Après un bref répit à l'occasion de la discussion et du vote de la loi de finances 2017, la guerre des clans reprend de plus belle à Nida Tounès, parti majoritaire qui fait face à une crise majeure depuis plus d'une année Au lendemain de la menace exprimée par Mourad Dellech, président de la commission juridique de Nida Tounès, de renvoyer les sept leaders du «comité de salut» (Ridha Belhadj, Boujemâa Remili, Khemaïes Ksila, Faouzi Maouia, Faouzi Elloumi, Moncef Sellami et Ennaceur Chouikh), voilà que la réponse de ceux-ci ne se fait pas attendre. Hier, lors d'une conférence de presse organisée par le « comité de salut», ils annoncent leur transformation en direct en un «comité directeur» du parti «jusqu'à la tenue d'un congrès électif ». Jusqu'ici, les «sept» ne réclamaient en fait que « la réunion du comité politique » (convoquée normalement par le directeur exécutif du parti, HCE) ainsi que le départ de Hafedh Caïd Essebssi et son remplacement. «Nous avons été, autant que possible, dans la sagesse, nous avons pratiquement tout essayé, mais ils nous répondent avec une commission disciplinaire», s'indigne Boujomâa Remili qui ajoute : «Nous ne pouvions pas voir le parti périr entre nos mains et nous avons décidé de nous transformer en un comité directeur intérimaire pour préparer la tenue d'un congrès». Selon lui, contrairement aux apparences, la décision a été mûrement réfléchie « après 6 réunions régionales» et «l'appui des partisans ». Mais réfutant les accusations d'aller peu à peu vers un nouveau front politique aussi hétérogène que Nida Tounès, Boujomâa Remili a déclaré que les prochaines élections doivent de toute évidence tourner autour d'un grand et puissant parti, sans cela, «c'est Ennahdha qui gagnerait les élections». De son côté, l'ex-chef de cabinet de la présidence de la République, Ridha Belhaj, a appelé à la création d'un «large pôle moderniste et démocrate». Une stratégie qui rejoint celle de l'ex-membre de la famille nidaïste Mohsen Marzouk, qui avait lancé un appel dès le congrès constitutif de Machrou Tounès pour «unir les forces démocratiques». Ce qui n'était alors qu'un vœu sur fond de querelles politiques pourrait donc devenir une réalité au fur et à mesure que les élections approchent. Après s'être fait écarté du gouvernement Chahed , c'est autour de Slim Riahi, l'homme d'affaires à la tête de l'Union patriotique libre (UPL) de se mettre officiellement du côté des « opposants » et de réfléchir, avec Mohsen Marzouk et les dissidents de Nida, à un front électoral capable de battre le très structuré Ennahdha. Rétablir l'équilibre politique «Le pôle centriste que nous souhaitons mettre en place est toujours ouvert, explique Ridha Belhaj. Aujourd'hui, disons-le clairement, il y a un déséquilibre sur la scène politique dû à la crise de Nida Tounès». Ridha Belhaj va encore plus loin et déclare que même si Nida Tounès recouvrait la santé, «il ne saurait, à lui seul, rétablir l'équilibre à la vie politique». Interrogé par La Presse, le député de l'UPL, Tarek Ftiti, tempère et insiste sur le fait qu'il ne s'agit pour le moment que de pourparlers et que « rien de concret n'a été décidé». Lui qui a participé aux négociations-rencontres, préfère garder un optimisme prudent. Il se rappelle notamment que des négociations très avancées avaient été menées avec le parti Al-Moubadara, mais que finalement c'est principalement une question « d'ego» entre deux leaders qui a stoppé net cet élan rassembleur. «Les partis centristes modernistes sont pour la plupart libérés du joug idéologique et leurs programmes se ressemblent à 80% alors il ne faut pas que nous restions divisés de cette manière, précise-t-il. L'UPL aurait souhaité que des discussions sérieuses sur un front politique aient été entamés il y a un an ». En filigrane, c'est toujours le parti Ennahdha qui inquiète les partis dits «centristes». «Ne nous voilons pas la face, admet Tarek Ftiti, Ennahdha est le seul parti prêt à affronter les urnes, il est prêt depuis mars 2016. Nous le savons par ce que nous sommes dans les régions et nous voyons que dans chaque commune, le parti a implanté une petite cellule qui prépare les prochaines élections locales». L'idée d'un front démocratique commun n'est pas nouvelle, reste à concrétiser les bonnes intentions des un et des autres et surtout, selon nos interlocuteurs, il faudra mettre les ego en mode avion.