu pour objectif que de les soustraire à la justice par l'effet de l'immunité que leur accorde la fonction.
En réalité les immunités dites politiques, qui seules intéressent notre propos, sont conférées en raison de l'exercice de la fonction. Elles n'ont de ce fait aucun caractère absolu. Elles n'attribuent à leurs bénéficiaires aucun privilège d'impunité contraire au principe d'égalité de tous devant la loi, proclamé haut et fort par l'article 21 de notre constitution. Il s'agit d'une garantie attachée au libre exercice du mandat représentatif. Elle est en outre une protection temporaire et conditionnée, reconnue par la constitution, pour éviter à tout détenteur ou détentrice d'un mandat représentatif d'être perturbé dans l'exercice de son mandat par des allégations, des intimidations ou des poursuites judiciaires intempestives et malveillantes dont le but est de nuire à l'élu et d'entraver sa liberté
Quelles sont les significations et les conséquences de l'immunité accordée par la constitution au président de la république (I) et aux membres du corps législatif (II) ?
I. L'immunité présidentielle
Rappelons que le Président de la république, élu au suffrage universel direct, est le Chef de l'Etat et, qu'à ce titre et en vertu de l'article 79 de la constitution, il est «le symbole de son unité [la République]». «Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution». Ainsi, et étant la plus haute autorité de l'Etat, le Chef de l'Etat doit bénéficier d'une protection pour pouvoir exercer ses fonctions sans troubles ni menaces dans une totale indépendance. Par conséquent, l'immunité présidentielle est censée protéger plus le mandat conféré au Président de la République par le peuple souverain, que la personne du chef.
Cette immunité est qualifiée d'inviolabilité. Par ailleurs, et outre l'irresponsabilité politique du Président, l'inviolabilité est doublée d'une irresponsabilité pénale.
A. L'inviolabilité présidentielle
L'article 87 § 1 de la Constitution de 2014 a posé en termes clairs, contrairement à la Constitution de 1959, le principe de l'immunité du Président de la République durant l'exercice de ses fonctions en disposant que « Le Président de la République bénéficie de l'immunité durant son mandat ». Le même article précise que «tous les délais de prescription et de déchéance sont suspendus à son encontre » et que « Les actions peuvent reprendre leur cours après la fin de son mandat».
Très clairement, ce premier paragraphe de l'article 87, tout en conférant au Président de la République une immunité juridictionnelle, ne le couvre pas d'impunité, puisque le temps des poursuites est simplement suspendu durant le mandat. Par conséquent, les actions judiciaires engagées contre lui avant sa prise de fonctions ou pendant leur exercice sont simplement mises en « attente ». Dès la fin du mandat présidentiel, le temps juridictionnel reprend son cours.
Une illustration nous est fournie par le cas français de Jacques Chirac, maire de la ville de Paris, devenu président de la république. En effet, mis en cause dans sa gestion des affaires de la ville de Paris pour des actes antérieurs à son entrée en fonction (l'affaire des emplois fictifs), les poursuites ont été, après plusieurs tergiversations et jurisprudences contradictoires, suspendues sur toute la durée de ses deux mandats. Elles ont repris dès son départ du palais de l'Elysée. L'ancien président Chirac a été jugé plus de quinze ans après les faits et condamné par le tribunal correctionnel de Paris, le jeudi 15 décembre 2011, à deux ans de prison avec sursis. Il a été le premier ancien président de la République condamné en correctionnelle et déclaré coupable pour les faits reprochés de« détournement de fonds publics », « abus de confiance » et « prise illégale d'intérêt ».
B. L'irresponsabilité présidentielle
En plus de l'immunité juridictionnelle, le Président de la République est protégé par le principe de l'irresponsabilité posé par l'article 87 § 2 selon lequel il « ne peut être poursuivi pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions ». Ici l'irresponsabilité est totale. Le Président ne peut pas être condamné pour des actes accomplis «dans l'exercice de ses fonctions» même après la fin de son mandat, à moins que ces actes n'aient reçu une qualification pénale. Contrairement à l'immunité juridictionnelle, elle n'est pas juste temporaire et circonscrite, mais elle est absolue et perpétuelle.
Il reste que l'irresponsabilité du Président connaît une limite de taille. Elle est prévue par l'article 88 de la Constitution en cas de «violation grave de la constitution». Dans ce cas, le Président encourt la destitution prononcée par la Cour constitutionnelle suite à l'adoption par les 2/3 des membres de l'ARP d'une motion motivée préalablement déposée par la majorité des membres de l'ARP. La constitution de 2014, a évité de recourir à la notion obsolète et fourre-tout de haute trahison, utilisée par la constitution de 1959, et recourir à la notion en apparence plus précise mais non dépourvue elle-même d'ambiguïté de « violation grave de la constitution ».
