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"Il faut affronter le Coran et l'Islam avec les outils de la raison si l'on veut que la foi survive à la raison"
Publié dans Le Temps le 10 - 06 - 2018

Vous avez créé un site dédié à la compréhension du Coran en précisant que" votre approche est strictement rationnelle et dépassionnée."
J'ai effectivement ouvert en ce début d'année un site intitulé « Que dit vraiment le Coran ; penser et vivre son islamité à la Lumière du Coran » : https://www.alajami.fr/
Depuis près de vingt ans, mes recherches sont centrées sur la compréhension du Coran et ce site est destiné à mettre à disposition la partie essentielle des résultats issus de cette démarche. C'est donc bien évidemment un site dédié à ceux qui veulent comprendre le Coran par eux-mêmes. De nombreux thèmes sont ainsi abordés sans détour, qu'ils concernent des questions religieuses, juridiques, sociétales ou théologiques, nombre de sujets constituant de sérieuses remises en question de nos certitudes de musulman.
À vrai dire, autant le Coran est la référence absolue du musulman, autant les travaux quant à « comprendre le Coran » sont actuellement rares. Par ailleurs, l'Exégèse classique interprétative domine en sa version réductrice wahhabo-salafiste et impose aux esprits une compréhension du Coran établie selon les schémas et les modes de pensée d'un autre temps. En ces conditions, comment en tant que simple croyant accéder au sens du Coran sans le comprendre en fonction de la grille de lecture proposée et imposée par l'Islam ? Je propose donc à qui souhaite comprendre ce qu'était le Message coranique avant sa prise en charge exégétique une méthodologie d'analyse littérale permettant de mettre en évidence le sens premier du Coran, sens initial, ce que je nomme le sens littéral. En somme, il s'agit principalement de réaliser l'explication du Coran par lui-même ou tafsîr al–qur'ân bi-l–qur'ân, très ancien concept qui n'a jamais réellement été mis en œuvre. Ceci revient à approcher le Coran en dehors de tout système d'interprétation et d'en déterminer le sens uniquement à partir des informations qu'il fournit in situ et/ou sur l'ensemble du texte coranique.
Par approche rationnelle, j'entends ce que nous sommes à l'heure actuelle : des croyants entrés dans l'ère de la raison et dont la foi ne se satisfait plus d'explications construites à partir d'une antique explication irrationnelle du monde. Il nous faut donc savoir affronter le Coran et l'Islam avec les outils de la raison si l'on veut que la foi survive à la raison. Malgré tout, ce n'est point le Coran qui doit ainsi être désacralisé, mais les exégèses. Il va sans dire que les résultats de nos études, le sens littéral du Coran, diffère très souvent de ce à quoi nous sommes habitués au nom même de l'Islam. Il faut donc pour comprendre et intégrer ces changements de paradigme, parfois déstabilisants j'en conviens, procéder par la raison et non par l'affect, rationalité et passions maîtrisées sont ici absolument nécessaires. Aussi, face au Coran par lui-même et en lui-même, avoir une approche dépassionnée s'impose, ce que du reste toute rationalité rigoureuse sous-entend.
– Vous affirmez que "le Coran n'est pas nécessairement le reflet de l'Islam, et inversement ?"
Oui, sans ambiguïté, mais il ne faut pas s'en étonner ou s'en affliger. En une formule plus lapidaire encore, je dirais que le Coran n'est pas coupable de l'Islam, mais que l'Islam n'est pas innocent du Coran ! Il ne s'agit pas chez moi d'un postulat de départ, mais d'une des conclusions évidentes dès lors que l'analyse littérale permet de constater verset après verset que le sens littéral du Coran diffère parfois grandement des signfications que l'Islam soutient. À partir du moment où l'on parvient à comprendre le Coran sans passer par les interprétations soutenues par l'Islam, l'on ne peut que mesurer le différentiel entre le propos coranique et celui de l'Islam. Le Coran n'est le reflet de l'Islam que si on le lit avec les lunettes de l'Islam.
Que « le Coran ne soit pas nécessairement le reflet de l'Islam », et inversement, est aussi un attendu logique puisque le Coran est a priori antérieur à l'Islam. En réalité, cette différence entre le Message du Coran et le propos de l'Islam est la preuve même que le Coran a précédé l'Islam qui, rappelons-le, n'a connu ses formes définitives orthodoxes que trois ou quatre siècles après le temps de la révélation coranique. Mes recherches, en mettant en évidence les différences entre le Coran et l'Islam sont une preuve forte et rationnelle de ce que le Coran a précédé l'Islam.
Pour autant, je tiens à préciser que ma démarche n'est pas celle du coranisme puisque ces mêmes recherches mettent clairement en évidence qu'il n'y pas dans le Coran les éléments d'un Islam que l'on supposerait alors parfait. Comme toutes les religions, la formation de l'Islam s'inscrit dans l'histoire et n'a d'existence réelle que post-coranique, toute tentative d'exhumer l'Islam idéal coranique est donc de principe vouée à l'échec.
