Jusqu'où peut aller le bras de fer entre l'UGTT et le gouvernement ! La crise de l'Education nationale pourrait être le début d'un affrontement irréversible entre l'Etat et la centrale syndicale, comme elle peut être circonscrite et annonçant la fin d'un conflit social qui n'a que trop duré. En tout cas, cette situation s'avère très malsaine et très coûteuse à tous les niveaux. D'abord, la publicité faite autour de l'instabilité sociale dans un pays sous projecteurs mondiaux à l'Ouest comme à l'Est depuis ce fameux « printemps arabe » de toutes les malédictions. Pourtant tout le monde s'accroche à l'idée que le « rêve » n'a pas encore avorté, au moins en Tunisie, parce que la mieux outillée depuis le réformisme arabe et musulman du 19ème siècle, à digérer la démocratie de type occidental liée au pluralisme, aux droits de l'Homme et à la liberté de presse et d'édition.Nos partenaires européens sont évidemment les plus concernés par cette fécondation in vitro, de ce fœtus démocratique tunisien, mais ils y vont en termes de soutien à la goutte à goutte, façon de pousser le pays à s'adapter aux difficultés de base du système démocratique et ses étapes douloureuses. La greffe n'est pas du tout aisée dans une société gérée par l'absolutisme et l'autoritarisme depuis des siècles, ceci au niveau politique. Ce à quoi il faut ajouter le plus vulnérable à savoir l'économie, complètement décapitée par l'anarchie sociale et l'indiscipline généralisée. Depuis l'antiquité, tous les auteurs de science politique ont mis en garde les peuples et les élites dirigeantes sur l'effet néfaste des rebellions et autres insurrections prolongées sur l'économie. Une règle universelle dont nous vivons les conséquences dramatiques en Tunisie. Quand l'indiscipline populiste est combinée avec la perturbation des moyens de production et les ambitions à la hausse de l'exigence au progrès social, on arrive au seuil critique de l'implosion économique et sociale et le phénomène de rejet, comme pour les greffes chirurgicales, est plus que probable. Nous l'avons vu dans les pays mères des démocraties, avec la révolution de Cromwell en Grande-Bretagne et la révolution française qui a débouché sur la « restauration » du système monarchique et l'empire napoléonien. La Tunisie n'est pas à l'abri d'un séisme du genre, si l'Etat perd sa fonctionnalité, sa puissance publique et sa transcendance par rapport aux forces politiques et sociales. L'Etat de droit ne peut exister si les forces de pression s'estiment au dessus de l'Etat, des plus puissantes et plus légitimes que lui, parce que capables de mobiliser ses adeptes en nombre et de stopper la machine de production. La crise du « Bassin minier », du pétrole et du gaz et d'autres foyers névralgiques depuis huit ans, ont coûté à l'Etat, et donc à la trésorerie publique, des milliers de milliards de nos millimes, qui auraient pu être utilisés dans l'investissement productif et non pas fictif, qui a créé des emplois bidons supplémentaires, grevant davantage la masse salariale des sociétés et entreprises publiques sursaturées et en difficulté. L'UGTT, au départ, a joué un rôle positif de canalisation des exigences et d'encadrement des poussées fiévreuses des régions et des diplômés chômeurs. Mais, de plus en plus on assiste, soit à la difficulté de la centrale syndicale à maîtriser certains dépassements de ses bases, soit à la politisation des conflits sociaux et l'encouragement, implicite, à mettre la pression sur le gouvernement pour aboutir finalement à sa destitution. Et c'est là où l'on traverse de part et d'autre les espaces marécageux et les « oueds » en vue, avec toutes les menaces sur la paix sociale et l'autorité de l'Etat. Pourtant, l'idéal (possible et souhaitable) serait d'arrêter d'abord l'escalade verbale entre le syndicat et le gouvernement. Puis d'avoir le courage et la détermination, des deux côtés, de penser à un nouveau « contrat social », gagnant-gagnant. Les syndicats n'auront plus à se substituer au gouvernement pour dicter au pays des mesures et des lois que les citoyens n'ont pas choisies et n'ont pas votées. Faut-il rappeler qu'en démocratie c'est l'élection et les urnes qui décident de la politique à suivre par les gouvernements élus soit directement au suffrage universel soit par le Parlement. Or, l'UGTT fait fonction de « parti » qui se veut décisif et « majoritaire » et imposer sa politique sans passer par la voie élective et les urnes au niveau national ! Or, qui dit que le pays majoritairement veut de cette politique. Le gouvernement pourrait à son tour dans le cadre de ce « contrat social gagnant-gagnant », bénéficier de la paix sociale (acceptée par les syndicats) et se consacrer au travail qui est le sien, à savoir gérer la politique de développement et les équilibres généraux du pays. Sans cela, nous allons, tout droit dans le mur et à l'inconnu... plus que connu, qui peut dégénérer vers l'irréparable. Le bon sens devrait l'emporter, car l'acharnement syndical et l'acharnement anti-syndical, ne mènent qu'à la discorde, les luttes de classes, la haine et l'agressivité. La Tunisie a tous les moyens de réussir et jouit d'un grand élan de solidarité international, du monde qui compte, à l'Est comme à l'Ouest, de l'Europe à l'Amérique, de la Russie, à la Chine et l'Asie du Sud-Est. Tout ce capital extraordinaire est menacé aujourd'hui, par l'égo des aventuriers de tous bords et l'ambition démesurée de ceux qui veulent capter le pouvoir ! Mais, attention au retour de manivelle !