C'est à Tataouine, plus précisément à El Kamour, que nos pas nous ont guidés pour cette seconde visite annuelle sur terrain organisée par le ministère de la Défense. C'est donc aux portes du désert que nous a accueillis le Premier groupement territorial saharien après un long et pénible trajet dans les airs puis sur les routes pour mieux nous expliquer les différentes tâches, ardues et délicates, qui incombent à ses officiers. C'est tôt dans la matinée du mardi que le rendez-vous a été donné à la trentaine de journalistes, tous supports confondus, pour se rassembler et se diriger en bus vers la caserne militaire de l'Aouina. Le planning de la journée était chargé et surtout de longs trajets étaient prévus. Une fois sur place, c'est en file indienne que nous nous sommes dirigés vers l'avion, un modèle qui ne date certes pas d'hier mais assez robuste pour être encore fonctionnel. Sans perdre de temps, embarquement immédiat pour la base aérienne de Remada. Le vol a duré près d'une heure et quart et a traversé quelques zones de turbulences dues aux conditions météorologiques, mauvaises ce jour là. Une fois l'avion atterri, la visite a pu commencer avec une brève présentation du Premier groupement territorial saharien et de ses différentes missions dans le désert. C'est en 1957, peu après l'indépendance de la Tunisie et la fondation de l'armée nationale en 1956, que le premier corps saharien relevant de l'armée tunisienne a vu le jour. Mais ce n'est que deux ans plus tard que les premières unités ont été implantées sur les frontières désertiques de Remada, de Borj Bourguiba, de Borj El Khadhra et de Garêet Saber. Enfin, c'est en 2004 que le Premier groupement territorial saharien, avec sa composition et sa nomination actuelles a vu le jour avec 2 unités basées à Remada, une unité de méharis à Borj Bourguiba et 3 unités territoriales sahariennes mobiles. Parce qu'elle est basée aux frontières sud du pays, donnant aussi bien sur l'Algérie que sur la Libye, il incombe à cette section de l'armée de terre de veiller sans relâche à la sûreté de l'Etat et de ses frontières, de repousser toute menace terroriste et de lutter contre le phénomène persistant de la contrebande. Autant de missions, aussi délicates les unes que les autres qui nécessitent une mobilisation de toute heure et un travail de terrain titanesque tant la superficie à contrôler, en plus d'être désertique, est très vaste en plus de compter la présence de plusieurs sociétés et groupes économiques dont 3 entreprises pétrolières. La surface totale est de l'ordre de 35000 km2, longue de 280 km de frontières avec la Libye et de 310 km du côté de l'Algérie. Pour mieux en saisir l'étendue, on nous a expliqué que pour se rendre de la base aérienne de Remada jusqu'à Borj El Khadhra en hélicoptère, cela nécessite une heure et demi de temps. En pick-up, ce même trajet, long de 320 km, nécessite environ neuf heures à sillonner les pistes et à dévaler les dunes de sable. C'est dire l'immensité de la surface et sa difficulté pour ce groupement militaire qui aurait plus d'aisance à travailler s'il était mieux équipé même si des efforts ont été consentis dans ce sens dans les dernières années mais est-ce assez, surtout que les menaces sont récurrentes et multiples ? En effet, la menace sur la Tunisie n'est pas seulement d'ordre sécuritaire, mais aussi économique avec tous les produits de contrebande qui passent impunément par les frontières et qui contribuent à renforcer le nuisible commerce parallèle qui handicape le pays. En 2017, le bilan total des saisies dans cette région est estimé à plus de 18 millions de dinars, entre sommes d'argent, véhicules, carburants, cigarettes, médicaments, barres de fer, pétards, bétail, pièces détachées et autres armes de guerre. Cette année et rien qu'au premier trimestre, le montant des saisies est estimé à 3 millions de dinars et plus de 575 individus ont été arrêtés pour activités suspectes aux frontières. Pour assurer sa mission et garantir un total contrôle de la situation, le Premier groupement territorial saharien repose son travail sur des patrouilles terrestres et des postes avancés, mais aussi des patrouilles en véhicules mobiles et à dos de méharis. Des patrouilles aériennes survolent régulièrement la zone en plus du système de contrôle électronique. A noter qu'un premier talus, long de 52 km, a été creusé entre Aguila et Lazret pour prévenir tout franchissement illégal des frontières et qu'un deuxième, long de 30 km, est en train d'être finalisé entre Borj El Khadhra et la zone Pasteur. En 2017, durant le mois de Ramadan, le Premier groupement territorial saharien, en collaboration avec les autres unités sécuritaires locales, a réussi à déjouer un plan d'attaque terroriste visant à instaurer un émirat islamiste à Remada. Il a également arrêté quatre individus de la région constituant une cellule d'envoi des jeunes dans les zones de conflit, opérationnelle depuis 2005.