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Samir Majoul: L'heure des choix économiques a sonné
Publié dans Leaders le 10 - 01 - 2022

«Ayons de l'ambition, soyons audacieux, prenons les décisions qui s'imposent ! » Samir Majoul, président de l'Utica, ne pratique pas la langue de bois. « Un taux de croissance de 3% en 2022 est insuffisant. Nous devons le porter à 5% et c'est réalisable, si nous nous y mettons. Libérer les énergies renouvelables, et la première d'entre elles, l'énergie humaine, moderniser le change pour les entreprises et les particuliers, notamment les jeunes et le bitcoin, mettre à niveau nos infrastructures portuaires, logistiques, internet, proposer un Chapter Eleven Tunisien, décider la restructuration financière des entreprises classées…» Et encore, ce ne sont là que les premières mesures urgentes qu'il demande au gouvernement, comme il le révèle dans une interview exclusive accordée à Leaders.
En arrière-plan sur son bureau, une photo de la première promotion Utica à l'Institut de Défense Nationale, un partenariat qu'il a initié avec le ministère de la Défense Nationale pour les élus et cadres de la centrale patronale autour des concepts de souveraineté nationale et économique. En bras de chemise, sans cravate, Samir Majoul, n'élude aucune question. Dans la continuité de la longue histoire de l'Utica, il affirme «défendre des politiques économiques et sociales et vouloir amnistier l'économie de la politique et des politiques », demeurant farouchement attaché à l'indépendance de son organisation… Aujourd'hui, tout en rappelant que l'Utica observe autant le temps long que le temps court, il « ne souhaite pas voir la Tunisie rater l'opportunité de la réforme et de la relance » et reste d'un «optimisme d'action ».
Pour Samir Majoul, «le voisinage immédiat avec la Libye, d'un côté, l'Algérie, de l'autre, et l'Europe, en face, est une opportunité précieuse dont il faudrait tirer davantage profit. Avec l'Algérie, un démantèlement des barrières tarifaires et non tarifaires sera mutuellement bénéfique.»
Où en sont les relations entre l'Ugtt et l'Utica ? De quoi ont-ils convenu?
Comment s'organisent les concertations avec la cheffe du gouvernement et son équipe ? Et quelles sont les propositions de l'Utica pour les grandes réformes et le plan de relance ?
Interview.
Qu'avez-vous convenu avec Noureddine Taboubi lors de votre récente rencontre ?
Nous avons essentiellement discuté de la sortie de crise économique. Le volet social, qui est crucial, a été remis à une prochaine rencontre. Tous deux, nous sommes conscients de l'importance de la croissance à générer pour pouvoir répondre aux attentes sociales. Pour cela, nous avons besoin d'une Ugtt et d'une Utica fortes et solidaires, qui jouent pleinement leur rôle, non contre l'Etat, mais en faveur de l'Etat, pour une Tunisie forte.
Ugtt et Utica, seules ?
Certainement pas ! Tous ceux qui veulent concourir avec nous pour enrichir l'économie nationale et sauver le pays seront nos partenaires. Il est bien triste de constater que les politiques ont failli dans cet effort salutaire.
Comment avez-vous trouvé Noureddine Taboubi ?
Il y a entre nous une estime historique et réciproque, et une conscience commune de la difficulté du contexte. La situation de l'entreprise est très difficile, le pouvoir d'achat des salariés l'est aussi, et la situation de l'Etat l'est également. Le chemin d'accord est tendu, mais une valeur nous réunit, le patriotisme, et c'est d'ailleurs d'un ''Patriot-Act'' que le pays a besoin.
Comptez-vous vous revoir bientôt?
Nécessairement. Nos experts respectifs aussi, pour préparer ensemble et avec le gouvernement le plan de relance économique.
Pensez-vous que la privatisation de certaines entreprises publiques est incontournable, ou est-ce une ligne rouge à ne pas franchir ?
A l'Utica, nous sommes daltoniens! Pas de ligne rouge, pour le principe. Tout est à étudier, au cas par cas. Prenons l'exemple des cimenteries privatisées. Alors qu'elles étaient déficitaires et, en plus, nous coûtaient cher en compensation d'énergie, elles sont devenues bénéficiaires, exportatrices, moins polluantes, n'émargent plus sur la compensation, ont augmenté les salaires et réussi la paix sociale. Leurs ressources humaines restent toujours syndiquées à l'Ugtt, et les propriétaires syndiqués à l'Utica. La réponse est là !
