C'est un signal d'alerte assourdissant qui a été lancé ces derniers jours concernant les pilules contraceptives, en rupture de stock dans de nombreuses pharmacies. Ce n'est que temporaire rassurent les responsables. Cela n'aurait en effet pas posé de réel problème si cette rupture ne devait réellement durer que quelques jours et surtout n'eût été le prix excessivement cher des préservatifs, produits importés également, dont la boîte de 3 peut coûter jusqu'à 5 D voire plus. En attendant de régler ce problème, doit-on s'attendre à un boom de naissances dans 9 mois ? En janvier dernier, le président du gouvernement,Youssef Chahed, effectuait une visite d'inspection à la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT) pour s'enquérir, entre autres, de l'état d'avancement des opérations d'achats de médicaments. Deux mois plus tard, cette structure publique assurant la régularité dans l'approvisionnement du pays pour les produits dont elle détient le monopole d'importation ainsi que la distribution des produits et fournitures nécessaires à la médecine humaine et vétérinaire aux différentes structures sanitaires publiques, parapubliques et privées, semble au bord du gouffre. C'est que la PCT croule sous les dettes qui s'élèvent à hauteur de 389 MD auprès de fournisseurs étrangers qui sont actuellement nombreux à ne plus vouloir l'approvisionner en médicaments jusqu'au paiement de leurs factures. Une telle situation n'aurait jamais dû arriver à un tel seuil critique, si seulement les structures hospitalières et la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) avaient payé, de leur côté, leurs dettes envers la Pharmacie centrale. Des arriérés de paiement qui s'élèvent à près de 820 MD. Une situation alambiquée dans laquelle les intervenants ne cessent de tourner en rond et s'emmurent dans un silence de plomb, à l'exception des syndicats qui voient rouge et tentent d'alerter l'opinion publique. Le Bureau national du Syndicat des pharmaciens a ainsi appelé le ministère des Affaires Sociales à intervenir pour débloquer cette situation extrêmement grave. Par ailleurs, le Syndicat de base de la Pharmacie Centrale s'est lui aussi inquiété de la tournure des événements, multipliant les déclarations alarmistes dans les médias. Enfin, le Syndicat de base de la Société des Industries Pharmaceutiques de Tunisie (SIPHAT) a publié un communiqué pour affirmer son soutien à tout mouvement social décidé par le personnel de la PCT pour protester contre la dégradation de la situation financière critique de cette structure relevant du ministère de la Santé. Selon ce même document, cette détérioration serait volontaire, voulue par certains lobbies qui cherchent à ébranler le monopole qu'elle détient sur les médicaments. Sollicité au téléphone à plusieurs reprises, le PDG de la Pharmacie Centrale s'est, quant à lui, refusé à décrocher, refusant ainsi de répondre à nos questionnements et autres précisions. Et dire que l'accès des citoyens à l'information est, semble-t-il, un droit constitutionnel ! On l'aura compris, tous les indicateurs sont désormais au rouge, avec une réserve de médicaments estimée à 50 jours alors qu'elle était maintenue jusque là à 3 mois pour un seuil acceptable de sécurité. Plusieurs médicaments sont en rupture de stock et notamment les pilules contraceptives. Si la réaction des Tunisiens se fait plutôt ironique et hilare jusque là par rapport à cette information, la pénurie en contraceptifs oraux pourrait avoir une répercussion moins drôle dans une dizaine de mois. En effet, plus de la moitié des Tunisiennes adultes auraient recours aux pilules comme principal moyen de contraception, car elles ne sont pas invasives, contrairement aux stérilets par exemple. Qu'en serait-il alors si cette pénurie perdurait et s'aggravait pour inclure d'autres moyens de contraception ? Une hypothèse à ne pas exclure puisque les préservatifs, en plus de leur prix relativement cher, ne sont pas fabriqués en Tunisie. En effet, tous les produits existants sur le marché sont importés puisqu'aucune entreprise tunisienne n'est capable à ce jour d'en fabriquer. Pourtant, la Tunisie y gagnerait beaucoup, en termes économiques, à encourager la production locale de ces articles à forte consommation qui plus est, protègent efficacement contre les infections sexuellement transmissibles. Mais ceci est un autre débat...