Sauf tractations de dernière minute, le premier scrutin local de l'après-révolution se tiendra le 17 décembre pour mettre fin à la gestion des municipalités par de simples délégations spéciales en charge d'expédier les affaires courantes, même si l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) demeure sans président et manque encore deux membres. Le dépôt des candidatures se déroulera entre le 19 et le 26 septembre prochain le projet de loi relatif au Code des collectivités locales devrait être adopté dès la rentrée parlementaire. Partis, coalitions et initiatives citoyennes se sont d'ores et déjà retroussé les manches pour tenter de décrocher la timbale. Les observateurs estiment cependant que les chances des indépendants paraissent minces, tant les règles du jeu sont biaisées. L'argent étant le nerf de la guerre, les listes indépendantes risquent en premier lieu de pâtir du manque de moyens financiers pour faire campagne. L'Etat financera en effet la campagne électorale pour les municipales a postériori. Seules les listes ayant obtenu au moins 3% des exprimés suffrages dans une circonscription bien déterminée se verront en effet rembourser les frais de campagne. Or, certains partis disposent de moyens financiers considérables pour mener campagne et se faire connaître à l'échelle locale. D'autre part, le mode de scrutin retenu dans la loi électoral, à savoir le scrutin de liste au plus fort reste, favorise les partis et pénalise les indépendants. Dans le cadre de ce mode de scrutin, il s'agit moins de voter pour un homme que pour un parti ou un programme. La répartition des sièges basant sur le quotient électoral (nombre de voix à obtenir pour avoir un siège) favorise aussi les partis. Le nombre de sièges attribués à chaque liste est défini en divisant le total des voix obtenu par chaque liste par le quotient électoral. La première répartition effectuée, les restes sont répartis selon la méthode du plus fort reste qui est censée favoriser les petits partis. Dans les scrutins proportionnels, le seuil fixé pour obtenir le droit à la répartition des sièges et la taille de la circonscription constituent des variables déterminantes. Plus le seuil est élevé et plus le nombre de circonscriptions important, plus l'accès des petits partis et des indépendants aux sièges est difficile. «Le mode de scrutin choisi pour les prochaines élections municipales, qui a été déjà expérimenté à l'échelle nationale lors des législatives et des présidentielle, et dans le cadre duquel il s'agit moins de voter pour un homme que pour un parti, est loin d'être recommandé pour des élections à l'échelle locale dans la mesure où il ne bénéficie qu'aux partis et exclut pratiquement les indépendants », déplore la présidente de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), Leila Chraïbi. «Les élections municipales qui représentent uns scrutin dit de proximité auraient pu constituer une chance inouïe pour les listes indépendantes. Un mode de scrutin uninominal aurait en effet permis à des personnes compétentes, très respectées et connues pour leur intégrité à l'échelle locale d'accéder au poste de maire sans forcément être encartées », a-t-elle ajouté. C'est dire que les partis, dont les représentants à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont voté la loi électorale, semblent avoir verrouillé le jeu. On ne peut être mieux servis que par soi-même dira-t-on. D'autres observateurs estiment cependant que les surprises sont possibles surtout que plusieurs partis, dont le mouvement Ennahdha, Afek Tounes et Machrou Tounes, ont ouvert leurs listes aux indépendants bénéficiant d'un certain rayonnement dans leurs régions. La tenue des municipales, qui a été repoussée à maintes reprises, représente une étape importante pour concrétiser la décentralisation et la gouvernance participative des collectivités locales inscrites dans la Constitution adoptée en 2014. En attendant, la qualité de la vie dans nos communes reste négativement impactée par l'absence de conseils municipaux légitimes comme en attestent les ordures qui jonchent les rues et l'état de délabrement avancé des infrastructures.