Nécessité d'une révision en profondeur de la conduite de la politique économique à la lumière de paradigmes nouveaux à envisager Par Dr. Tahar El Almi La Tunisie traverse une « grande récession », et la crise elle-même est bien loin d'être achevée, sur fond de tensions sociales et politiques. D'abord parce que l'expérience historique prouve que les crises transitionnelles (récession et endettement) sont suivies de convalescences longues et douloureuses. Ensuite parce que les déséquilibres réels et/ou financiers à l'origine de la crise ne seront pas résorbés de sitôt avec des implications perverses cumulatives sur les marchés et sur le comportement des agents. Enfin parce qu'un retour à l'équilibre se fera sous le contrôle de marchés et d'agents irrités prêts à tirer profit des incohérences de la conduite de la politique économique et sociale. Esquisser des politiques de sortie de crise devient, alors, une gageure, dans la mesure où la pression sociale réduit les effets des mécanismes des paradigmes de politique économique consensuels. A titre d'exemples, à titre d'exemple, on peut avancer que : les stratégies de ciblage d'inflation des politiques monétaires explicites adoptées par les autorités monétaires se substitueraient à l'équilibre financier des agents pour se concentrer uniquement sur l'évolution du niveau général des prix. -les déséquilibres structurels (de développement régional, de répartition ou de compétitivité interne et/ou externe) seraient traités indépendamment du déséquilibre macroéconomique global. Cela impliquerait une dissociation des effets de grandeurs des effets de structure au niveau des marchés, qui amplifierait les déséquilibres de ces derniers. A titre d'exemple, actuellement, en Tunisie, la forte pression fiscale croissante alimente le développement du marché informel au niveau du marché des produits et du marché du travail. Or dans l'urgence sociale actuelle, la convergence des réactions des agents génère un « consensus » de circonstance: Au niveau des politiques monétaires restrictives engagées qui se sont traduites par un renchérissement des taux de l'intérêt et par des refinancements massifs et des injections de liquidités: la réaction des agents face au risque s'est traduite par une propension accrue à la thésaurisation. D'où les prémisses de collapsus financier avec ses effets sur la sphère réelle, au niveau de l'activité et des investissements productifs créateurs d'emplois. Au niveau de la politique budgétaire « laxiste » menée en 2011-2013 qui a généré un effet de grandeur accru par les recrutements intempestifs et un effet de structure au profit de la consommation publique au détriment de l'investissement d'infrastructure. Résultat des courses, une explosion des déficits jumeaux et une augmentation de la dette publique qui a rétroagi pour faire dériver le dinar vers le bas. Cette dérive serait en grande partie sous tendue par le mécanisme (ici, pervers) des « déstabilisateurs » automatiques qui continuent encore de jouer. L'urgence de la réflexion serait à s'engager alors, pour durcir les dispositifs de régulation des marchés, mettre en place des instruments de traitement du risque systémique, La sortie de la crise transitionnelle ne consiste pas seulement à gommer les stigmates des interventions passées : la dérive de la dette publique, la dégradation du déficit extérieur, les pertes subies par les institutions financières... C'est aussi une révision en profondeur de la conduite de la politique économique à la lumière de paradigmes nouveaux à envisager.