Par Mohamed Habib Hamed Dans la forêt des hommes, ou du moins ce qui semble, Des chacals, des loups, hyènes et autres choses Ont vu un jour s'amener dans l'orée de la pinède sociale, une mule perdue. L'histoire avait oublié de l'attacher au pieu de la déraison. Elle avait sur le flanc, par pur hasard, écrit, en gros et gras, le mot Révolution ! Et du renard au vampire, en passant par la poule toujours mouillée, Au roublard etc., on sursauta de plaisir. C'était une aubaine ! Voila enfin bien quelque chose à mettre sous la dent‑! Une denrée rare, un mets sûrement délicieux. Révolution ! Tout ce beau monde sur son dos s'essaya C'était l'occasion qui rompait la routine des ans, des rois, des sultans et des régimes fantoches. Il y avait même ceux qui inculquaient à leurs petits, sans retenue aucune, comment sauter sur le dos de ce frêle animal sans se faire du mal. Tout le monde le disait : C'est moi qui l'ai ramenée de l'enclos des jours. Et vautours ils parlaient de vautours. Mais ces animaux étaient déjà vendus et à Carthage s'étaient déjà pourvus Ils avaient, leurs mains en sont témoins, baisé la main du lion. Un lion en carton pâte. Et ils sont toujours là, les mêmes et ils se vantent‑! D'avoir été à l'origine de la révolution Ce sont eux, et personne d'autre, qui l'ont fait. A leur santé et à la vôtre, Ceux de droite se sont remis à gauche. Il y avait même des ours mal léchés aux gueules tristes, certains novembristes qui l'avaient fêté à grande pompe ; Qui hier encore célébraient sur les bancs publics le président déçu ! Et ce n'est pas de fromage que je parle C'est celui au gros nez et qui ne sait parler encore moins écrire. On lui fit même un doctorat, «causis es honora» Tandis que pour sa femme, cette statue ignare, Madame de la Foutaise, on a entendu dire que l'un de ces ministres lui fit faire sa thèse. Révolution ! Et de Cactus tu redeviens jasmin. Sommes-nous devenus fous ! Aurait-on par mégarde, confondu sidi bou ? D'ailleurs, regardez bien et ouvrez bien les yeux Qu'est-ce qui a changé ? Hein ! Ce sont les profiteurs qui détiennent les rênes De notre pauvre mule, les mêmes que ceux d'antan. Et c'est à la bedaine que revient tout l'honneur. C'est toujours à la panse que le plus gras retourne. Regardez bien la carte, je n'irai pas plus loin ! Mais ce peuple, ce pauvre gueux reste toujours à la queue Et pourtant…leu leu. Tandis que là-bas, là-bas à Moularès Mon pauvre père dormant me guette tristement, en soupirant. Il avait, lui, si bien fait sa mine et sa lampe à carbure a éclairé la voie… Et nous avons bu, Dieu l'a voulu Et nous avons, comme les prophètes, erré A la recherche de rien, mais personne n'a voulu apprendre nos couplets ? Et nous le montrer ! Nous nous sommes encore enveloppés de nuit comme les dormeurs d'Ephèse Nous nous sommes, une fois encore, endormis en silence, en attendant un mieux amélioré. Mais avant, nous avons vécu le mensonge ; et les menteurs, nous les voyons encore Depuis les temps, nous l'avions observé. Le poète avait perdu les siens, et sa maison demeure sous les quatre vents. Aucun ami, ni verre ni terre ni partie ? Ainsi il s'est caché dans le simple langage, de peur de tous les ans, Des rois et des mages, des présidents et des bluffeurs, des suceurs de sang et de tous les sultans. Le peuple a soumis un gâteau aux vautours et ils l'ont dévoré : ils n'en ont rien laissé. Morale de l'histoire : Quand on offre une fleur à un bourricot Au lieu de la sentir, il l'ingère. La révolution est cette fleur Mais qui est l'âne dans cette affaire ?