La célébration du 8 mars de cette année en Tunisie s'est placée sous le thème de l'égalité successorale. Grâce à une vaste campagne sur les réseaux sociaux initiée par Amnesty international, les Tunisiens ont vite fait de se diviser entre pro et anti-égalité dans l'héritage. Si les arguments des premiers sont clairs, ceux des seconds ont varié de l'originalité à la bizarrerie totale. En effet, il est connu que ceux qui s'opposent à cette égalité sont principalement les islamistes qui considèrent que le texte coranique a été clair à ce sujet et que, de ce fait, la femme ne peut qu'avoir la moitié de son frère homme au niveau de l'héritage. Pour les islamistes, les versets qui évoquent le système successoral ne peuvent être interprétés que d'une seule manière et ne laissent donc aucun doute dans leur application. Pour ceux qui revendiquent l'égalité successorale, la question du texte coranique peut être posée de deux différentes manières : la première c'est celle qui permet, grâce aux islamologues illuminés qui proposent des lectures alternatives, de construire un plaidoyer en faveur de l'égalité en se basant sur des références exclusivement religieuses et la seconde refuse de se soumettre à tout ce qui est en lien avec la religion pour expliquer que l'égalité entre citoyens est totale, impartiale et ne doit donc pas avoir pour référence une religion. Il existe toutefois une autre classe de ceux qui s'opposent à l'égalité successorale mais qui persistent à dire que leurs fondements n'ont absolument rien à voir avec la religion ; ceux qui appellent à instaurer d'autres égalités entre les hommes et les femmes avant d'en arriver à l'héritage. Egalité dans le service militaire obligatoire, égalité dans la pension alimentaire en cas de divorce et ainsi de suite. Ces machistes progressistes proposent en effet que la femme arrive tout d'abord au même rang que celui de l'homme au niveau des devoirs pour pouvoir réclamer, à juste titre, le droit d'avoir la même part que lui au niveau de l'héritage. Populisme, machisme mais surtout ignorance des grandes luttes menées par le mouvement féministe tunisien qui, au lendemain même de l'Indépendance du pays, s'est organisé et a bataillé pour que la femme tunisienne devienne l'exemple unique dans le monde arabe et le monde entier. La femme tunisienne qui a décroché le droit de voter ou encore d'avorter bien avant la femme européenne ne peut plus, aujourd'hui, en 2018, continuer à subir une marginalisation et une discrimination d'ordre économique pareille. Sur le plan législatif, la loi organique de lutte contre toutes les formes de violences et discriminations à l'encontre de la femme n'a pas du tout évoqué le sujet de l'égalité successorale. Par ailleurs, une initiative lancée par Mehdi Ben Gharbia, lorsqu'il était encore député, n'avait abouti à rien. Aujourd'hui, tous les regards se dirigent vers la Commission des libertés individuelles et de l'égalité, formée par le président de la République le 13 août dernier, en espérant qu'elle arrive à proposer de vraies alternatives qui feront consolider et avancer les acquis de la femme tunisienne.