Etes-vous pour une baisse des salaires?
Ce n'est pas le sujet du tout. C'est le PIB que nous devons faire croître. Et c'est possible. Imaginez un PIB libéré, sans le blocage dans de nombreux secteurs et gisements de croissance : les énergies nouvelles et renouvelables, la reprise de la production et de l'exportation des phosphates et des énergies fossiles, la reprise du tourisme, les TIC, le Nearshoring avec l'Europe, l'intégration de l'économie informelle, la modernisation du change pour les entreprises et les particuliers, notamment les jeunes, l'octroi à la Tunisie par l'Union Européenne du démantèlement des barrières tarifaires et non tarifaires imposées à l'huile d'olive tunisienne et au textile… Ou encore la décongestion du port de Radès, le changement des billets de banque et le décashing… Il y a solution à tout, tant qu'il y aura un cerveau qui fonctionne, une volonté qui s'engage, et des stratèges à la gouvernance.
Comment appréciez-vous les décisions prises par le président Saïed le 25 juillet?
Le président n'a pas manqué de nous recevoir à plus d'une occasion, la toute première le lendemain même de l'annonce de ses décisions. De nous avons eu à cette occasion avec lui de longues discussions. Il a prêté beaucoup d'attention à nos propos, c'était réciproque. Nous lui avons exposé ce qu'un secteur privé confiant, libéré des entraves, et soutenu, pourrait accomplir pour le pays, par ses hommes et femmes, jeunes et moins jeunes; Il nous a assurés de son soutien.
A l'Utica nous observons autant le temps long que le temps court. L'erreur tunisienne décennale a été d'oublier l'économie, mais l'économie ne nous a pas oubliée, surtout que nous sommes à une ère mondiale de guerre économique, à peine voilée. Une désindustrialisation, la substitution de la production par de l'importation, le dumping étranger, la montée en puissance de l'informel, l'effritement de la classe moyenne, l'augmentation des impayés de l'Etat, mais aussi au sein même du secteur privé, entre différents maillons de la chaine de la création de valeur. Tout cela s'opérait alors que la responsabilité était diffuse. Nous avions symbolisé cette situation par la nécessite d'un sifflet rouge, de se remettre au travail, de renouer avec les valeurs de l'initiative, de l'audace, de sortie du déclin.
Des libertés ont été conquises par la société cette dernière décennie, et depuis l'indépendance. Ce qui est conquis par une société ne peut lui être repris. A présent, la question politique et institutionnelle a pris son chemin, chacun doit se sentir propriétaire, libre et responsable dans son pays. Mais les responsabilités doivent être claires et non diffuses. Nous aspirons à ce que l'économique retrouve sa priorité. Le sursaut est possible.
Vous avez été reçu par la cheffe du gouvernement dans un entretien, puis avec une délégation élargie en présence de membres du gouvernement. Quelle a été la teneur de vos échanges ?
Une volonté sincère de collaboration et un esprit d'entente ont marqué ces rencontres. Je tiens à le souligner. La cheffe du gouvernement a souhaité recueillir nos commentaires et recommandations quant au programme des réformes et au plan de relance en cours d'élaboration. Comme toujours, nous avons été francs et constructifs, formulant en toute réactivité, une série de propositions concrètes.
A quels sujets particulièrement ?
Sur des objectifs à fixer, des axes prioritaires à choisir et des mesures urgentes à prendre. Un taux de croissance de 3% nous paraît insuffisant pour accélérer la relance. Notre ambition est de le porter à 5%. C'est à notre portée, moyennant la signature des pactes de compétitivité déjà ficelés, et d'autres à finaliser, l'activation de l'économie bleue, de l'économie verte et circulaire, la valorisation des déchets, le déploiement du plan solaire, la libération de l'initiative, la débureaucratisation, la simplification et suppression de procédures qui emprisonnent aussi bien les aspirants entrepreneurs, que les entreprises et la haute fonction publique, la modernisation du change, la digitalisation de l'administration et autres mesures corollaires. Mais aussi et surtout la fiscalité. Tous ces messages nous les avons également partagés avec le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, ainsi que les bailleurs de fonds internationaux lors de nos récents entretiens.
