Le chantier du nouveau front parlementaire – constitué par les députés d'Afek Tounes, d'Al Horra, d'Al Watania et de quelques élus du bloc de Nidaa Tounes – continue de plus belle malgré les nombreuses querelles qui opposent ses composantes. Des avancées difficiles qui font quand-même enrager les maîtres de l'alliance Nidaa Tounes-Ennahdha. Ainsi, Rached Ghannouchi et Hafedh Caïd Essebsi cachent à peine leurs angoisses face à ce projet et comptent bien le contrer. Après des semaines de déclarations houleuses contre le Front en question, Nidaa Tounes et Ennahdha ont décidé d'aller de l'avant en initiant leur propre projet : les deux alliés ont en effet décidé de se réunir avec l'Union patriotique libre (UPL) dans le but d'examiner les différents projets de lois soumis à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et, surtout, afin de préparer le retour de l'UPL parmi les signataires du pacte de Carthage. Une fois l'information propagée, plusieurs en ont conclu la formation d'une nouvelle troïka semblable à celle de 2012 et visant à s'accaparer le pouvoir en excluant les autres composantes partisanes du gouvernement d'union nationale. Le démenti émis par le porte-parole de Nidaa Tounes, Mongi Harbaoui, n'a pas réussi à apaiser les esprits et à annuler cette lecture. Pour mieux expliquer la situation, Mongi Harbaoui a déclaré que la réunion entre les trois partis vise essentiellement à venir en aide au gouvernement de Youssef Chahed en relation avec le vote du projet de loi de Finances 2018. Evitant de répondre à la question relative à l'exclusion des autres signataires du pacte de Carthage, le porte-parole du mouvement de Nidaa Tounes a juste insisté sur l'objectif suprême de cette sorte de coordination qui ne veut que servir les intérêts de l'union nationale. Si l'on liait l'annonce de cette nouvelle coordination avec les récentes déclarations du chef d'Ennahdha qui, à la surprise générale, s'est permis de conclure que toute tentative de nuire au mouvement islamiste relève d'une tentative de nuire à la sécurité nationale, – une déclaration relevant de l'arrogance pour certains alors que, pour d'autres, elle dévoile le malaise dans lequel se trouve Ennahdha – on se rendrait compte qu'il ne s'agit pas uniquement d'une simple réaction à la création de ce nouveau Front visant à rééquilibrer la scène politique et parlementaire. Ennahdha, à la lumière des déclarations de son chef qui deviennent de plus en plus hostiles, cherche clairement un nouveau positionnement qui lui permettra, à la fois, de récupérer le capital sympathie de ses bases (des bases qui, tout comme celles de Nidaa Tounes, ne sont pas satisfaites de la stratégie politique post élections du mouvement) tout en gardant sa place au sein de son accord avec le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Une place devenue plus vitale que jamais pour Ennahdha – cela pourrait même relever de sa survie – après l'écroulement de l'organisation mondiale des Frères musulmans et de presque tous ses alliés. Aujourd'hui, Ennahdha et Nidaa Tounes n'ont plus aucune gêne à afficher l'intensité de leur alliance (le candidat consensuel présenté aux élections législatives partielles en Allemagne en est l'exemple parfait) et cela arrange magnifiquement bien les intérêts du mouvement islamiste qui doit prouver aux acteurs locaux et internationaux son intention de muter réellement vers un parti qu'il ne sera, probablement, jamais. En ce qui concerne les deux nouveaux ‘fronts' au niveau du Parlement, leur concrétisation accentuera certainement les tensions à l'ARP et cela s'étendra sur toute la scène politique à quelques mois de la prochaine étape électorale prévue pour mars 2018. Salma BOURAOUI *Titre emprunté à la légendaire