La révolution du 14 janvier 2011 et les événements qui se sont succédé depuis, ont mis en évidence l'ampleur des problèmes économiques et sociaux du pays, les grandes inégalités entre les régions et les couches sociales dans le domaine de la santé et ses déterminants sociaux, ainsi que les difficultés et les dysfonctionnements des services de soins. Malgré des acquis incontestables sur le plan sanitaire, la situation est préoccupante. Plus de 10% de la population soit plus d'un million de personnes, parmi les plus démunies, ne disposent pas de couverture santé et se trouvent de fait exclues de l'accès aux soins. Des ménages, dans une proportion estimée à 3%, tombent chaque année dans la pauvreté parce qu'ils ont été confrontés au paiement direct des frais d'un gros problème de santé. Les hôpitaux, surtout à l'intérieur du pays, manquent de personnel qualifié et de ressources financières, ce qui se traduit par un manque de médicaments, des équipements insuffisants et des problèmes de maintenance. L'hôpital universitaire traverse une crise grave, affecté par la pénurie, le mécontentement des personnels et le départ de cadres qualifiés. Le secteur privé de la santé connaît également des difficultés : le coût d'accès élevé aux prestataires de soins et aux établissements sanitaires privés entraînant une rupture de la continuité des soins. La complexité des problèmes de la Santé et l'absence de solution aux difficultés qui se sont accumulées ont augmenté l'inquiétude des citoyens concernant leur droit légitime à la santé, évoqué dans le préambule de la Constitution de 1959. L'élection de l'Assemblée Nationale Constituante et la préparation d'une nouvelle constitution constituent une occasion précieuse pour garantir ce droit, et pour entamer une réflexion sur la réforme du système de santé ouvrant la voie à une réconciliation avec le citoyen. Inscrire Le Droit à la Santé dans la prochaine Constitution est conforme aux objectifs de la Révolution de la Dignité et de la Liberté ainsi qu'aux conventions internationales signées par la Tunisie, en particulier, la Déclaration des Droits de l'homme, la Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé , la Déclaration d'Alma Ata sur la santé pour tous et les différentes recommandations du Comité des droits économiques et sociaux du Conseil économique et social de l'ONU. Sur cette base, la nouvelle Constitution doit inclure, à notre avis, les éléments suivants : 1) Le Droit à la Santé est un droit pour tout citoyen, sans aucune discrimination 2) Le Droit à la Santé ne se limite pas à l'accès aux services de soins, mais doit inclure les déterminants de la santé comme un emploi et un logement décents, l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, la qualité de l'environnement et une alimentation saine. 3) Le rôle et la responsabilité de l'Etat sont essentiels dans la mise en œuvre des structures juridiques et organisationnelles permettant l'exercice effectif du droit à la santé dans le cadre d'une Stratégie Nationale de Promotion de la Santé. 4) La constitution doit prévoir les mécanismes garantissant le droit du citoyen à la santé, en particulier les indicateurs permettant de suivre et d'évaluer la mise en œuvre de la stratégie nationale pour le droit à la santé. 5) La Constitution doit également prévoir la participation du citoyen et des organismes de la société civile, à la protection du droit à la santé, les moyens juridiques pour en bénéficier, ainsi que la possibilité de recours en cas de non-respect de ce droit. Nous, soussignés, exerçant dans le secteur de la santé et le secteur social, lançons un appel pour l'inscription du droit à la santé tel que défini ci-dessus, avec l'ensemble des droits économiques et sociaux, dans la nouvelle Constitution et appelons les députés de l'Assemblée Nationale constituante, les partis politiques et les organismes de la société civile à soutenir et à défendre cette demande. Liste des premiers signataires Abdelaziz BASTI Pharmacien Abdelmajid BEN HAMIDA Professeur de médecine Abelwahed EL ABASSI Médecin Ali CHEDLI Doyen Faculté de médecine de Monastir Ali MTIRAOUI Doyen Faculté de médecine de Sousse Amor BOUROGAA Professeur paramédical Amor TOUMI Professeur de pharmacie Azouz ELGHARBI Directeur hospitalier Béchir ZOUARI Professeur de médecine Belgacem SABRI Médecin Férid AYOUB Médecin Férida RIAHI Médecin Habiba BOUHAMED CHAABOUNI Professeur de médecine Habib MAAOUIA Educateur sanitaire Hassine KHARROUBI Cadre CNRPS Hédi ACHOURI Médecin Hédi EL BAZ Médecin Héla BEN CHAABANE ABDELJAWAD Médecin Imed MAALOUL Professeur de médecine Jameleddine BOUSLAMA Médecin dentiste Kacem AFAYA Secrétaire général adjoint UGTT Karim AWAM Professeur de médecine Khaled ZGHAL Doyen Faculté de médecine Sfax Mahmoud AYARI Médecin Mohammed AKROUT Professeur de médecine Mohammed KOUNI CHAHED Professeur de médecine Mohammed SOLTANI Professeur de médecine Mokhtar TRABELSI Directeur hospitalier Moncef BEL HAJ YAHIA Médecin Mouldi JENDOUBI Secrétaire général adjoint UGTT Niçaf BEN ALEYA Médecin Noureddine ACHOUR Professeur de médecine Noureddine BEN JEMAA Médecin Raouf BEN AMMAR Professeur de médecine Ridha HAMZA Médecin Skander MRAD Professeur de médecine Taoufik NACEF Professeur de médecine