La validation de Friedrich Merz en tant que nouveau chancelier de l'Allemagne devait être une simple formalité au Parlement, après sa victoire aux législatives anticipées de février dernier. Ce vote est toujours passé comme une lettre à la Poste et devait l'être encore plus ce mardi 6 mai, après que Merz a rondement mené les négociations avec ceux qu'il a battus aux élections, le SPD. La composition du gouvernement a rarement été aussi fluide, certes cette célérité a été dictée par une conjoncture sociale et économique délétère mais tout de même. Le chancelier devait confirmer devant les députés ce mardi, patatras : contre toute attente il a été chuté au premier tour. «Non reçu», a claqué immédiatement le journal très populaire "Bild", faisant le parallèle avec un étudiant qui passe un examen. Ce n'était jamais arrivé dans l'histoire politique du pays. L'homme d'affaires Friedrich Merz signe une funeste première. Théoriquement il avait toutes les cartes en main pour s'offrir tout de suite une majorité confortable, avec le vote des sociaux-démocrates, la surprise fut totale. Le nouveau chancelier n'a recueilli que 310 voix sur 621 exprimées, a fait savoir la présidente du Bundestag. Il lui fallait 316 votes favorables pour être élu. Depuis la Seconde guerre mondiale c'est la toute première fois qu'un candidat chancelier trébuche au premier tour dans la République Fédérale d'Allemagne. Un deuxième vote est un passage obligé ; là pour le coup il n'aura pas besoin d'une majorité absolue, une majorité relative suffira. Donc très vraisemblablement le champion des conservateurs passera mais cet échec politique lui collera à la peau, comme un marqueur de son mandat. Il avait claironné que «l'Allemagne est de nouveau sur les rails» pour retrouver un leadership fort en Europe, il faudra d'abord que Merz remette de l'ordre chez lui, qu'il tienne fermement les rênes du pays et qu'il dompte le Parlement, aussi bien sa propre majorité que ses opposants. Ce n'est pas gagné. L'homme n'a pas un charisme débordant – à égalité avec le chancelier Olaf Scholz – et il n'est pas très populaire dans le pays… Pire : il est contesté par une aile de son propre camp, laquelle n'a pas digéré qu'il enterre le sacro-saint cadre budgétaire allemand pour financer son programme de réarmement national et de modernisation des infrastructures. Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui est arrivé 2e aux législatives, veut profiter du revers de Merz. «Nous sommes prêts à assumer la responsabilité gouvernementale (…). Friedrich Merz devrait démissionner immédiatement et la voie devrait être ouverte à de nouvelles élections dans notre pays», a asséné Alice Weidel, co-dirigeante du mouvement. Pour l'AfD la séquence est d'autant plus politique que dans les sondages elle est au même niveau que le Parti conservateur de Merz (CDU/CSU). Donc clairement l'extrême droite aurait un coup à jouer si un nouveau scrutin était convoqué dans des délais brefs. Par ailleurs Alice Weidel et compagnie ont les autorités aux trousses, ils ont même été classés mouvement "extrémiste de droite avéré". De meilleurs résultats aux prochaines élections leur permettraient de conjurer les tracas administratifs et judiciaires qui leur pendent au nez. D'après le groupe des députés conservateurs cités par la presse allemande, le second tour pour l'élection du chancelier ne sera pas organisé ce mardi. Trop risqué politiquement. Il faudra un peu de temps pour blinder les positions et s'assurer qu'il n'y aura pas un autre coup de théâtre, même si le mal est fait et l'opprobre encaissé. Merz, dans la droite ligne du "grand retour de l'Allemagne" en Europe, devait se rendre en France dès demain mercredi. Son premier contact officiel avec le président Emmanuel Macron est compromis. La première économie européenne n'a jamais autant inquiété ses voisins. Merz devra se transformer en Super-chancelier pour mener la barque Allemagne dans ces eaux troubles, à l'intérieur comme à l'international. L'Union européenne (UE) comptait sur le chancelier allemand pour mener le combat contre le président américain Donald Trump, Berlin devra d'abord vaincre ses propres démons…
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