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Pierre Combernous Ambassadeur de Suisse : Qui peut croire que la Tunisie est un petit pays!
Publié dans Leaders le 07 - 04 - 2012

Comment a-t-il passé la nuit historique du 14 janvier 2011 et les suivantes dans l'enceinte même du palais présidentiel de Carthage où est enclavée sa résidence? Quelles sensations ressenties depuis lors et quelles initiatives prises par son pays en faveur de la Tunisie au lendemain de la révolution.
L'ambassadeur de Suisse à Tunis, Pierre Combernous, diplomate de longue carrière qui a eu la chance de vivre auparavant des transitions historiques, notamment au Pérou et au Kenya, nous livre un témoignage exceptionnel. Il nous explique également comment la coopération tuniso-suisse s'articule aujourd'hui autour de trois piliers que sont la gouvernance, la relance économique et la migration.
Une question particulière trouve en Suisse tout son intérêt: soutenir la Tunisie dans ses démarches pour l'identification et la récupération des avoirs de Ben Ali et son clan déposés en Suisse. Et une bonne nouvelle : un partenariat migratoire est sur le point d'être conclu entre les deux pays portant d'une part sur la gestion des flux migratoires et, d'autre part, la mise en place d'un cadre pour permettre à des jeunes professionnels tunisiens (près de 150 par an) d'effectuer des stages de longue durée en Suisse. Sans oublier l'enveloppe de 20 MD de dons et d'aides diverses, prévue en 2012, dans différents domaines.
«C'était tout à fait stupéfiant, unique, ce vendredi 14 janvier, se souvient-il encore comme si c'était hier. En rentrant vers 16 heures à Carthage, après m'être assuré que mes collègues de l'ambassade avaient bien regagné leurs domiciles, j'étais déjà surpris de voir deux grosses voitures noires de la présidence filer à toute vitesse dans le sens inverse, en direction de l'aéroport. Arrivé à l'entrée commune de l'annexe administrative du Palais, que je dois emprunter pour accéder à la Résidence, je sentais une atmosphère lourde, frisant l'angoisse. Il ne me restait plus qu'à regarder la télé et passer des coups de fil. L'annonce de la fuite du président déchu, à mon grand étonnement, ne s'était pas accompagnée ce soir-là par des cris de joie, mais par une immense incertitude. Des collègues et amis s'inquiétaient pour notre sécurité et nous recommandaient de nous réfugier en lieu sûr en cas de coup dur. Mais, il n'en fut rien. Le lendemain aussi était calme. En allant tôt à la chancellerie, les soldats, qui s'étaient substitués aux agents de la Garde présidentielle, m'avaient juste demandé de partir par la droite, en prenant la route vers Sidi Bou Saïd. Là, j'ai vu les premières barricades se former, ce qui m'a rassuré. J'ai compris alors que le peuple se mobilisait pour défendre sa révolution et que ce qui se passait était tout à fait exceptionnel, unique en son genre».
L'ambassadeur de Suisse poursuit cette significative évocation : « L'armée a pris la relève de la Garde présidentielle, des blindés ont été installés et tout était calme dans le quartier, contrairement aux rumeurs en tous genres qui circulaient alors. Pour moi, je ne me suis jamais autant senti en sécurité qu'en circulant à côté d'un char. La seule chose qui m'avait surpris, c'est qu'on n'écoutait plus, tôt le matin et à la tombée de la nuit, ce roulement de tambours qui se passait sous nos fenêtres lors de la levée et de la descente du drapeau. Soudain, un soir, j'apercevais dans un coin du jardin présidentiel un petit feu de camp, puis j'entendais des sons de tambours, tapés à la main, sans baguette. La vie reprenait…»
Comment accélérer le recouvrement des avoirs en Suisse ?
Prompte à se redéployer dès le lendemain de la révolution, la Suisse s'était empressée dès le 19 janvier 2011 de procéder au gel des avoirs de Ben Ali et de son clan. La machine était engagée. «Evidemment, sur cette question de restitution à la Tunisie des avoirs, déclare l'ambassadeur, deux interrogations sont constamment posées: quel en est le montant exact et dans combien de temps on pourrait les récupérer ? Sur la base de la liste des 48 personnes concernées par la confiscation de leurs biens et communiquée aux autorités suisses, les identifications portent sur près de 61 millions de francs suisses, soit environ 100 MDT, comme l'avait mentionné la présidente de la Confédération helvétique, Mme Micheline Calmy-Rey, lors de sa visite à Tunis le 28 septembre dernier. Le processus obéit certes à des démarches particulières et la Suisse n'a pas manqué, dans le cadre de l'assistance judiciaire, d'apporter sa collaboration aux autorités judiciaires concernées, dans la formulation appropriée des mandats rogatoires nécessaires. C'est ainsi qu'un ancien magistrat avait été dépêché deux fois à Tunis auprès de ses pairs concernés».
«De son côté, ajoute l'ambassadeur Pierre Combernous, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie s'était rendu dès le mois d'avril en mission en Suisse. Aussi, les autorités tunisiennes ont-elles constitué une commission ad-hoc et désigné un avocat international particulièrement rompu en la matière pour les assister. Parmi nos actions de coopération bilatérale et dans le cadre de l'appui à la gouvernance, la Suisse est disposée à apporter son soutien à la création au sein de l'administration tunisienne d'un pôle économique et financier, bénéficiant de la synergie des compétences judiciaires et financières locales. Cette expérience, menée depuis quelques années par d'autres pays, a montré son efficacité. Aussi, ajoute l'ambassadeur, la notion de renversement du fardeau de la preuve, lorsque le système politique est reconnu en droit comme étant de nature criminelle met à la charge des personnes poursuivies l'obligation de prouver l'origine non incriminée de leurs biens et avoirs. Ainsi, au lieu d'être présumés innocents jusqu'à preuve de leur culpabilité, ils se doivent de démontrer la bonne source de leurs avoirs. Ce qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives devant la justice tunisienne dans ses poursuites transmises à la Suisse».
