Les intellectuels arabes et la Révolution russe, cent ans après Une rencontre-débat intitulée " Les intellectuels arabes et la Révolution russe après cent ans " s'est tenue, lundi au palais des foires du Kram, dans le cadre du programme culturel de la 33ème édition de la Foire Internationale du Livre de Tunis. Cette activité, modérée par l'universitaire Habib Kazdaghli, a connu la participation de l'homme politique tunisien Mohamed Kilani, (secrétaire général du Parti Socialiste), de l'écrivain et journaliste syrien Sobhi Hadidi et du philosophe et critique littéraire palestinien Fayçal Darraj. L'absence de dernière minute de l'économiste franco-égyptien Samir Amin a été expliquée par des raisons de santé. Le Syrien Sobhi Hadidi a ouvert les discussions en affirmant que les différents courants de la pensée arabe ne peuvent être abordés ou étudiés en dehors du contexte géopolitique qui a grandement influé sur les différents pays du monde arabe, avant d'ajouter " Les prémices de l'expérience russe a commencé en prêchant les points positifs de la révolution soviétique ". Cette tendance s'est déclenchée surtout avec le critique et penseur libanais, Omar Fakhoury, l'un des porte-drapeaux de la renaissance littéraire moderne au Liban, grâce à des titres comme " Les idées d'Anatole France " et " L'Union soviétique, la pierre angulaire " et d'autres. Sobhi Hadidi a affirmé que l'influence de l'expérience soviétique est apparue également à travers les écrits du critique et romancier libanais, Raif Khoury, qui a publié en 1948 un ouvrage intitulé " La Révolution russe : Histoire de la naissance d'une nouvelle civilisation " avant de souligner que l'impact de la pensée marxiste dans la conscience de nombreux intellectuels arabes a beaucoup influé sur leur façon d'analyser les choses ce qui a davantage enraciné l'expérience soviétique sur les sociétés arabes, à des degrés divers. Pour sa part, le penseur palestinien, Fayçal Darraj a assuré que les intellectuels socialistes arabes étaient les premiers à avoir milité pour l'écriture, la lecture et la défense des femmes étant donné qu'ils étaient convaincus que la culture constituait une force libératrice et un puissant levier de changement. Il a ajouté que l'influence du marxisme ou de l'Union soviétique sur les intellectuels arabes s'est traduite essentiellement dans leur prise de conscience du concept de la fondation. Ils se sont ainsi intéressés au lancement de magazines, à l'image de " L'avant-garde " (Attaliaa) qui a influencé plus d'une génération d'Egyptiens et d'intellectuels arabes dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier ce qui a pu créer un subtil mélange politique et culturel alliant progressisme et respect du patrimoine. Par ailleurs Il a estimé que la pensée socialiste, a joué un rôle important dans le développement du roman arabe à travers les écrits d'un certain nombre de romanciers arabes comme Hanna Mina considéré comme l'un des romanciers arabes les plus en vue. Le philosophe palestinien a, quant à lui, considéré que le courant socialiste a laissé une marque indélébile dans tous les genres artistiques et surtout dans le théâtre et le cinéma, "En dépit du fait que la pensée marxiste souffre dans le monde arabe d'un lourd handicap de naissance dans une société agraire arriérée où prédomine un environnement religieux qui combat toute volonté de rénovation " avant de conclure " Les intellectuels communistes ont formé un maillon indispensable dans la lutte pour une pensée avancée grâce à leur conviction que la culture est une propriété collective qui milite en faveur d'une renaissance sociale et intellectuelle, ce qui ne convenait point aux régimes totalitaire en place ". L'homme politique tunisien, Mohamed Kilani a déclaré: " Pendant des décennies, nous n'avons pas contribué au développement de la pensée socialiste, comme tous les mouvements politiques de gauche dans le monde arabe ", ajoutant