Une exposition de photographies de Jellel Gastelli s'inspire de carnets inédits de Abdelwahab Meddeb et propose d'aller à la découverte de deux villes sur les pas de ce dernier. Vernissage jeudi 25 mai à la galerie du Petit Carnot... L'Institut français de Tunisie organise une exposition de Jellel Gastelli à la galerie du Petit Carnot à partir du 25 mai à 18h. En hommage à Abdelwahab Meddeb, cette exposition est intitulée "Les carnets de Marrakech et Tanger", en référence à des carnets inédits de cet écrivain et penseur tunisien, récemment décédé. Ces textes de Meddeb font parie d'une série inédite ayant trait aux villes traversées par cet écrivain. Ils comprennent des textes manuscrits sur plusieurs villes dont Le Caire et Jérusalem. Ces textes ont été retrouvés par le photographe Jellel Gasteli qui s'en est inspiré pour créer des oeuvres en grand format. A l'origine du retour de ces textes à la lumière, il faut souligner l'effort de Amina Meddeb qui les a donnés à lire à Gastelli. Ils décident alors ensemble de leur donner un écho photographique. Ces carnets dont la "précision des descriptions ciselées en quelques phrases notées à la volée, sans ponctuation, les portraits rapides, la fulgurance des émotions, l'urgence de l'écriture sur le vif et précision du trait, constituaient les notes à partir desquelles Abdelwahab Meddeb développait plus tard ses textes définitifs". "Médiner" dans les cités... En quinze photographies, Gasteli suit les pérégrinations de Meddeb et prolonge le regard et les paroles de ce dernier dans les ruelles de Marrakech et Tanger. Cette exposition présente également une partie des carnets manuscrits de Meddeb, ainsi que deux ouvrages sur lesquels les deux auteurs - ils sont aussi des amis - ont travaillé ensemble. La démarche de Gasteli est ainsi une manière de mettre ses pas dans ceux de Meddeb et permettre de voir ce que celui-ci écrivait. Ce double regard sur une même réalité est au coeur de cette exposition qui est un hommage à Meddeb et son oeuvre polyphonique et aussi une introduction à ces carnets inédits sur les villes. Dans ces carnets, Meddeb accompagne ses pérégrinations de réflexions, s'amuse en quelque sorte à "médiner" dans les cités, selon le néologisme qu'il avait forgé. Il écrit ainsi: "Le temps passe et m'emporte sans que je vive la conscience de son cours. C'est dans cette éternité de l'instant que je séjourne". Et il est vrai que dans ce livre des passages qu'est son carnet de Marrakech d'où provient cette citation, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, fut-il urbain. C'est fort de cette conscience soufie - épicurienne? - que Meddeb induit dans ces parcours que nous sommes tous des morts en sursis qui n'ont nulle prise sur l'écoulement subreptice mais implacable du temps. Dès lors, cette "éternité de l'instant" n'est-elle pas l'absence même du temps? Les résonances entre deux œuvres Cette dialectique des oeuvres, entre les photos de Gastelli et les textes de Meddeb, est hautement motivante dans la mesure où ces deux artistes du verbe ou de la lumière, se sont déjà prêtés à un jeu similaire. C'était lors de la parution en 1996 d'un ouvrage intitulé "Blanches traverses du passé", pour lequel Jellel Gastelli avait réalisé une "série blanche", extrêmement dépouillée. Meddeb avait alors salué cette oeuvre photographique qui accompagnait et amplifiait son texte, en évoquant la "conception soufie" de la démarche de Gastelli. Toutefois, pour cette nouvelle collection inspirée des carnets retrouvés, le photographe s'approprie pleinement la couleur tout en demeurant dans ses ancrages antérieurs, c'est à dire que "ni la spiritualité, ni la rigueur des choix, ni le refus du compromis ne sont différents" de ce qui fondait la série blanche et les résonances profondes avec le travail de Meddeb. Au public désormais de découvrir ces oeuvres nées de carnets de voyage retrouvés au fond d'un carton, dans un appartement de Marrakech en novembre 2015. Au public de poser son regard sur des photographies nées de déambulations dans les ruelles de Marrakech, comme accompagné par la voix et la diction de Meddeb qui ponctue nos pas de son verbe haut et ses illuminations, sublimées par l'objectif de Gastelli.