Né en 1917 à Nefta, Béchir Khraief aurait eu cent ans cette année. Considéré comme l'un des écrivains les plus importants du vingtième siècle tunisien, il est l'auteur de nombreuses oeuvres devenues emblématiques de la littérature tunisienne. Avec Ali Douagi, il appartient à une lignée proche de la langue vernaculaire tunisienne. En effet, Khraief est l'un des premiers auteurs à avoir utilisé dans ses dialogues le dialecte tunisien, ce qui avait soulevé un véritable tollé à l'époque. Humour pétillant et sens de la répartie On se souvient à ce titre de la fameuse répartie de Khraief qui, répondant à Mohamed Yaalaoui qui lui reprochait l'usage du dialectal, lança en substance: "Voyez-vous, si je suis au coin d'une rue et que je vois passer une jolie fille, mon premier réflexe est de lui dire un "Lotf alik" (que ta beauté soit bénie). Et si, je me mettais à chercher l'équivalent en langue littéraire, la fille risque de passer son chemin avant que je ne trouve". Béchir Khraief avait l'art de la formule et ses romans regorgent de trouvailles et s'inspirent souvent du réel le plus cru. Ce qui reste de sa littérature, c'est justement ce réalisme sociologique que n'aurait pas désavoué Emile Zola, cette forme de naturalisme qui allait partout chercher la vérité pour la restituer sublimée par la vertu de la littérature. Les oeuvres de Khraief sont ainsi et d'ailleurs, elles ont vite recueilli l'adhésion d'un public de plus en plus large grâce à leurs adaptations à la radio et au cinéma. De plus, Kraief est un auteur qui compte plusieurs traductions en langues étrangères, notamment en français et en anglais.Comment résumer son oeuvre en quelques mots? Ses premiers textes "Nokal Beya" et "Lilet Loutiya" sont respectivement parus en 1936 et 1937. Textes de jeunesse - il avait à peine vingt ans -, ces oeuvres annonçaient un auteur au style singulier dont l'éclosion véritable surviendra avec le fameux "Hobbek Darbani" en 1959. Après ce roman, Béchir Khraief enchaînera avec des textes devenus incontournables à l'image de "Barg Ellil" (1960), "Khlifa Lagraa" (1965) et "Degla fi Arajiniha" (1969) dans lequel il renoue avec le sud et le récit historique et social. Dernière oeuvre parue de son vivant, "Mechmoum el Fell" (1971) sera suivie par "Bellara", un livre posthume paru en 1992, neuf ans après la disparition de Khraief en 1983. A la recherche d'une esthétique Cette oeuvre, ses contours et son legs seront au centre d'une rencontre-débat organisée par la Foire internationale du livre de Tunis dimanche 26 mars à 16h (salle Mnaouar Smadah). Modérée par Adel Khedhr, cette rencontre saluera l'oeuvre exceptionnelle qui a marqué par sa singularité le genre romanesque tunisien. Les participants à ce débat tenteront de répondre à plusieurs questions. Par quoi se distingue l'écriture de Béchir Khraief, Quels sont les traits qui ont fait de lui l'un des chefs de file du roman tunisien? Destinée à commémorer les cent ans de Béchir Khraief, cette rencontre permettra aussi d'aborder son esthétique et ses inspirations liées au topos des villes tunisiennes de son époque. Plusieurs intervenants prendront la parole à l'instar de Faouzi Zmerli, Mustapha Kilani, Khlifa Chater, Hassen Ben Othman, Khémais Khayati et Samia Kassab Charfi. En outre, cette rencontre permettra de retrouver l'écho de Béchir Khraief dans le cinéma tunisien à travers deux de ses oeuvres qui ont été adaptées, en l'occurrence "Barg Ellil" de Aly Labidi et "Khlifa Lagraa" de Hamouda Ben Halima qui sera projeté ce dimanche 26 mars à 16h.