Demain, lundi, sera sans taxis. C'est ce qu'a décidé, hier, le secrétaire général de l'Union tunisienne des taxis individuels, affirmant qu'une grève ouverte a été décrétée suite à l'assassinat d'un de leurs collègues jeudi dernier, à la rue Jean Jaurès à Tunis. Il a ajouté que les chauffeurs de taxi ne reprendront le volant qu'en cas de satisfaction de toutes leurs demandes. Parmi ces revendications, le droit de refuser de transporter un client à bord de leur véhicule. Mais est-ce bien raisonnable ? L'assassinat du conducteur de taxi Kamel Boughanmi s'est produit tôt le matin à Tunis, suite à une tentative de braquage qui a mal tourné. Les meurtriers sont deux jeunes hommes qui ont été arrêtés depuis et qui seront bientôt jugés. Il est indéniable qu'être chauffeur de taxi la nuit n'est pas une partie de plaisir tant les risques et les dangers sont décuplés. Mais de là à demander l'abrogation de la loi qui interdit aux chauffeurs de taxi de refuser de transporter un client, c'est un peu exagéré. Surtout que cette pratique est déjà largement répandue comme en témoignent les utilisateurs de taxis. Durant les heures de pointe en effet, attraper un taxi est une mission quasi-impossible. « Tu n'es pas sur mon chemin » ou bien « il y a trop de circulation » sont les deux arguments les plus utilisés par les chauffeurs de taxi alors que la loi leur interdit formellement de refuser de transporter un client qui leur fait signe de s'arrêter. Qu'en serait-il alors si la loi leur accordait ce droit ? Les clients seront alors jugés sur leurs faciès et sur la longueur de la course et attraper un taxi deviendra carrément impossible pour certains. Déjà que des citoyens et autres migrants de couleur de peau noire se plaignent depuis longtemps des agissements de certains chauffeurs de taxi qui refusent de les transporter. «Un jour que je tentais d'attraper un taxi, un chauffeur s'est arrêté à mon niveau et m'a dit qu'il ne laisserait jamais un « kahlouch » monter à bord de sa voiture et est reparti aussitôt. », rapporte Aminata, originaire d'un pays d'Afrique subsahara. Cette autorisation de sélectionner selon le bon vouloir des chauffeurs de taxi leurs clients pourrait ouvrir la porte à tant d'abus. Un avis que semble partager le Directeur Général des transports terrestres au ministère du Transport qui a déclaré que cette demande n'était pas réaliste. Il a en outre affirmé que des discussions seront entamées avec les forces de l'ordre afin de garantir la sécurité des chauffeurs de taxi mais qu'il n'est pas question d'amender la loi et leur permettre de refuser tel ou tel passager à bord. En attendant le retour à la normale et la suspension de la grève, il est à se demander comment feront les citoyens pour se déplacer. Le covoiturage semble, encore une fois, une solution efficace. En effet, se partager les frais d'un déplacement avec le propriétaire d'un véhicule privé constitue une alternative solidaire, économique et écologique. N'en déplaise aux grévistes !