A titre d'exemple, pour illustrer l'étroite entraide judiciaire entre les deux pays, l'ambassadeur cite le cas de l'avion appartenant en partie à Princesse Holding de Sakhr El Materi. Les parts d'El Materi tombant sous le coup de la confiscation, la Suisse n'a pas hésité par une procédure d'exception à restituer l'appareil à la Tunisie qui en est devenue copropriétaire.
La relance économique : une priorité
Comment se présentent les autres volets de la coopération tuniso-suisse? Un accord signé en juillet dernier met à la disposition de la Tunisie une enveloppe de plus de 72 MD pour la période 2011-2015. Cet appui s'adresse surtout au développement économique et au renforcement institutionnel. Le besoin prioritaire exprimé par la Tunisie étant le soutien à la relance économique et la création d'emplois, des dons sont mis à la disposition de la BFPME pour servir d'amorce en autofinancement, pour la création d'entreprise dans des régions défavorisées. D'ailleurs l'ambassade a été renforcée par un Bureau de programme suisse. Un expert en sécurité humaine a aussi été dépêché sur place. Dès la mi-septembre 2011, une antenne du Bureau de programme a été ouverte à Kasserine et une deuxième antenne est sur le point de démarrer en avril 2012 à Médenine. En outre, différentes actions de renforcement du secteur privé et de la compétitivité sont déjà initiées.
Quant au volet relatif à la transition vers la démocratie et les droits de l'Homme, la Suisse a apporté son soutien au processus électoral (ISIE), à la mise en place du bureau du Haut commissariat des droits de l'Homme, à la réforme du secteur de la sécurité, en partenariat avec le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) basé à Genève, à Radio Gafsa pour une programmation plus interactive et du journalisme de qualité pour l'information des populations marginalisées de l'intérieur de la Tunisie, en partenariat avec la fondation Hirondelle, basée en Suisse. Une liberté d'expression inscrite dans les textes et dans l'esprit d'un service public, accompagné d'une pratique responsable de la profession sont des éléments clefs de la transition.
Un partenariat migratoire en vue
Reste le domaine de la migration, indissociable du développement. Une concertation soutenue entre Berne et Tunis laisse entrevoir la conclusion d'un partenariat migratoire, dont jusque-là quatre pays seulement ont bénéficié, pouvant déboucher sur un accord global et des facilités pour les jeunes professionnels tunisiens. Ceux-ci pourront alors se rendre en Suisse pour y effectuer des stages de longue durée dans les entreprises et perfectionner ainsi leurs compétences. Si pour le moment aucun contingent n'a été fixé, il n'est pas exclu que le nombre des bénéficiaires puisse atteindre les 150 jeunes chaque année.
Aujourd'hui, l'ambassadeur Pierre Combernous est un homme sereinIl voit la Tunisie, libérée de la dictature, se battre pour sa transition démocratique. Le chemin peut paraître long et parsemé d'embûches mais il mène vers une transformationprofonde, la démocratie et la croissance. Maintenant, il peut, dans ses quelques moments libres, lorsqu'il parvient aussi à s'arracher à un livre, s'adonner à son sport favori qu'est la marche, pour partir en randonnée, dans le port punique de Carthage, humer plus de 3.000 ans d'histoire. «On me dit que la Tunisie est un petit pays. Pas du tout, c'est un pays gigantesque de par son histoire et sa culture, mais aussi son peuple. Ce qu'il vient d'accomplir est absolument unique. S'il s'appuie sur ce qui a fait sa force tout au long de l'histoire, son ouverture au monde, son osmose identitaire, son courage tranquille, il sera une fois encore en avance sur son temps. C'est ce que relevait déjà le fondateur genevois de la Croix-Rouge, Henri Dunant, lors de son séjour à Tunis en 1856, lorsqu'il constatait le caractère éclairé du souverain de l'époque. Pour¨relever ce défi, dans l'extraordinaire foisonnement que la Révolution du 14 janvier a révélé, il s'agira de réunir un peuple autoour d'un projet de société consensuel, qui s'inscrive dans une contemporanéité assumée, nourrie des riches audaces et traditions d'une terre féconde. Si l'hirondelle ne fait pas en elle-même le printemps, elle en trace les lignes du possible, par ses délicates arabesques célestes».
Lui est diplomate, elle est photographe d'art
Né à Lausanne en 1950, l'ambassadeur Pierre Combernous est titulaire d'un doctorat en sciences politiques. Il rejoint en 1978 le Département fédéral des Affaires étrangères à Berne, et occupera depuis lors diverses fonctions dans les postes diplomatiques suisses à l'étranger. C'est ainsi qu'il sera nommé notamment à Strasbourg (Conseil de l'Europe), au Pérou, en Inde et à Washington D.C. En 2001, il est nommé ambassadeur au Kenya, couvrant également le Rwanda, le Burundi, l'Ouganda, la Somalie et les Seychelles. De retour au siège à Berne en 2006, il y restera jusqu'en 2010, date de sa désignation à Tunis.
Mais, on ne peut pas parler de l'ambassadeur sans évoquer son épouse Dilbar. A ses multiples talents s'ajoute celui d'une photographe d'art. Sa récente exposition à la Galerie Cherif Fine Art, à Si Bou Saïd, avait révélé son don inné de restituer des images magnifiques de son Inde natale, comme de nombreux autres pays où elle s'était rendue. On lui doit également une belle galerie de portraits d'anonymes pris aux quatre coins de la planète.


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