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Emna Belhaj Yahia: Najette Khéfacha, une amie, un pays
Publié dans Leaders le 20 - 11 - 2023

Hier, mon amie Najette Khéfacha était dans un coma profond. Je suis restée à côté d'elle et je lui ai parlé. J'ai envie de penser qu'elle m'entendait. Vers 18h, elle nous a quittés. Il est à présent minuit, et je ne dors pas. Je viens de perdre quelque chose de solide que je tente de cerner avec précision. Je me représente son visage, j'entends ses mots, je la vois et, brusquement, le pays se dessine et se dresse tout entier devant moi. Comment faire, sans elle, pour continuer de l'aimer, ce pays? Jusque-là, quand je ne voyais en lui que laideur, je pensais à elle, qui en savait les beautés secrètes, et ça allait mieux. Elle connaissait le charme des visages pour les avoir pris en photo, les coins perdus pour les avoir parcourus et fait découvrir très tôt à sa fille, la talentueuse réalisatrice Leyla Bouzid; elle connaissait les traditions, les arbres centenaires, le nom des fleurs, les mosaïques, les tissages des régions, tout ce qui fait ce pays, son histoire, sa géographie. Elle sentait l'harmonie, disait le changement des saisons, l'éclat de la lumière, les couleurs du ciel, et les ombres se déplaçant au loin.
Ah, ce tronc d'arbre si épais qu'elle serrait dans ses bras, et ces branchages sous lesquels on avançait dans une rue ombragée de La Marsa ; et l'horloge de Testour qui remonte le temps ; et le mausolée de Sidi Mehrez, à deux pas de Bab Souika, devant lequel, enfant, je passais souvent parce que mes grands-parents habitaient à côté, mais qu'il a fallu visiter avec elle pour le redécouvrir. Et le musée du Bardo, une fois avec elle, mieux que cent fois sans. Et celui de Carthage. Discrète et incroyablement modeste, elle donnait de la visibilité aux choses de façon naturelle, ne savait pas faire de discours. Les anciens vestiges, mais aussi les dernières nouveautés, livres, films, pièces de théâtre, expositions, qui d'autre qu'elle leur faisait autant de place, les faisait apprécier en si peu de mots et de démonstrations ? Car elle détestait l'emphase. Elle aimait les mots, c'était sa passion, mais elle les utilisait avec circonspection, dans le dépouillement du vrai. Et, dans sa vie professionnelle de médecin, ces consultations longues et éprouvantes, les nombreux malades qu'elle soignait avec un dévouement inouï, le cœur meurtri par le désordre régnant dans la santé publique!
Najette, tu me donnais à voir, tu me redonnais mes lunettes, oubliées quelque part. Toi partie, comment vivre sans lunettes quand on est, comme moi, très astigmate ? Je crains de ne plus savoir regarder que l'ignorance arrogante, le conformisme et l'hypocrisie, le laisser-aller, considérés comme choses « normales » ; et je crains de devenir aveugle au reste. Car c'est par toi, grâce à toi, si frêle et si forte, que je savais qu'ici, malgré tout, dans ce pays qui est le mien, il n'y avait pas que des dissonances. Car je découvrais régulièrement ce savoir, parfois encyclopédique, qui était le tien, associé à une modestie que j'ai rarement vue ailleurs, et j'étais émerveillée. J'observais ta probité sans faille, ton originalité assumée, jamais ostentatoire, ton exigence, et je tentais de deviner, d'entrevoir le pays à travers ce prisme-là. Tu me donnais, sans le savoir, de l'endurance et de l'espoir. Aujourd'hui commence ma solitude. Ton absence m'est exil. Repose en paix, amie bien chère, dans ce grand espace qu'est notre amour pour toi.
PS: ce texte sortira en février 2024, dans un ouvrage intitulé Quatre-vingt mots de Tunisie, dont je suis l'autrice, et qui sera publié à Paris par la maison d'édition L'Asiathèque (collection Quatre-vingt mots du monde).
Emna Belhaj Yahia


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