Avec « Blue Maqams », son dixième album enregistré en mai dernier à New York et qui sortira l'automne prochain, le luthiste, compositeur et improvisateur tunisien Anouar Brahem revenait en Tunisie pour clôturer la 53è édition du festival international de Hammamet. Un nouveau concert en exclusivité et en première mondiale après « Souvenances », en 2014, qui avait ouvert la 50è édition du festival international de Carthage. Des retrouvailles avec le public tunisien et « rien que pour le public du festival de Hammamet » et il était très nombreux ce soir-là, comme l'a signalé et insisté à le dire l'animatrice à la radio nationale Karima Oueslati, dont on a reconnu la voix, dans son introduction audio. Mais Anouar Brahem, accompagné de son inséparable « Oûd », tout aussi discret que sobre et réservé comme à son accoutumée et laissant aux spectateurs, avertis ou non, le soin, non seulement de découvrir ce nouveau travail, mais aussi de l'interpréter à leur manière. Certes, c'était-là une exclusivité, mais l'énigme de la couleur bleue que prenaient les « Maqams » (modes de la musique arabe, tunisienne et occidentale par extrapolation), était non élucidée. Cela permettrait, peut-être, de mieux titiller les méninges et de chercher à coller tel son, telle phrase musicale, telle improvisation, à un solo, ou à une pièce musicale de Jazz ou de musique arabe ou tunisienne, qui lui soit tout à fait différente. Un voisin spectateur et chevalier de la plume ne s'empêchait pas de comparer « Blue Maqams » et bien avant le spectacle, avec celui de la couleur bleu de la mer Méditerranée. Mais à notre sens et comme il est établi, le bleu est le signe de la couleur du ciel et de la mer, certes, qui donnerait des idées de voyage, de découvertes et d'horizons lointains vers la profondeur des choses. Homogénéité et improvisations Cette couleur suggérerait la fraîcheur, le calme intérieur et le rêve. Et c'est là toute la logique musicale que propose et défend Anouar Brahem. Celle-là même qui repose sur le Jazz moderne, l'improvisation et les variations sur un thème. Entouré pour ce concert par : l'anglais Dave Holland, à la contrebasse, avec qui il a déjà enregistré et joué auparavant, le pianiste anglais Django Bates et le batteur américain Nasheet Waits, Anouar Brahem s'est donné entièrement à sa musique, applaudi fortement après chaque morceau. L'atmosphère était calme et sereine même les clameurs de la mer se faisaient en sourdine. Les morceaux se succédaient, entassés qu'ils étaient d'improvisations sur chacun des instruments. Un signe d'homogénéité dans le jeu avec parfois de la polyphonie. Le luth était en quelque sorte l'instrument majeur du spectacle. Anouar Brahem était égal à lui-même et sacrifiait au désir de jouer. Il accompagnait parfois son jeu par de petits gémissements. Voulait-il chanter ? Ou était-il emporté par une improvisation-composition ? Il était certainement sur un nuage...de Maqams ! Un art qu'il a si bien appris auprès du maître du « Oûd », feu Ali Sriti. Le contact musical avec la Tunisie A la fin du concert, le rappel était inévitable et Anouar Brahem venait offrir à son public la version orchestrale et jazzy de la chanson : « Ritek ma nâaref win ? » Comme pour évoquer des souvenirs de ses débuts dans la composition en Tunisie pour entre autres : Lotfi Bouchnak et Nabiha Karaouli. Anouar Brahem aurait pu rester en contact avec la Tunisie, non seulement au niveau des concerts où il est invité à les donner, mais au niveau de la composition pour la chanson tunisienne. Les œuvres qu'il a composées auparavant annonçaient pourtant une renaissance de l'âge d'or de notre chanson et un nouveau style dans la composition. Notre grand artiste a choisi de faire une carrière internationale après le succès qu'il a remporté au cours de ses concerts à l'étranger, encouragé par les grands musiciens de Jazz et de musique moderne. Reviendra-t-il une prochaine fois avec un spectacle musical et vocal avec la participation d'artistes tunisiens ? Etant donné que la scène musicale tunisienne a tant besoin actuellement d'un éveil musical au niveau de la composition et des nouvelles expériences.