La rencontre organisée récemment à la Bibliothèque nationale par la Fondation tunisienne Femmes et Mémoire dans le cadre des 18èmes Journées théâtrales de Carthage (JTC) était dédiée aux premières générations des artistes femmes de théâtre tunisiennes. Fadhila Khetmi en était le sujet principal des interventions des participants et du public. Un prix portant son nom sera d'ailleurs décerné par cette fondation à la meilleure jeune actrice des JTC. Les intervenants, hommes de théâtre et de culture, musiciens, historiens et enseignants de théâtre ont essayé de raconter la vie artistique de cette grande dame de la chanson et du théâtre tunisiens que fut Fadhila Khetmi (1905-1992) fille de la chanteuse Nesria Fraise. Plusieurs péripéties sur sa vie publique et privée demeurent inconnues à ce jour, tellement le manque flagrant de documents et d'informations sur son parcours artistique demeure flou. Et n‘eussent été les efforts déployés par Si Moncef Charfeddine, Mohamed Messaoud Driss et Mme Amina Srarfi, le nom de Fadhila Khetmi n'aurait rien signifié pour les générations d'aujourd'hui. L'homme de théâtre Mounir Argui a de son côté proposé au public de voir un extrait de son spectacle écrit par Hamdi Hmaidi et intitulé « 100 et une étoiles » où Fadhila Khetmi y apparait comme figure de proue. Ce spectacle date de 2009 et a été créé à l'occasion du centenaire de la première représentation théâtrale en Tunisie, en 1909. Mais Fadhila Khetmi a été pionnière dans son domaine en créant sa propre troupe théâtrale qui portait d'ailleurs son nom. Elle avait enregistré ses premiers disques chez Béchir Ressaïssi, icône de la phonographie en Tunisie. Fadhila Khetmi s'entourait des plus grands et talentueux poètes, musiciens, journalistes et comédiens de l'époque des années vingt et trente du siècle dernier. Ils formaient d'ailleurs son salon littéraire et artistique. Elle était une femme libre et libérée qui avait pu réaliser un tant soit peu ses rêves qui étaient considérés en ce temps-là une révolution sociale et culturelle. Faisant fi du conventionnel et du « Qu'on dira-t-on » ? Elle avait créé un music-hall à l‘actuel espace « El Hamra », à Tunis. Ah ! La belle époque ! Dans quel monde vivons-nous aujourd'hui ? Son histoire semble occultée aujourd'hui et les documents inhérents à sa carrière musicale et théâtrale se trouvent actuellement en France, comme l'a affirmé l'universitaire et enseignant de théâtre Mohamed Messaoud Driss. Cela est aussi valable pour d'autres artistes. Une intervenante parmi le public, parente à Fadhila Khetmi, a voulu insister sur le fait que les membres de la famille de cette célèbre artiste ont beaucoup souffert des préjugés que portent les gens sur Fadhila Khetmi qui s'était entièrement dévouée à son art. Elle a été une femme de radio en participant positivement à l'émission « Hissatou al Marâa » aux côtés d'autres femmes sommités. Mais ceci est une autre paire de manches.