L'Assemblée générale ordinaire de l'Ordre national des avocats tunisiens, tenue samedi 1er juillet 2017 au siège de la Caisse de retraite et de la prévoyance des avocats, s'est déroulée dans une atmosphère pour le moins électrique. De nombreux intervenants lors du débat général ont accusé le mouvement islamiste Ennahdha d'avoir «instrumentalisé la profession à des fins politiques depuis le début du mandat de l'actuel conseil de l'ordre». Ces intervenants ont notamment estimé que Me Saïda Akremi, secrétaire générale de l'Ordre, membre du mouvement Ennahdha et épouse de l'ancien ministre de la Justice et actuel président du bloc d'Ennahdha à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Noureddine B'hiri, n'a fait qu'imposer les agendas de son parti au sein de ce corps de métier. «Le vrai Bâtonnier n'est pas Me Ameur Mehrezi, mais Me Saïda Akremi. Les décisions du conseil de l'ordre nécessitent d'ailleurs le feu vert de Monplaisir (quartier où se trouve le siège du mouvement Ennahdha, Ndlr) avant d'être adoptées », a martelé Me Abdennaceur Laâouini. «La profession est actuellement prise en otage par certains partis politiques sans que l'actuel bâtonnier ne daigne bouger le petit doigt », a lancé de son côté Me Béchir Essid, ancien bâtonnier. Me Boubaker Bethabet, ancien secrétaire général de l'Ordre, et Me Essia Haj Salem ont aussi pointé un doigt accusateur envers le mouvement Ennahdha, tout en soulignant l'impératif de rompre avec cette «logique de loyauté aux partis» et de «consolider l'indépendance du barreau ». Suite à ces interventions des slogans, dont «Le barreau est libre, les Frères (musulmans) dehors » ont retenti dans la salle. D'autres intervenants ont vertement critiqué le rendement du conseil de l'Ordre estimant que les «vraies préoccupations professionnelles des avocats ont été reléguées aux oubliettes». Selon Me Chawki Halfaoui, la grogne des intervenants trouve son origine dans la non-soumission des rapports moral et financier au vote, ce qui a entraîné la suspension des travaux de l'Assemblée générale ordinaire et contraint le bâtonnier et la secrétaire générale de l'Ordre à quitter la salle. Les avocats protestataires ont affirmé un recours auprès des tribunaux pour contester le refus de la secrétaire générale de l'Ordre et du bâtonnier de soumettre les rapports moral et financier au vote, ce qui constitue selon eux, « un précédent dans les annales du barreau ». Le bâtonnier a cependant déclaré à Nessma TV que «contrairement aux allégations de certains avocats les rapports en question ont été discutés et adoptés à l'unanimité lors de l'Assemblée générale ordinaire ». «Dans l'histoire du barreau tunisien, soit 120 ans, les avocats n'ont jamais voté contre les rapports moral et financier », a-t-il dit. Dans un communiqué publié hier, l'Ordre national des avocats a cependant dénoncé des «incidents déplorables » qui ont émaillé l'Assemblée générale «Suite aux agressions verbales et aux provocations ayant ciblé le bâtonnier et les membres du conseil de l'Ordre, nous considérons ces agissements comme étant une offense sans précédent et un dérapage sans précédent », a précisé l'Ordre dans son communiqué, tout en assurant que les agresseurs seront poursuivis conformément aux dispositions légales en vigueur. L'Ordre a également précisé qu'il allait poursuivre les réformes profondes qu'il a engagées quelque soit le prix à payer et appelé les avocats à se rassembler autour des structures professionnelles qui les représentent et à défendre la profession contre toutes les formes de dérapage.