que les écrits du philosophe et activiste marxiste italien, Antonio Gramsci lui faisait fait découvrir la pensée révolutionnaire de l'intellectuel qui n'accepte pas l'encadrement théorique classique de Lénine et Staline. Kilani a estimé que la pensée socialiste, a donné une nouvelle dimension aux sociétés souhaitant l'émancipation et la libération et voulant se développer sur des modèles autres que ceux basés sur l'oppression de classe. Il est nécessaire aujourd'hui de rénover cette pensée dans le but de l'adapter à l'époque où nous vivons, a-t-il noté. Il est à signaler que cette rencontre-débat a été organisée à l'occasion du centenaire de la révolution russe de 1917, qui fut l'équivalent d'un choc sismique qui a radicalement ébranlé le cours de l'Histoire et ce dans le but d'évaluer l'impact de l'idéologie qu'elle prône sur la culture arabe.CBH L'édition dans le monde arabe Le Liban et l'Egypte ne sont plus les leaders sur le marché de l'édition du livre dans le monde arabe dans un secteur qui a connu beaucoup d'évolution en matière de publication d'ouvrages de valeur. Dans son intervention lors d'une rencontre sur l'édition dans le monde arabe, lundi soir dans le pavillon du Liban à la Foire internationale du livre du Tunis, Nasser Al-Assi, directeur des foires au sein du syndicat de l'Union des éditeurs Libanais parle d'une profession où l'éditeur est devenu présent dans tous les salons et foires à l'échelle régionale et internationale du livre notamment à Francfort, Paris, Genève... Le but étant de promouvoir son livre mais aussi d'être à la page avec toutes les nouveautés du secteur de l'édition. Toutefois, il a évoqué des difficultés en relation avec le lecteur en général et qui ont déjà fait l'objet d'ateliers et réunions arabes communes, sauf que les décisions et recommandations issues de ces rencontres demeurent une lettre morte. La solution serait selon lui, de définir les conditions et critères d'adhésion des éditeurs à l'Union arabe des éditeurs. Pour l'éditeur tunisien, Nouri Abid, il serait judicieux d'impliquer des structures étatiques afin d'appuyer les efforts de l'éditeur. Il s'est interrogé aussi sur les efforts de l'éditeur arabe dans la traduction du livre arabe en plus de l'aide accordée aux jeunes écrivains. Même en l'absence de statistiques claires, Abid estime que la plupart des publications dans le monde arabe sont orientées vers les ouvrages sur le patrimoine et les brochures (guides, manuels....). L'égyptien Mohamed Rashed, président de l'Union des éditeurs arabes, a quant à lui indiqué que "l'éditeur tout comme le lecteur arabe est opprimé" surtout à la lumière du coût élevé du livre et du manque de statistiques sur les besoins du lecteur. Le manque de soutien suffisant par l'Etat aux trois maillons de la chaine du livre (écriture, édition et distribution), font que l'éditeur se trouve obligé de tout faire à la fois, selon le président de l'Union. Ainsi, il a indiqué que les tous les problèmes de l'industrie du livre sont liés aux mauvaises politiques de gouvernements qui doivent, selon ses dires, mettre en place des stratégies claires pour soutenir le livre car "le livre est une question de société" et ne concerne pas uniquement les auteurs et éditeurs. Pour encourager la lecture, l'hôte égyptien parle encore une fois d'une mission qui incombe à l'Etat -et non à l'éditeur-, appelé à offrir des facilités avantageuses pour l'acquisition du livre et à élargir le réseau des bibliothèques publiques. En soutenant les éditeurs, les gouvernements doivent prendre conscience que "l'éditeur est le rempart dans la lutte contre le terrorisme, la marginalisation et la délinquance dans toutes ses formes et d'autres catastrophes dont souffrent les sociétés arabes". Il a, dans ce sens, soulevé l'importance du projet "Défi de la lecture dans le monde arabe" lancé en 2015 pour toucher des milliers de lecteurs dans les différents pays arabes.