Signalons, que « la Cour constitutionnelle ne peut prononcer que la destitution, sans préjudice, le cas échéant, des poursuites pénales » s'il s'avère que la violation grave revêt par ailleurs le caractère d'une infraction pénale.
II. L'immunité parlementaire
Comme l'immunité présidentielle, l'immunité parlementaire est une protection contre les menaces et intimidations dont les parlementaires peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leur mandat représentatif par les pouvoirs publics ou par les citoyens. L'immunité parlementaire se compose de deux éléments : l'irresponsabilité et l'inviolabilité
A. L'irresponsabilité parlementaire
Il s'agit d'une protection du parlementaire en sa qualité d'élu dans le but d'empêcher toute entrave, directe ou indirecte, à l'exercice du mandat parlementaire. Le député ne peut être poursuivi pour les opinions émises ou propositions faites dans l'exercice de sa fonction représentative.
L'irresponsabilité des députés est prévue par l'article 68 de la constitution en vertu duquel « Aucune poursuite judiciaire civile ou pénale ne peut être engagée contre un membre de l'Assemblée des représentants du peuple, ni celui-ci être arrêté ou jugé, en raison d'opinions ou de propositions émises ou d'actes accomplis en rapport avec ses fonctions parlementaires ».
Comme relevé plus haut, cette irresponsabilité est liée à la fonction et n'a aucun caractère absolu et ne couvre pas les actes commis en dehors de l'exercice du mandat. Elle s'étend même après la fin du mandat parlementaire. Les actes détachables de l'accomplissement de la fonction parlementaire demeurent soumis au droit commun. Ainsi par exemple, si un parlementaire commet une voie de fait contre un collègue dans l'enceinte parlementaire, il n'est pas absout de poursuites pénales. Il est cependant très difficile de faire une distinction nette et précise entre ce qui relève de l'exercice de la fonction de ce qui n'en relève pas. Il s'agit très souvent d'une appréciation subjective.
B. L'inviolabilité parlementaire
L'inviolabilité est également qualifiée d'immunité de procédure. Elle assure au député une garantie contre les poursuites pénales abusives ou vexatoires en raison de faits étrangers à l'exercice de la fonction parlementaire.
L'inviolabilité est prévue de manière implicite par l'article 69 de la constitution qui dispose que « Si un député se prévaut par écrit de son immunité pénale, il ne peut être ni poursuivi, ni arrêté durant son mandat, dans le cadre d'une accusation pénale, tant que son immunité n'a pas été levée ».
Il découle de ce texte que les poursuites pénales contre le député pour des actes détachables de la fonction parlementaire sont possible sous conditions: ou bien le parlementaire renonce volontairement à sa protection et dans ce cas la justice prend son cours ; ou bien l'ARP décide, après étude du dossier et des accusations de lever l'immunité et de laisser le député comparaître devant les juridictions.
***
Ces aspects de droit constitutionnel précisés, Il semble bien que la défiance sociale envers les immunités vient de l'abus son usage lors de la législature écoulée. Saisie de plusieurs demandes de levée de l'immunité (23 demandes), l'ARP n'a pas accédé à ces dernières qui lui ont été transmises par le ministre de la justice. Ce sont ces «excès» qui sont à l'origine de la pétition sur la suppression des immunités
Ces mêmes abus ont donné lieu en France à une réforme de l'irresponsabilité parlementaire. La révision constitutionnelle du 4 août 1995 autorise désormais le juge d'instruction à mettre en examen un député selon la procédure de droit commun. Par contre, « Aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie ».
En vertu de cette réforme, le Président de l'Assemblée nationale française, Michel Ferrand a été mis en examen le 16 septembre 2019, après avoir été entendu par trois juges d'instruction pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire des mutuelles de Bretagne.
Il ressort, que toutes les immunités ont un objectif fonctionnel de protection des élu-e-s. Elles ne doivent pas -en toute logique constitutionnelle- être détournées de leur objectif. Tout titulaire d'un mandat représentatif doit pouvoir exercer son mandat en toute indépendance dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l'Etat de droit. Les immunités sont, de ce point de vue, indispensables.
Aux élus d'être conscients de leur magistère. Ils doivent se comporter en conséquence, à la hauteur de la confiance qui leur a été dévolue et considérer que l'immunité n'est point un privilège.
Plus que toute autre personne, une ou un élu doit être exemplaire, conscient que personne n'est au-dessus de la loi.
Au-delà, une moralisation de la procédure de la levée de l'immunité devrait être envisagée afin de rétablir la proportionnalité entre les exigences du mandat électif et les exigences de l'égalité de toutes et de tous devant la loi.


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