L'expérience pilote de la police de proximité engagée par le ministère de l'Intérieur depuis près de deux ans dans six postes de police à Tunis et autres villes a permis d'enregistrer de bons résultats, notamment en ce qui concerne la participation de la société civile à la réforme de l'institution sécuritaire et du système de sécurité dans son ensemble, ont constaté, hier, les participants à un séminaire sur ces questions animé par une élite d'universitaires, de cadres sécuritaires et de représentants d'ONG à vocation nationale et internationale. Ce projet est initié dans le cadre de la coopération entre le ministère de l'Intérieur et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) dont le représentant, Houssam Eddine Isaac, a indiqué qu'il s'inspire toutefois d'un modèle typiquement tunisien de la police de proximité. La participation de la société civile est assurée, au niveau de chaque structure sécuritaire, comme les postes de police, par un comité local de sécurité composé de sécuritaires, de représentants de l'administration et de la société civile à l'échelle locale, chargé du suivi et de la conception des priorités de l'action sécuritaire en commun accord. Cette expérience va être généralisée à l'ensemble du pays, avec, auparavant, une application régionale pilote dans le gouvernorat de Médenine. La rencontre est organisée par l'ONG à vocation internationale « Recherche pour une plateforme commune » (Search for Common Ground) et le Centre d'études tunisien Abderrahman Kawakibi sur les transitions démocratiques qui ont présenté à cette occasion les résultats de la première phase d'un programme sur l'accroissement de la participation de la société civile à la réforme du système de sécurité mis en œuvre , à leur initiative, au cours de ces trois dernières années. Selon les représentants de Search for Common Ground, Hilde Duman et Wissem Missaoui, il s'agit d'aider à la reconstruction des rapports entre la police et les citoyens sur le respect réciproque et la confiance mutuelle, ce qui n'est pas facile, ont souligné tous les intervenants, compte tenu de la tension, voire l'hostilité qui a toujours marqué ces rapports, tant du côté des citoyens que de celui des policiers. Autant la perception des citoyens et en particulier des jeunes pour la police est restée négative, ont-ils noté, autant celle des policiers envers les citoyens et plus particulièrement envers une certaine catégorie de jeunes et de citoyens est restée imprégnée de méfiance. Le professeur universitaire en droit, Haykel Mahfoudh, a estimé que la réforme du système de sécurité est une exigence fondamentale pour la réussite de la transition démocratique, ajoutant que cette réforme est cependant une action de longue haleine qui exige beaucoup de temps et d'efforts et ne peut pas être réalisée du jour au lendemain. Le colonel major Mourad Rezgui, de la garde nationale, a insisté sur l'adhésion de tous les services de sécurité et des cadres et agents des forces de l'ordre à l'idée de réforme de l'institution judiciaire, notant qu'à la lumière de ce qui s'était passé durant la révolution, les services de sécurité s'étaient rendus à l'évidence que quelque chose ne va pas dans leur institution et qu'il fallait rectifier le tir et introduire toutes les réformes nécessaires au ministère de l'intérieur et au système tunisien de sécurité, dans son ensemble afin que l'un et l'autre soient réellement au service des citoyens, et non pas au service d'une politique quelconque quelle qu'elle soit. D'ailleurs, le tout premier gouvernement tunisien après la révolution comprenait un ministre chargé de la réforme sécuritaire. Initiatives et mesures Cependant, comme l'a fait remarquer le journaliste Ziad Dabbar, qui faisait partie du panel ayant animé la rencontre, les résultats ne sont pas très probants et la police continue d'agir avec le même esprit et les mêmes méthodes qu'autrefois, notamment face aux manifestations populaires. Il a évoqué le cas des protestations populaires de janvier dernier contre les mesures fiscales de la loi de finances pour 2018, « émaillés de nombreux incidents et abus ». Cet amalgame touche aussi souvent les journalistes, a-t-il noté. Les intervenants ont déploré que le souci sécuritaire dans le sens ancien reste déterminant, nourri et justifié à tort par le contexte mondial et la montée de la menace terroriste. Les services de sécurité se trouvent ainsi politisés, voire instrumentalisés, à leur avis, alors que les enquêtes menées dans le cadre de ces initiatives, ont fait ressortir que le souci sécuritaire des citoyens réside ailleurs, et se situe à des niveaux plus concrets comme la sécurité de leurs enfants à l'école. Or, le but de l'action sécuritaire doit aller dans le sens de la sécurisation des citoyens, de telle manière que les citoyens se sentent en sûreté, et ceci ne peut se réaliser qu'en tenant compte de leurs avis et de leurs appréciations des véritables priorités sécuritaires.