Concernant le Coran, sa diffusion orale élargie et l'absence d'une caste de scribe a entraîné de facto la victoire de l'interprétation, c'est donc la caste exégétique qui a rapporté la bataille du Texte. Il s'est avéré inutile de modifier le texte coranique lui-même puisqu'il fut beaucoup plus aisé d'en modifier la signification par interprétations et surinterprétations successives et orientées en fonction des besoins de construction de l'Islam.
Au final, le Coran ne dit pas ce que l'Islam dit, mais ce que l'Islam lui fait dire. Comprendre le Coran par lui-même permet donc d'entendre son Message originel et, conséquemment, de mesurer l'écart d'avec l'Islam. Bien sûr, un tel constat pose question pour les musulmans qui, de manière inconsciente, ont assimilé que le propos de l'Islam était conforme au Coran. Enfin, bien que les résultats de mes recherches puissent être parfois très déconstructeurs de nos certitudes islamiques, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas pour moi d'opposer le Coran à l'Islam, mais de comprendre l'Islam à partir du Coran, et non le contraire comme nous le faisons sans même en avoir conscience. En d'autres termes, mesurer la différence entre le Coran et l'Islam est une clef essentielle pour qui veut comprendre le Coran et, par voie de conséquence l'Islam.
Vous soulignez que l'explication du Coran que vous réalisez "est littérale et, bien qu'elle ne s'appuie que sur la lettre du texte coranique, elle diffère profondément du littéralisme."
Tout à fait, et il est indispensable de bien saisir la différence entre l'analyse littérale telle que je l'entends et le littéralisme tel qu'il est compris. Méthodologiquement, le littéral est donc ce qui est fidèle au texte selon le texte lui-même, fidélité au texte qui doit être distinguée d'une supposée fidélité à la lettre qui, elle, est censée représenter le littéralisme. L'analyse littérale du Coran est ainsi qualifiée du fait qu'elle a pour fonction de déterminer le sens littéral lequel est la plus petite unité de sens d'un verset, c'est-à-dire le sens hors interprétation, sens pleinementintra-textuel puisque ne faisant appel qu'aux données coraniques ; le sens littéral exprime donc le paradigme coranique. Le littéralisme n'est pas comme on le suppose la lecture du Coran selon la lettre, mais la recherche d'informations extra-coraniques afin de déterminer de la sorte le sens du Coran. Ce qui est nommé littéralisme est une démarche interprétative etintertextuelle puisque cette approche du texte coranique fait constamment appel à un vaste corpus exégétique extra-coranique : les hadîths exégétiques ; les circonstances de révélations/asbâb an–nuzul ; l'hagiographie prophétique/Sîra ; les avis exégétiques/aqwâld'autorités anciennes ; les isrâ'îlliyyât/emprunt direct des sources judéo-chrétiennes.
En réalité, ce corpus ne fournit pas le sens du Coran, mais une somme d'interprétations construites pour traduire les besoins exégético-juridiques ayant été nécessaires à l'élaboration progressive de l'Islam. Logiquement, le littéralisme exprime alors le paradigme islam. Il n'y a donc pas à s'étonner de ce que le littéralisme n'ait pas cherché à mettre en œuvre ce qui aurait dû être son objectif prioritaire : l'explication du Coran par lui-même. La fidélité à la lettre coranique à laquelle prétend le littéralisme n'est de fait qu'une illusion exégétique. Ceci explique aussi que le mouvement salafo-wahhabite actuel se revendique du littéralisme, non pas qu'il soit de la sorte conforme ou contraint par le Coran, mais, qu'au contraire, lelittéralisme lui permet par un recours sélectif aux sources extra-coraniques de justifier plus aisément ses propres croyances et prétentions passéistes. En ces conditions, le texte coranique ne sert plus que de pré-texte et de prétexte aux textes de l'Islam. La lettre du Coran dont tant se réclame le littéralisme est de facto l'otage herméneutique de l'Islam, un rapt de sens.
Vous estimez que votre approche "sous-tend la réforme du musulman, son propre travail d'islamité. "
En effet, car être musulman est un équilibre permanent entre notre vivre au monde et le vécu de notre religion, une relation individuelle dynamique entre foi et pratique. Par islamité, et il s'agit de mon point de vue d'un concept central, j'entends donc le rapport qu'un musulman établit avec sa religion, quelle part il en admet, quelle part il en tait et quelle part il en refuse. En fonction du différentiel constatable entre le Coran, l'élément premier de notre foi, et l'Islam, l'élément constitutif de notre pratique, une telle démarche passe nécessairement par la mise en comparaison critique du Message coranique avec celui de l'Islam. Non pas pour distendre les attaches qui nous relient à l'Islam, mais bien afin de tisser ou retisser ce qui, par le Coran, nous unit à Dieu. Être musulman est alors vivre notre lien à Dieu au nom de notre foi et de l'engagement qui en découle. En pratique, l'islamité présuppose que les musulmans portent à l'aune du Coran un regard critique sur ce qui compose leur religion afin de rester en adéquation avec leur évolution propre et celle du monde en lequel ils vivent leur foi au nom de l'Islam et leur Islam au nom de leur foi.
