Elle vient de tirer sa révérence. Elle s'appelait Neïla Ben Ammar et avait marqué de sa voix les chaînes nationale et internationale de Radio Tunis durant les années soixante et soixante dix du siècle dernier. A l'annonce de sa mort, les médias n‘ont retenu de ce qu'elle a donné à son pays que son engagement politique et féministe aux côtés du défunt Habib Bourguiba, premier président de la république tunisienne. Certes, ce volet a quelque part éclipsé le travail radiophonique de cette grande dame. Ils ont totalement omis son parcours sur les ondes de la radio tunisienne. Qui s'en souvient aujourd'hui ? Car, l'amnésie, l'ignorance et l'ingratitude perdurent sous nos latitudes. Si bien que sur le site des chaînes nationale et internationale de radio Tunis, rien n'était signalé sur le décès de cette dame. Et pire encore, un internaute s'était demandé sur le site d'un journal électronique : « En quoi cela constitue-il un événement médiatisable ? » Il s'est en effet et seulement contenté de ce qu'on lui avait annoncé du fait que la défunte était la sœur de feue Wassila Ben Ammar, l'ex-épouse du président Bourguiba. Et pour tous ceux qui ne connaîtraient pas l'autre volet de la vie active de Neïla Ben Ammar, nous donnerons quelques détails sur son travail radiophonique. L'auteur de ces lignes a eu la chance d'avoir vécu les années de speaking de « Donia », le pseudonyme de feue Neïla Ben Ammar à la radio. Elle faisait partie de l'équipe de « Hissat Al Marâa » (Le magazine de la femme) sur la radio nationale au milieu des années soixante du vingtième siècle. Un temps où cette émission n'était pas uniquement destinée aux femmes, car outre les recettes de cuisine, les problèmes de couple et de mariage forcé, par exemple, étaient évoqués ouvertement. L'émission comportait la diffusion de chansons nouvelles arabes et tunisiennes. Une grande équipe animait ce programme culte et phare à l'époque. Il y avait Fadhila Khetmi, l'ancienne gloire de la chanson et du théâtre tunisien des années vingt et trente du siècle dernier, Saïda Meherzi Ghariani, une autre icône de la radio, que Dieu lui procure la santé, Najia Thameur, également connue comme romancière, Alia Babbou (Essaïda Alia, productrice également de l'émission pour enfants « Jannet Al Atfel » (Le paradis des enfants), Leïla Rihani, une autre icône oubliée, auxquelles se sont jointes dans les années soixante dix : Afifa Ben M'rad et Souad Lasram, que Dieu nous la garde ! « Donia Oum Kalthoum » On se rappelle que feue Neïla Ben Ammar avait accompagné la diva Oum Kalthoum dans sa visite en Tunisie en 1968 à l'invitation de Wassila Bourguiba. On l'aperçoit d'ailleurs dans les deux reportages faits par Khaled Tlatli pour la télévision tunisienne et par la productrice égyptienne et non moins actrice Najoua Ibrahim pour la télévision égyptienne. Et après la disparition d'Oum Kalthoum en 1975, Neïla Ben Ammar avait produit un programme retraçant la vie et l'œuvre de cette grande dame de la chanson arabe au sein même de « Hissat Al marâa » et qui était diffusé le dimanche en fin de matinée et intitulé : « Donia Oum Kalthoum » (Le monde d'Oum Kalthoum.) Un joli alliage entre le pseudonyme de Neïla et celui d'Oum Kalthoum, comme pour faire rappeler de leur rencontre tunisienne sept années auparavant. D'un autre côté, la même émission destinée à Eve avait son équivalente sur la Chaîne internationale de Radio Tunis sous le titre d' « Entre nous mesdames. » Elle était produite et animée par Rim, alias Giselle Halfon avec sa voix douce et suave. Donia, alias Neïla Ben Ammar, faisait partie de l'équipe de cette émission aux côtés entre autres de Fadhila Khitmi, Alia Babbou et Zahida. Paix à l'âme de Neïla Ben Ammar !