La semaine de la Journée théâtrale mondiale, organisée par le Théâtre National de Tunis, a démarré samedi 24 mars avec une création étrangère du Theater An Der Ruhr, intitulée Peer Gynt de l'auteur norvégien Henrik Ibsen, mise en scène, scénographie et dramaturgie de Roberto Ciulli et Maria Neumann. La pièce est une approche scénique d'un drame poétique assez délicat d'Henrik Ibsen. Il s'avère que Peer Gynt est un miroir de l'auteur, il reflète quelques aspects de sa personne et de son vécu. Il se donne à l'analyse et à travers sa personne, il analyse sa société. Le personnage se présente négatif, un anti-héros, souffrant de pathologie psychique. Il est en une interminable quête de lui-même, égaré dans une identité fragmentée, fuyant la réalité et s'identifiant à des exploits de pure imagination, avec une obsession de triomphe mythologique qui finit en chimères. Il nous rappelle d'ailleurs le fameux poème de Gérard de Nerval El Desdichado (le malchanceux, le malheureux, le déshérité) qui, lui aussi est parti à la recherche d'une identité mythologique et finit dans un asile de psychiatrie. Peer Gynt se nourrit de fantasme et de mythomanie, tel qu'il parait au début de la scène avec son histoire du bouc mais aussi dans ses autres conquêtes, entre autres féminines, sa prétention d'être empereur et de transformer le continent africain en une contrée pour les norvégiens. Il est aussi capable de faire le mal, sa cruauté ne l'empêche pas de tuer afin de se sauver lui-même (la scène du naufrage de son bateau). Le lieu est multiple. Certes le décor est celui d'une chambre à coucher, mais l'espace change de repères et se transforme au gré du récit, des situations et du jeu des comédiens. Il n'y a pas lieu à l'inertie, tout change de sens et d'attributions selon le jeu, et le spectateur se rend compte facilement du changement du cadre spatio-temporel ; les objets (comme par exemple le lit ou l'armoire) revêtent une autre fonctionnalité, un nouveau rapport entre signifié et signifiant. Les rôles aussi sont multiples mais interprétés par seulement deux comédiens sur la scène, ces derniers changent constamment de personnages et de noms. En effet, face à la complexité du texte d'Ibsen, au niveau des situations et de pluralité des personnages, les metteurs en scène Robertto Ciulli et Maria Neumann ont choisi la condensation, la sobriété et la mobilité pour qu'un seul décor et deux comédiens puissent rendre compte de l'essentiel du texte initial et de son caractère par excellence fantastique, tout en révélant sa poésie amère et lugubre.