Pour cela, il faut parvenir à mettre en lumière des arguments coraniques probants permettant de comprendre par quels mécanismes interprétatifs l'Islam a dévié des énoncés fondamentaux du Coran. Pour autant, l'islamité ne consiste pas à rejeter l'Islam au nom du Coran, mais à accorder selon le Coran notre relation de musulman à notre propre religion. Afin d'harmoniser notre relation à l'Islam, un critère est alors fondamentalement utile : le sens littéral du Coran, c'est-à-dire son message hors interprétation islamique. À partir de cette base coranique, il est ainsi possible de comprendre intelligemment l'Islam en tant que phénomène historique et, par conséquent, sans porter nécessairement de jugement de valeur. De la sorte, il n'y a pas lieu d'opposer un bon islam à un mauvais, un vrai islam à un faux, l'islam du meilleur à l'Islam du pire ; l'Islam est ce qu'il est à l'époque où ne le pratiquons.
Si l'Islam est une adaptation permanente, être musulman est s'adapter à l'Islam avec lequel alors on compose, cette dynamique ne vise donc pas à réformer l'Islam, mais notre relation à l'Islam. Puisque le message du Coran est, à l'inverse de l'Islam, immuable et intemporel, moduler son islamité passe donc par le fait de se donner les moyens fiables de valider ou refuser diverses assertions problématiques de l'Islam en utilisant le Coran comme critère intangible de sens. Ainsi, l'islamité représente-t-elle l'expression de la réforme du musulman, la recherche permanente de l'équilibre entre notre foi et notre religion, une alchimie concrète entre croire et penser, foi et raison. L'islamité est par conséquent construire rationnellement et hors contrainte un rapport strictement personnel à l'Islam. Enfin, l'islamité permet en fonction de la compréhension littérale du Coran de maîtriser notre lien à l'Islam, d'éclairer ainsi l'Islam par le Coran, d'harmoniser foi et raison.
Vous souhaitez réconcilier "foi et raison", mais vous tenez à rappeler que vous ne vous "s'inscrivez donc pas dans la lignée réformiste."
Il est clair que le réformisme cherche à concilier foi et raison, d'ailleurs ce mouvement est pour l'essentiel né vers la fin du XIXe siècle sous la poussée du positivisme. Cependant, leréformisme a pour objectif de réformer l'Islam sans que l'on sache selon quels critères mener à bien cette tâche. Or, mon sujet n'est pas l'Islam, mais le Coran.
De plus, et surtout, qui donc aurait autorité pour imposer la suppression ou la modification de tel ou tel point de l'Islam ? Qui donc aurait le droit et la capacité de décider pour les musulmans ce qu'ils doivent suivre ou délaisser de l'Islam ? Cette entreprise, pour aussi séduisante qu'elle soit selon ses acteurs, ne possède pas en soi les moyens d'imposer à la majorité le point de vue d'une certaine élite intellectuelle. L'Islam étant pour partie un système d'interprétation du Coran, le réformisme n'a d'autre solution en la matière que de proposer d'autres interprétations et l'on constate qu'aucune règle ne gère et ne régule cette activité. Au demeurant, les réformistes et les penseurs musulmans se veulent bien plus des hommes de contexte que de Texte. Et, si l'on ne fait référence qu'à l'interprétation personnelle, comment donc supposer que l'avis d'un interprète contemporain pourrait peser sur la doxa exégétique en place.
Les gardiens du Temple, solidement installés dans la tête des musulmans, continueront à peser sur leur compréhension du Coran. À l'opposé, la recherche du sens littéral du Coran est non interprétative, elle renvoie donc chacun au texte et le laisse libre en fonction de son cheminement personnel d'islamité de remettre en cause ou non certaines affirmations de l'Islam que cette compréhension du Coran met en évidence. Il ne s'agit donc pas pour moi de défendre le sens littéral contre les interprétations, le Coran contre l'Islam, un camp contre un autre. Je ne positionne pas en leader d'opinion, en détenteur d'une vérité à suivre ou, pire, en néo-mufti. Ceci explique aussi que sur ce site je développe ma méthodologie et me situe toujours dans une démarche explicative exposant explicitement les éléments de démonstration quant au sens littéral de tels ou tels versets. Ma démarche fait donc appel à l'intelligence du lecteur afin qu'il puisse par lui-même faire son propre jugement.


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