Il ne faut pas mésestimer les symboles. Encore moins les sous-estimer. Ils sont ce que la mémoire collective retient, lorsque l'oubli, avec le temps qui s'avance, implacable et sans pitié, pour ceux qui veulent le retenir, le suppliant presque à genoux de consentir une pause, dans l'écoulement des jours et des nuits, comme une clepsydre qui se vide, à la manière d'un souffle suspendu comme une menace, grignote, à mesure, tout aussi implacablement, le souvenir. Effaçant la trace qui dénonçait, l'empreinte qui accusait, les mots qui racontaient, pour que ne subsiste, au final, que quelque écho, presque étouffé, d'une voix, bientôt éteinte. Un mégot périssable à l'embout rougeoyant, qu'un passant sans souci, écrasera au fond d'un cendrier, d'un geste machinal, la tête ailleurs. Loin, très loin de l'histoire d'un homme: un martyr de la nation, visé pour servir d'exemple, à tous ceux qui se hasarderaient, comme lui, à regarder la vérité en face, sans sourciller. C'est elle qui n'osera pas soutenir son regard. Et c'est elle qui se dérobe, aujourd'hui comme hier, pour ne pas avoir à rendre des comptes. Son passif est lourd. Et son actif est chancelant. En état d'ébriété en somme. De l'eau passera sous les ponts, avant que le voile soit levé, sur une vérité, sûrement pas bonne à dire. Mais quelle qu'elle soit, elle sera trahie. Parce que le symbole. Parce que le souvenir... Embaumer pour mieux enterrer? Pourquoi ne pas apprécier le geste, à sa juste valeur, lui prêtant des intentions, les meilleures, comme une forme d'espoir, pour ne pas avoir à fermer une parenthèse, en lieu et place d'ouvrir un nouveau chapitre, qui raconterait, enfin, le déroulement des faits, en amont et en aval d'un 6 février, qui aura vu tomber, le premier martyr de la république tunisienne, «post-révolution». Un livre de l'intranquillité, qui agirait comme un aiguillon, infatigable et tenace, jusque ce que la lumière soit faite. Car, il faut qu'elle soit faite. Et elle le sera.