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Les pionniers du mouvement musical tunisien
Publié dans Le Temps le 10 - 06 - 2017

Toute l'histoire des premiers pas de la Rachidia est enfin compilée dans un livre qui dresse un tableau complet d'une époque, ses acteurs et ses ambitions. A lire pour se plonger dans les secrets de la Vieille Dame de la musique tunisienne...
La bibliothèque musicale tunisienne vient de s'enrichir d'un ouvrage de référence consacré aux premières années de la Rachidia, l'institut de musique tunisienne fondé en 1934. Oeuvre de Mokhtar Mostaycer, ce livre de 420 pages vient de paraître en langue arabe avec pour sous-titre "Le dit et le non-dit". L'ouvrage est abondamment illustré et préfacé par l'historien Mohamed Lotfi Chaibi.
Une démarche analytique et exhaustive
"La jeunesse de la Rachidia" est structuré en deux grandes sections respectivement consacrées aux secrets de la fondation de la Rachidia puis aux fondateurs et aux pionniers de cette institution musicale. Procédant avec méthode, l'auteur étudie d'abord l'art du malouf et ses évolutions puis se penche sur la pratique musicale en Tunisie avant le Protectorat français. De la sorte, il peut poser le tableau général d'une époque et évoquer les premiers ferments d'un réformisme musical en Tunisie. De fait, Mokhtar Mostaycer démontre que la fondation de la Rachidia intervient dans le sillage de la quête de repères musicaux par une génération de jeunes nationalistes.
L'auteur s'intéresse ensuite à l'étincelle qui allait déclencher le processus de fondation en 1934 et dérouler tout le processus avec ses difficultés, ses débats et ses espoirs parfois démesurés. Pas à pas, avec méthode, pédagogie et documents à l'appui, Mostaycer en arrive aux premiers pas artistiques de cette institution. Richement illustré, le livre propose aussi de découvrir des documents rares, surtout des photographies d'époque qui renseignent sur le Tunis des années trente et les acteurs de la vie culturelle.
La seconde grande partie de l'ouvrage se penche ensuite sur les fondateurs et les pionniers de la Rachidia, ainsi nommée en hommage à Rachid Bey, un bey musicophile. très exhaustive, cette section distingue entre les fondateurs ayant assumé la présidence de l'association (Mustapha Sfar, Mustapha Kaak, Mohamed Badra) et les autres acteurs du mouvement qui sont marqués par une grande diversité. Ainsi, établissant une typologie des fondateurs, Mostaycer permet de voir que l'ensemble du mouvement culturel de l'époque s'était engagé en faveur de la Rachidia. Il existe ainsi parmi les fondateurs des militants comme Jameledinne Bousnina, Hassouna Ben Ammar, Abderrahman Kaak ou Ahmed Ben Mami. De même, les musiciens, les hommes de lettres et les poètes sont aussi présents en nombre et en qualité. Complétant cette revue des fondateurs, l'auteur présente quelques profils divers allant d'hommes politiques comme Bahi Ladgham à des sommités comme Mohamed Ali Annabi.
Les mouvances culturelles d'une époque
Enfin, le travail est complété par un gros plan sur les plus grands musiciens tunisiens de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. A elle seule, cette partie de l'ouvrage vaut amplement le détour et permet de mieux se situer dans un univers musical qui reste peu connu, en dehors de la figure de Ahmed El Ouafi, communément considéré comme l'un des pionniers de la musique tunisienne.
Articulé sur la jeunesse de la Rachidia, le livre de Mokhtar Mostaycer permet de suivre les premiers pas de cette institution qui allait connaître un futur radieux. L'auteur travaille actuellement sur un second tome qui devrait relater l'essor et les combats de cette institution de défense de la musique tunisienne. En établissant ce tableau précis et analytique des ressorts de la fondation, Mostaycer fait oeuvre utile et approfondit de manière décisive les travaux antérieurs sur la Rachidia. De plus, en établissant les biographies d'une quarantaine de fondateurs, il permet de mieux les situer et, par ricochet, mieux comprendre les mouvances d'une époque et les interactions au sein du mouvement national et ses diverses ramifications.
Un ouvrage de qualité qui a le mérite de partager le dit et le non-dit tout en restituant le tableau d'une époque et ses ambitions artistiques.


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