La soirée du 5 juin des « Tarnimet », manifestation annuelle organisée durant le mois de Ramadan par l'Institut de la Rachidia depuis 2014, a été consacrée aux femmes, voire aux chanteuses de la Rachidia. Dans son fief, cette institution ouvrait quelques pages de son histoire et de sa petite histoire en compagnie de l'historien-narrateur Abdessattar Amamou et d'un public peu nombreux, mais intéressé par le sujet. Ce dernier était accompagné par la jeune chanteuse Souad Rebïi et de trois musiciens au violon, à la cithare et aux percussions. Ainsi et en alternance, la musique et la parole meublaient la soirée. Le narrateur a fait rappeler qu'à la première réunion de création de la Rachidia, en 1934, une seule femme était présente : il s'agissait de Chafia Rochdi qui allait devenir la première chanteuse de la troupe. Elle a d'ailleurs chanté bien avant Saliha : « Oum El hassan ghannet » et « Freg Ghzeli » qui font partie du répertoire de la Rachidia. La seconde femme qui allait atterrir à la RACHIDIA, en 1942, n'était autre que la célébrissime à la belle voix : Fethia Khairi. Cette dernière n'y resta que neuf mois à cause d'un détail artistique qui l'avait poussée à démissionner. Puis ce fut Saliha qui portait en arrivant à la Rachidia en 1944 le pseudonyme de Ratiba Hanem et qui avait enregistré des disques dès 1937. Elle a été vite rebaptisée Saliha, à partir de son vrai prénom Sallouha, car son premier nom artistique ne correspondait pas à l'esprit de la Rachidia qui défend la chanson tunisienne de haut niveau. D'autres chanteuses avaient été à la Rachidia comme choristes avant d'y chanter en solo et de faire carrière par la suite. Il s'agit d'Oulaya et de Nâama. A ce propos, Abdessattar Amamou a fait rappeler que la concurrence artistique existait entre ces chanteuses, comme d'autres, mais en dehors de la Rachidia, étant donné la présence du très respectueux Khémais Tarnène. Cela s'est prolongé durant les années soixante et soixante dix du siècle dernier avec la chanson « Mala la » d'Oulaya, à laquelle Nâama a répliqué par : « Jad alik. » Il y avait également d'autres chanteuses moins célèbres qui avaient intégré la Rachidia, comme Bchira Ettounsia, Zohra Faïza, que tout le monde avait connue comme actrice de théâtre, de radio, de télévision et de cinéma. La voix de demain ? Souad Rebïi a chanté tant bien que mal durant cette causerie. Assise et portant une robe-soirée, elle a interprété des standards de la Rachidia. Sa voix était quelque peu inégale, avec parfois un rythme qui flanchait. Le répertoire de la Rachidia est du type qui nécessite une voix forte et une aisance dans le chant, ajoutés à une entente parfaite avec les musiciens. Mais cela avait manqué ce soir-là. La fausse note ? Cette jeune chanteuse a déclaré au « Temps » à l'issue du spectacle qu'elle était souffrante et qu'elle suivait un traitement. Elle aurait dû s'excuser au préalable auprès du public pour qu'il en soit informé d'avance. Nonobstant ce détail, cette voix a chanté parfaitement et à la fin de sa prestation sa propre chanson intitulée : « Hiz iddinya hiz el alim », écrite par Jelidi Laouini et composée par Hédi Ben Hassen. Une chanson concoctée dans le pur style des chansons d'antan où les paroles sont bien choisies avec une musique adéquate. Nous aurions préféré que des voix féminines de l'actuelle Rachidia participent à cette soirée où les femmes du prestigieux institut de musique tunisienne étaient honorées.