La galerie Hédi Turki de Sidi Bou Saïd accueille actuellement la nouvelle exposition d'Ellafi Khadhraoui. A la recherche du patrimoine, brillant autodidacte, cet artiste poursuit à sa manière l'oeuvre de son frère Othman Khadhraoui et celle des artistes naïfs révélés durant les années Baghdadi Chniter, Alyssa et Maherzia Ghadhab. A découvrir avec un brin de nostalgie... La galerie municipale de Sidi Bou Saïd accueille les artistes les plus divers. Expositions de groupe et collections personnelles sont régulièrement à l'ordre du jour de cet espace qui porte le nom de l'artiste Hédi Turki. Espace public entouré d'une multitude de galeries privées, le salon de Sidi Bou Saïd fait plus que de la résistance et multiplie les découvertes artistiques. De la Geste hilalienne aux scènes de la vie quotidienne La dernière exposition en date dans cet espace est celle de Ellafi Khadhraoui, un artiste de la tendance des naïfs tunisiens dont les oeuvres sont installées au coeur du patrimoine et relues de manière autodidacte. Dans le sillage de Maherzia Ghadhab, Baghdadi Chniter ou de son frère Othman Khadhraoui, l'oeuvre d'Ellafi est très attachante et fourmille d'idées et de références patrimoniales. Des tableaux, des tables et divers objets sont exposés. Il y a 35 éléments qui constituent cette exposition qui est un hymne à la mémoire et aux contes et légendes de Tunisie. De fait, tout y est. Les portes de la médina cohabitent avec l'héritage beylical, les contes de la Geste hilalienne sont revisités avec des couleurs fulgurantes, des tableaux bucoliques ajoutent une touche ruraliste. Ce qui retient le regard dans l'oeuvre de Ellafi Khadhraoui, ce sont de prime abord les couleurs. Une véritable explosion et des lignes lourdes qui grossissent davantage encore l'impact de ces zones de couleurs. D'autre part, le recours à l'imaginaire porté par la peinture sous-verre est la seconde caractéristique du travail de Ellafi Khadhraoui. Ce qu'il fait, c'est donner une nouvelle dimension à ces oeuvres populaires en les citant tout en enrichissant leur thématique. Cet aspect est l'un des atouts de Khadhraoui. Toutefois, il ne va pas toujours jusqu'au bout de ses intentions. Le mimétisme reste trop fort au point où le regard ne parvient pas à trouver la novation. La mémoire populaire, nouvel enjeu artistique Ce patrimoine de la peinture sous verre est d'ailleurs très présent sur la scène actuelle de la création tunisienne. De nombreux artistes et designers travaillent sur cet aspect du patrimoine et certains accouchent d'oeuvres surprenantes. En ce sens, la peinture néo-traditionnelle a le vent en poupe et touche d'ailleurs d'autres arts. Musiciens et professionnels de théâtre se tournent de plus en plus vers les divers héritages de la tradition. Tapissiers, conteurs et chanteurs pop retrouvent des racines occultées ou oubliées et les font renaitre dans une nouvelle logique artistique. Ce n'est pas le cas de Ellafi Khadhraoui dont le talent bien réel lui permet de restituer dans une simplicité enfantine, originelle ce patrimoine. A l'image des artisans, Ellafi crée des objets usuels ou décoratifs et les replonge dans le mouvement créatif. Dans sa démarche, nous retrouvons des bribes de l'esprit de Alyssa, Hamadi Ben Saad ou Abdelhamid Ammar. Et nous retrouvons surtout la trace viv e de son frère Othman Khadhraoui qui avait bénéficié d'une vaste reconnaissance et dont la griffe survit et resurgit à travers l'oeuvre de son frère. Dans la même débauche de couleurs, dans un onirisme que l'on pourrait qualifier de populaire, Ellafi semble émerger de nos terroirs oubliés et de nos imaginaires d'enfants. Artiste véritable, il porte tout un pan de notre culture populaire. En quelque sorte, il est un Laroui du pinceau et semble bien mettre en images la belle voix du plus fameux conteur cathodique de Tunisie. Le public a réservé un bel accueil à cette exposition et Ellafi reprendra dans quelques jours son bâton de pèlerin à la conquête de nouveaux espaces et poursuivra ce fécond jardinage de la tradition.