L'année 2015 sera celle de la Rachidia! En effet, la vieille dame de la musique tunisienne vient de célébrer ses 80 ans et s'apprête à renouveler en profondeur aussi bien ses structures que sa stratégie de développement. Un nouveau comité directeur, une approche décentralisatrice et une réforme du système d'enseignement musical sont à l'ordre du jour... La vénérable Rachidia vient de tenir son assemblée générale et élire un nouveau comité directeur. Les adhérents de cette institution musicale fondée en 1934 ont renouvelé leur confiance en Hedi Mouhli, reconduit à la présidence pour un nouveau mandat. Ce qui est par ailleurs remarquable, c'est que le nouveau comité directeur de la Rachidia se compose de onze membres dont cinq femmes, ce qui souligne bien la féminisation des instances de cette institution qui, désormais, recrute beaucoup d'éléments féminins dans ses instances dirigeantes. Parmi les membres de ce nouveau bureau, citons Saloua Hfaiedh, une musicienne talentueuse qui sera chargée du suivi de l'enseignement musical. Citons aussi Meriem Lakhoua qui est chargée de la même mission. Les autres femmes de la Rachidia sont Kaouther Bourissa Mahfoudh ( relations extérieures) et Sihem Hager Gharbi ( information). Les autres membres du comité directeur sont Mohieddine Boularès (vice-président), Fethi Bouhouch (secrétaire général), Ali Amire (secrétaire adjoint), Mohamed Hechmi Blouza (trésorier) et Mohamed Essoussi (trésorier adjoint). Enfin, une mission relative aux archives et à la numérisation a été confiée à Ali Sayari qui complète l'effectif de l'instance dirigeante de la plus ancienne association musicale tunisienne. Entre bilans et projets Le premier objectif de ce nouveau comité est de créer l'événement en faisant de l'année 2015 celle de la Rachidia. Nous savons que 2014 fut l'année du 80ème anniversaire dont les festivités se poursuivront tout au long de cette année également. Le mandat confié au nouveau comité concerne également le rayonnement de l'association qui dispose d'annexes dans plusieurs régions et prévoit de consolider son réseau en couvrant la totalité des gouvernorats du pays. D'autre part, la Rachidia va persévérer dans l'organisation de récitals mensuels qui se sont avérés fort utiles pour la trésorerie. En ce sens, l'expérience "Tarnimet" est en voie d'être renouvelée. Il s'agit en l'occurrence d'un festival du Ramadan qui lors de sa création avait drainé un public important et accru la visibilité de la Rachidia, ce conservatoire du malouf que les Tunisiens apprécient par-dessus tout. Les nouvelles générations ont oublié les conditions héroiques de la fondation de la Rachidia, dont le nom fait référence à Rachid Bey, un Husseinite qu'on disait musicophile. Créée en 1934 autour de Khemais Tarnane et Mohamed Triki, cette association musicale a été fondée par Mustapha Sfar avec pour objectif de sauver, en le réunissant, le patrimoine du malouf andalou. Outre cette mission, la Rachidia a très tôt entrepris de restituer par des concerts ce patrimoine menacé. Elle a dès ses débuts fait appel à Chafia Rochdi ou Saliha pour prêter leurs voix sublimes à cette tradition alors menacée par les chansons grivoises ou l'essor des modes orientales. Depuis, la Rachidia a fait bien du chemin! La vieille dame de la musique tunisienne a contribué à la formation de nombreux musiciens tout en étant le socle à partir duquel plusieurs formations de chant classique ont vu le jour. La Rachidia a aussi été un acteur central du renouveau musical en Tunisie et les nouveaux responsables de l'association escomptent bien lui rendre sa position privilégiée. Pour ce faire, c'est la refonte de l'enseignement musical qui constitue le grand chantier de ces prochaines années. Lieu de transmission du malouf, la Rachidia est en effet aussi un espace d'apprentissage et cette vocation devrait être confirmée et approfondie avec l'apport d'une nouvelle génération d'enseignants comme Abdelkarim Shabou, Zouhair Belhani ou Habib Erraiess qui ont relevé les maîtres de l'ancienne école dont l'écho persiste à travers l'exposition permanente des formations successives de la Rachidia qui se trouve au siège de la rue de la Driba, dans la médina de Tunis. Notons en passant que le siège historique de la Rachidia se trouve toujours rue du Dey alors que l'association vient d'enrichir ses locaux avec la création d'un nouvel espace dans les environs de la rue du Pacha. Une institution cardinale dans l'espace musical tunisien C'est dans ce contexte dynamique que la Rachidia vient donc de tenir son assemblée générale qui a aussi permis de mesurer le travail accompli au cours du mandat 2012-2014. Le fait le plus marquant du rapport moral est sans doute constitué par la décentralisation de l'institution qui est aujourd'hui parvenue à établir et consolider sept annexes à l'intérieur du pays. En effet, la Rachidia compte maintenant des antennes actives à Sousse, Sfax, Monastir et Bizerte. Cette tendance comprend également la création d'annexes à Kairouan, le Kef et Kélibia en attendant de constituer d'autres pôles ailleurs en Tunisie. Notons en ce sens que des annexes sont en cours de création à Testour, Tozeur ou Nabeul. Les animateurs de la Rachidia ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin et prévoient, si leurs soutiens sont suffisants, de constituer de nouvelles succursales en Tunisie et aussi en France car la demande dans l'Hexagone existe bel et bien pour un conservatoire du malouf qui s'adresserait aussi aux tenants maghrébins (Maroc, Algérie) et européens de cette tradition musicale (Espagne, Portugal). Sur un autre plan, la Rachidia compte bien poursuivre son action de diffusion musicale en consolidant le festival ramadanesque "Tarnimet" et en maintenant la tradition des concerts mensuels au Théâtre municipal. De plus, la Troupe de la Jeunesse de la Rachidia devrait connaitre un nouvel essor et contribuer à la mobilisation de ressources au profit de l'association dont les seules dotations proviennent du ministère de la Culture et des instances de la ville de Tunis. Enfin, la Rachidia devrait continuer à organiser des cycles de conférences et de rencontres mensuelles destinées à promouvoir la culture musicale et faire connaitre les grandes figures de la musique tunisienne. Alors que les journées musicales de Carthage viennent de démarrer, un regard vers le patrimoine de la Rachidia s'impose pour retrouver les racines de la tradition musicale tunisienne et saluer le travail des pionniers qui ont fondé ce joyau et légué aux générations futures la mission de le préserver intact tout en augmentant son rayonnement. Véritable socle de la musique tunisienne dans toutes ses composantes, la Rachidia entame de belle manière sa 81ème année. En effet, cette institution renoue avec l'originalité de son projet tout en renouvelant ses instances et confirmant sa dimension d'espace cardinal de la tradition musicale en Tunisie.