Il était une autre fois un blanc agneau Qui gambadait dans son vert enclos Semé d'anémones et de coquelicots, Quand surgit d'on ne sait où un loup-garou Couvert de boue, de poux qui, d'un air voyou, Dit : « Ne t'affole pas, petit ! Je suis de passage, Je voulais voir tes beaux pâturages. Echappé d'un zoo anglais, je viens en réfugié. On te dit bon et bien hospitalier... Peux-tu m'héberger ? De grâce, la charité ! Sur ton mur, je voudrais me lamenter Pour que Dieu gomme mes plus gros péchés. » « On te dit carnassier et cannibale, Répondit l'agneau à l'étrange animal. De la jungle, tu serais le pire. Plus sanguinaire que les vampires. N'inspirant que méfiance et dégoût, Tu es pourchassé par tous et partout... » « Je ne mérite pas cette réputation. Je suis tout amour et compassion Et n'ai aucune intention de faire le mal Tant respectueux du droit international. Je suis un loup mais combien pur et pieux. Je ne vis que pour plaire à Dieu. Puis-je avoir des buts immondes Quand je pense tant à la beauté du monde ? J'ai à cœur d'emplir de joie les cœurs Et tiens à trouver la pilule du bonheur, Un bonheur qui rend beau et sage. Humanitas, Felicitas, Libertas... N'as-tu pas vu ce message sur ma page ? Apprivoise-moi et tu verras Combien ta vie, en bien, changera. » « Ce lieu béni est un havre de paix. Pose ton sac et va te reposer. Mais n'utilise ici ni ruses, ni griffes, ni crocs ! Terre de prophètes, mon bel enclos Et ne t'avise pas de faire usage De ce drôle de Protocole de faux sages. Lamente-toi, si telle est ta volonté, Comme dans le mal, il n'y a pas de volupté, Ne veux-tu pas de liens avec le Bien... avec l'humanité ? » Mais à peine était-il entré Que le loup s'était métamorphosé. « Pas mal ici. J'y suis et j'y reste. N'en sortirai que par la force des baïonnettes. Que peux-tu contre moi ? Arrête tes sornettes ! Sache, l'ami, qu'on manque de charme Quand on n'a pas les bonnes armes. Ôte-toi donc de mon passage Allez, ouste ! Vite dégage ! Et si tu restes là, bouche bée Je ne ferai de toi qu'une bouchée. Des gens nobles, en fait ignobles, et mon ONU M'ont donné tout ce que j'ai voulu. Chétif insecte, excrément de la terre, au diable, va ! Sache déjà que je vais aller au-delà De cette ridicule clôture Et poursuivre ma sublime aventure Avec fantaisie et démesure. » Quand tout est fichu, il y a le courage Et cet agneau en avait, et davantage. En un instant, il devint bélier-résistant. Comme la chèvre de Seguin, il était vaillant. Résistance, sapience, foi et longueur de temps Viennent toujours à bout d'un colon plein de rage. Il fourbit ses cornes et fonça sur ce sauvage. Quand la meute, de son chef, vit le revers, Elle forma sept cercles de feu et de fer Autour du Résistant qui dut appeler ses frères. Mais... ces frères-vipères, experts Dans l'art de trahir, et tenant à plaire Au loup, le traitèrent en adversaire, Et... chose grossière qui sidère, Lui recommandèrent de se laisser manger. « Ce doux loup-garou est à ménager, Dirent-ils, pourquoi, pour si peu, nous déranger ? » Tout comme Joseph, il fut vendu par les siens, Isolé, maltraité et trahi pour rien. Seul, mais avec sa volonté et ses mains, Ce combattant lutte soir et matin Pour déplacer les bornes d'un faux destin, Corriger les noires erreurs de l'histoire Et, avec son sang, écrire sa victoire. A présent, il est tout couvert de sang, Mais déterminé à chasser l'occupant. La morale dit que jamais loup ne varie. Bien fol qui s'y fie... et recommande aussi : Ne jamais être d'accord avec la loi du plus fort. Elle ne concerne que les morts. Faut la défier pour arriver à bon port. Dans la mêlée, les valeurs ont foutu le camp. Ainsi l'on vit et revit jusqu'à l'écœurement L'injustice, l'horreur, le déchirement. Le monde se mire dans l'éclat du sang. Partout la puanteur d'une haine sans fin. Est-on devenu, à ce point, inhumain ? Pourquoi est-il permis d'abattre les innocents ? Jusqu'à quand ces bruits et ces noirs flots de sang Versé généreusement, gaiement ? Et ces têtes d'enfants roulant aux pieds des loups, Jusqu'à quand et jusqu'où ? De quoi devenir fou ! Pourquoi le monde est-il si figé, si coi ? Que d'orphelins égarés, hagards, pleins d'effroi, Errant sur les chemins dans la nuit et le froid ! Que d'affamés sans appui, sans ailes, sans voix ! Où sont les Tarzan des droits de l'agneau et de l'homme ? Ont-ils une pensée ou quelque baume Pour les moches plaies de ces beaux tout-petits ?... La barbarie est-elle devenue un droit acquis ? Que de bruits sinistres en cette terre bénie ! Que de terreur, devenue loi et routine, En notre si douce Palestine ! Mais revenons à notre mouton qui, jamais, las Se bat, se débat mais ne recule pas Devant ce monstre, cet être orgueilleux, Qui, riant de fureur, tue et dit obéir à Dieu. Quelle sera l'issue de ce long combat ? Une fin heureuse ?... Pourquoi pas ? Vrai que ce monde semble sans remède Avec ces méchants loups et ces fous bipèdes... Mais si on ne peut se passer d'espoir, On peut toujours s'amuser à croire En deux dictons pas trop périmés : Bien mal acquis ne profite jamais... Et ce fameux aide-toi le Ciel t'aidera. Ainsi un jour, peut-être, l'on verra Les cieux, tout furieux, brusquement s'ouvrir Et les ennemis du Bien engloutir. Dieu exauce les vœux ardents, non les délires. Alors, une fin heureuse, pourquoi pas ?