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Est-ce la descente aux enfers ?
Publié dans Leaders le 17 - 09 - 2012

C'est la question que beaucoup commencent à se poser après les manifestations de ce vendredi et les dégâts causés à l'ambassade américaine et la dévastation de l'école américaine toute proche. Certes, on a enregistré depuis quelques mois une multiplication des attaques des groupes radicaux et salafistes notamment contre des points de vente d'alcool ou des restaurants. Des attaques qui ont suscité des inquiétudes croissantes sur les libertés individuelles. Mais, ces inquiétudes ont été nourries par des attaques répétées contre la presse. Par ailleurs, le manque de clarté sur le calendrier politique et la feuille de route ainsi que les déclarations contradictoires ont pesé lourdement sur l'atmosphère politique et jeté le trouble et l'incertitude.
Les manifestations de vendredi sont venues renforcer l'escalade. Il faut être clair et condamner sans la moindre réserve cette parodie de film et ses propos stupides et injurieux contre le prophète Mohamed. Mais, les manifestations violentes, et la pénétration de l'ambassade et la descente du drapeau et le saccage de l'école américaine constituent des évènements graves et une grande escalade dans la violence pour au moins deux raisons. D'abord, ces manifestations agressives et violentes ont été à l'origine d'importantes confrontations avec les forces de l'ordre et se sont soldées par des morts. Par ailleurs, ces manifestations se sont attaquées pour la première fois depuis la révolution à des symboles d'un Etat étranger, les Etats-Unis, qui faut-il le souligner n'ont pas ménagé d'efforts pour aider à la réussite de la révolution tunisienne et la transition démocratique et économique. Le dernier geste en date est l'octroi par le gouvernement américain de sa garantie pour le gouvernement tunisien pour lever des fonds sur les marchés internationaux. Cette garantie devait nous assurer des taux d'intérêt beaucoup moins élevés.
Cette escalade dont beaucoup ne mesurent pas encore la gravité et dont on commencera à voir les impacts effets y compris au niveau de la perception de la sécurité dans notre pays. Pourtant un grand progrès a été effectué à ce niveau pendant les derniers mois et la destination Tunisie devenait plus attractive que lors des premiers mois de la révolution. Nos hôtels désespérément vides depuis plusieurs mois avaient effectué une bonne saison et on espérait que notre industrie touristique allait saisir ces signes pour effectuer une réforme en profondeur du secteur pour diversifier notre produit et proposer une offre de qualité. Et plus généralement, ces attaques vont avoir des effets sur l'attitude de la communauté internationale concernant notre capacité à assurer la sécurité de leurs concitoyens. La décision américaine de rapatriement du personnel non nécessaire est un signe qui ne trompe pas.
Beaucoup a été écrit sur ces manifestations de violence. Les journalistes ont rapporté depuis quelques mois leurs multiplication notamment dans les villes de l'intérieur et certains villages où de sombres imams ont décidé ni plus ni moins d'installer des Emirats ! On a également discuté de leurs effets sur la transition politique et économique. On a aussi évoqué les acteurs qui y jouent un rôle important, particulièrement les groupes salafistes. Mais, encore peu d'analyses ont été faites sur les origines de ces violences et de cette explosion de haine que le pouvoir déchu maîtrisait par la répression et qui a explosé au grand jour après le 14 janvier. De mon point de vue, cette violence et la haine trouvent leurs fondements dans l'échec et la faillite du projet de modernité qui dans la plupart des pays arabes s'est transformé en un projet de modernisation autoritaire. Les libertés et la démocratie ont été depuis longtemps exclues de ce projet pour laisser la place à un Etat moderne mais autoritaire et la plupart du temps répressif. Mais, si le projet de la modernisation autoritaire a résisté pendant plusieurs années, l'accroissement des inégalités et la marginalisation sociale ont fini par l'emporter et ont donné lieu aux printemps arabes et à une nouvelle espérance de liberté et de démocratie.
Mais, la faillite du projet de la modernité a eu deux effets majeurs qui se sont manifestés par cette explosion de violence et de haine. Le premier est lié à notre rapport à soi. La marginalisation et la pauvreté ont été à l'origine de la faillite de l'utopie du développement et de la modernisation. Ces échecs ont ouvert la porte à une quête désespérée de l'identité et une volonté de redécouverte de soi. On a mis ces échecs sur le dos d'un rejet de nos origines et d'une volonté de nous inscrire dans un modèle occidental qui nous est étranger. Ce refus de rentrer dans le temps monde et cette quête désespérée d'une grandeur passée et d'un modèle originel ont trouvé leur expression dans les versions les plus radicales du salafisme avec l'adoption de codes vestimentaires censées nous rappeler les temps héroïques de l'Oumma. Et, les versions les plus radicales, comme le jihadisme, appellent ouvertement au recours à la violence et au martyr pour se retrouver avec soi. Cette violence devient d'autant plus importante qu'il apparait clairement que cette quête des origines est impossible face à l'avance du temps du monde. La schizophrénie identitaire nourrit alors tous les jours le refus violent de notre condition et rejette toute quête apaisée d'un équilibre entre notre héritage culturel et les valeurs universelles du monde moderne.
La seconde manifestation de la faillite du projet de la modernité et l'explosion de la violence est relative à notre rapport à l'autre, particulièrement à l'Occident. On le montre du doigt et on rappelle tous les jours que cet autre qui nous est différent est à l'origine de tous nos malheurs. Et, la théorie du complot n'a jamais autant rencontré de succès y compris auprès de certaines élites éclairés ! Ainsi, l'échec de notre développement et notre misère sociale est le résultat de modèles de développement qui nous ont été imposé par l'autre à travers les grandes institutions internationales. L'absence de démocratie dans nos contrées s'explique par l'appui des grandes puissances à nos dictateurs ! Rien n'est jamais de notre faute et tous nos malheurs sont la responsabilité de l'autre ! Du coup et à chacun de nos échecs on se presse pour exprimer notre haine de l'autre au lieu d'opérer un examen critique sur les conditions de ses échecs et les moyens de les surmonter. Ce rapport schizophrénique par rapport à l'autre nous sert à justifier notre faillite et d'excuser nos échecs passés et à venir. Or, les expériences de ceux qui ont réussi comme les pays émergents d'Asie ou d'Amérique Latine montrent que la construction de l'avenir et la sortie de la marginalité ne peuvent se construire que dans un dialogue ouvert et constructif avec l'Autre.
Ces manifestations de violence sont l'expression d'échecs profonds et de rapports schizophréniques avec soi et avec l'autre. A terme, les révolutions et les transitions démocratiques doivent nous aider à construire un rapport apaisé avec nous-mêmes et avec l'autre. C'est dans cette double relation et dans sa capacité à allier notre héritage et un pluralisme ouvert sur le monde que nous construirons un projet de renouveau arabe. Mais, cette quête de long terme passe par des actions à court terme en matière de pacification de l'espace public et de rétablissement de l'autorité de la puissance publique afin d'assurer les libertés collectives et individuelles et des relations de coopération, de dialogue et de confiance avec l'Autre et d'arrêter ce qui ressemble étrangement à une descente aux enfers.


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