Le Front du salut vous dit quelque chose ? Normal. C'est le Front qui s'était formé au lendemain de l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2015, et qui a organisé et mené le sit-in Errahil qui a conduit à la chute du deuxième gouvernement de la Troïka présidé par Ali Laârayedh. Après cet accomplissement, le Front avait fini par se disperser et chacun des partis politiques avait préféré affronter son propre sort lors des élections législatives de 2014. Deux ans et trois mois après le Front du salut renaît de ses cendres avec des anciens/nouveaux : le dissident du mouvement de Nidaa Tounes et secrétaire-général du Mouvement projet pour la Tunisie (MPT), Mohsen Marzouk, le président de l'Union patriotique libre (UPL), Slim Riahi, le Comité de sauvetage au sein de Nidaa Tounes présidé par Ridha Belhadj, et le Parti socialiste, présidé par Mohamed Kilani. Un mélange hétérogène comprenant des composantes dont les ADN sont très différents voire, inexistants. Mohsen Marzouk, connu pour avoir de grandes ambitions politiques et visant la présidence de la République, a toujours été critiqué par ceux qui lui ont été très proches d'avoir beaucoup de mal de collaborer avec ses équipes. Que ce même Mohsen Marzouk aille vers une alliance pareille qui risque, lors des prochaines élections, de le mettre dans une rude confrontation face à un rival de taille qui n'est autre que son allié Slim Riahi, cela pose plus d'une question sur la stabilité de cette nouvelle coalition. En ce qui concerne le président de l'UPL, ses positions politiques ont tellement changé – lors de la nomination de Youssef Chahed, il avait qualifié cela de révolutionnaire, quelques semaines plus tard, Chahed et son équipe sont devenus synonyme de tous les maux sans parler de ses différentes déclarations lors du gouvernement d'Habib Essid – qu'il devient presque impossible de prévoir ses intentions et ses futurs plans. Toutes ces données ne sont rien comparées à la présence du comité de sauvetage au sein de Nidaa Tounes : Ridha Belhadj et son clan tentent, depuis quelques mois déjà, de récupérer les pouvoirs qu'ils ont eux-mêmes cédés au fils du président de la République, Hafedh Caïd Essebsi (HCE), en l'aidant, en janvier 2016, à organiser le controversé congrès de Sousse. Devenu directeur exécutif du mouvement et son représentant légal, l'ami d'hier est devenu l'ennemi d'aujourd'hui et, depuis, Ridha Belhadj essaye de mettre la pression par tous les moyens afin de récupérer les pleins pouvoirs au sein du mouvement. Aussi , le fait qu'il intègre aujourd'hui le Front du salut – sachant que lors de la querelle qui a opposé le clan de HCE à celui de Mohsen Marzouk, Belhadj avait œuvré contre son nouvel allié – peut-il, en réalité, cacher une simple manœuvre qui viserait à mettre encore plus de pression sur ses rivaux au sein de Nidaa Tounes afin de les faire soumettre à ses requêtes. Si jamais, par miracle, la situation venait à s'améliorer au sein du Nidaa, il ne serait pas étonnant de voir le Comité de sauvetage revenir vers sa maison mère en laissant tomber tout le projet de Riahi et de Marzouk. Il est clair que ce Front cherche, essentiellement, à récupérer le réservoir électoral dont a bénéficié Nidaa Tounes en 2014 et qui lui a permis de s'accaparer des trois présidences. Toutefois, il faudrait que ces partis envisagent sérieusement d'entamer des prospections afin d'évaluer, justement, la crise de confiance qui ne cesse de s'accentuer entre ces mêmes électeurs et ces politiciens qui ont trahi, par leurs conflits continuels et leurs crises sans fin, les promesses qu'ils avaient alors avancées.