Deux jours après la plénière dédiée au vote de la prolongation de six mois du mandat de l'Instance vérité et dignité (IVD) – un vote qui a abouti à un refus de ladite prolongation – sa présidente, Sihem Ben Sedrine, a tenu une conférence de presse où elle a annoncé que l'Instance continuera sa mission conformément aux articles de la loi organique relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. Faisant référence au controversé article 18 de la loi (La durée d'activité de l'Instance a été délimitée à quatre années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une seule année suite à une décision motivée de l'Instance et soumise au Parlement, trois mois avant l'achèvement de son mandat), Ben Sedrine a donc ouvertement refusé le vote des députés de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et a enchaîné son point de presse pour accuser ceux qui veulent avorter le processus de la justice transitionnelle d'avoir pour réelle intention de restaurer le pouvoir de l'oppression et en demandant à ces mêmes parties les alternatives qu'ils proposent une fois qu'ils auraient réussi à isoler l'IVD. Répondant aux critiques, Ben Sedrine a assuré que l'IVD a auditionné environ 50 mille victimes expliquant qu'il s'agit là d'une première mondiale. Et d'ajouter que l'Instance compte transférer des dizaines de dossiers devant la justice relatifs aux présumés bourreaux ayant refusé de présenter des excuses à leurs victimes rappelant que quatorze dossiers portant ce genre d'affaires ont été transférés devant la justice à Gabes. Interrogée sur l'implication du président du Parlement, Mohamed Ennaceur, dans des dossiers relevant de la justice transitionnelle (comme l'ont affirmé quelques élus lors de la plénière tenue lundi ), la présidente de l'IVD a nié, en bloc, l'affaire. En décidant de prolonger son mandat de six mois (un mandat qui devrait s'achever en mai 2018), l'IVD a précisé qu'elle n'aura pas besoin d'une quelconque rallonge au niveau de son budget puisque celui de 2018 lui sera entièrement suffisant pour finir ses tâches. Toutefois, et comme l'assure à chaque occasion Sihem Ben Sedrine, l'Instance n'a pas réussi à résoudre toutes les affaires qui se sont présentées à elle au court des quatre dernières années parce que les institutions de l'Etat (ministère de l'Intérieur, pôle financier, ministère des Domaines de l'Etat etc.) ont refusé de collaborer avec elle et de lui faciliter ses tâches en la laissant, entre autres, accéder aux archives. La question cruciale aujourd'hui est la suivante ; si Ben Sedrine réussit, malgré l'opposition du Parlement, à poursuivre son mandat, comment compte-t-elle réussir en six mois ce qu'elle n'a pas réussi à accomplir en quatre longues années ? Si les institutions de l'Etat ont réellement bloqué son travail au cours de ces dernières années, comment pourra-t-elle les convaincre de changer d'attitude en si peu de temps ? Une question qui a été posée à maintes reprises à l'intéressée lors de la plénière du lundi dernier sans qu'une réponse claire et précise n'y a été apportée. Aujourd'hui, Ben Sedrine est devenue, plus que jamais, synonyme de division aussi bien sur la scène politique que publique et il est clair que cette affaire n'a pas fini de perturber un pays qui est déjà au fond du gouffre.