Que recommandez-vous pour la fiscalité?
La liste est longue, mais, restons au niveau des principes. Nous voulons consacrer la destination Tunisie comme un paradis de l'investissement. Nous sommes pour une fiscalité de croissance, payable post-création de richesse et non d'avance et par anticipation. Tout l'inverse d'une fiscalité punitive, déconnectée de la situation de trésorerie de l'entreprise (TVA sur investissement, TVA sur ventes non encore encaissées, acomptes provisionnels, et toute avance et trop perçu d'impôts).
Aujourd'hui, nous devons donner un bol d'air frais à de larges pans de notre économie. L'entreprise est en souffrance, lourdement pénalisée par la crise économique et la pandémie de Covid-19, en plus du renchérissement mondial des coûts des matières premières et du transport. Gardons aussi à l'esprit la probable augmentation du taux directeur de la FED en 2022 et ses implications sur le coût de la dette, et des investissements directs étrangers.
L'entreprise est-elle capable d'assumer ses charges salariales et de s'acquitter de ses impôts ainsi que des cotisations sociales, souvent obérés de pénalités de retard ? Qu'elle continue à travailler, à retenir ses employés et payer ses fournisseurs relève d'un quasi-miracle pour beaucoup d'entre elles. Et tout cela sans parler de l'effet d'éviction résultant du refinancement de l'Etat auprès du système bancaire, ce qui raréfie et renchérit davantage le financement du secteur privé.
Beaucoup de TPE et PME sont à quelques mètres de la cessation de paiement, or elles peuvent encore, dès que la situation se retourne, donner des kilomètres à la nation. Nous devons actionner des mécanismes, pour non pas effacer leurs dettes, mais donner à celles qui en ont besoin le temps qu'elles reprennent leur élan et soient capables de payer les arriérés. Une sorte de ''Chapter Eleven'' américain, adapté à notre situation tunisienne.
Quant aux entreprises classées, il va falloir restructurer leurs dettes.
Ce sont là des messages clairs, éminemment politiques, qui réconforteront les chefs d'entreprise. Ils les inciteront à persévérer et aller de l'avant.
Etes-vous satisfait de la loi de finances?
Nous avons transmis nos recommandations au ministère des Finances. Les entreprises, et les Tunisiens y sont très attentifs, les bailleurs de fonds aussi. Toute l'alchimie est de réduire le poids de la compensation en la concentrant en faveur de ceux qui en ont réellement besoin, d'alléger les frais de fonctionnement et d'accroître les crédits d'investissement pour financer les projets publics. Au cœur du dispositif, sauver les moteurs de la croissance, et les remettre en marche pour des entreprises saines, rentables et compétitives.
Comment avez-vous trouvé la visite en Tunisie du président algérien Abdelmajid Tebboune ?
Très bonne et au bon moment ! La Tunisie a la grande chance de se situer entre deux éminents voisins: l'Algérie et la Libye. C'est une véritable richesse pour les trois peuples frères. Nous devons en tirer le meilleur profit à tous les niveaux, particulièrement sur le plan économique.
Avec l'Algérie, nous aspirons à un démantèlement tarifaire intégral qui sera bénéfique pour tous.
Pour la Libye, nous y travaillons activement et multiplions les échanges de délégations d'opérateurs économiques, les manifestations commerciales et les opportunités de partenariat.
Notre espace vital immédiat, ce sont nos voisins territoriaux. Et l'Europe, juste en face.
Qu'attendez-vous le plus en 2022?
Si nous mettons tout cela ensemble, je ne vois que la reprise de la croissance et la consolidation de la solidarité. C'est là notre vœu le plus cher.
Parmi les idées à développer, la création d'un projet par famille à même de lui garantir une source de revenu. Dans ce domaine, l'artisanat, profondément ancré dans nos territoires, pourrait s'avérer bénéfique à développer.
Qu'on réussisse aussi cette réforme institutionnelle qui pavera la voie à la stabilité politique et au renforcement du processus démocratique.
Nous voulons que le président Kaïs Saïed soit avec nous. Son soutien à l'entreprise et à l'entrepreneur est essentiel.
Si je suis optimiste, c'est que je mesure la capacité de l'intelligence tunisienne à façonner un présent rassurant et un avenir meilleur.


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