La brigade Okba Ibn Nafaâ, section tunisienne de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), a officiellement revendiqué l'attentat terroriste qui a tué dimanche six membres de la garde nationale dans la localité de Aïn Sultan (gouvernorat de Jendouba). Cet attentat marque une résurgence de la menace terroriste en Tunisie, où aucun attentat majeur n'a été enregistré depuis plus de deux ans, et un regain d'activisme de la brigade Okba Ibn Nafaâ que l'on croyait démantelée ou, du moins, très affaiblie après l'élimination de plusieurs de ses dirigeants. Cette brigade basée dans les montagnes densément boisées situées près de la frontière tuniso-algérienne, dont le mont Châambi, a été en effet décapitée une première fois en mars 2015 suite à l'élimination de son chef Khaled Chaieb, alias Lokman Abou Sakhr, dans la zone de Sidi Aïch (gouvernorat de Gafsa) par les unités spéciales de la garde nationale. Au cours de même opération, neuf terroristes du la même groupe, dont l'Algérien Naceur Atri, ont été tués, tandis qu'un dixième a été blessé et arrêté. D'origine algérienne, Lokman Abou Sakhr est notamment accusé d'avoir planifié l'attentat du Bardo (18 mars 2015) et mené l'embuscade de Henchir Talla, au cours de la quelle quinze soldats ont été tués (juillet 2014). En juillet 2015, les forces de sécurité ont aussi réussi à éliminer Mouard Gharsalli, connu sous le nom de Abou Baraa, alors qu'il s'apprêtait à prendre la tête la brigade Okba Ibn Nafaâ, ainsi que deux importants dirigeants qui étaient au Mali: le Tunisien Hakim El Hezzi alias Dhirar et l'Algérien Al Ounissi Abou Fath, un terroriste recherché par les forces de sécurité algériennes depuis 1994. En janvier dernier, les forces de sécurité tunisiennes ont annoncé avoir tué deux autres dirigeants de la brigade, dont l'Algérien Bilel Kobi, un proche conseiller d'Abdelmalek Droukdel, le chef d'AQMI, lors d'une opération menée par la garde nationale dans la soirée du samedi 20 janvier au mont Sammama. Selon le ministère de l'Intérieur, Bilel Kobi était chargé de «faire le lien» entre Aqmi et la brigade Okba Ibn Nafaa. Un deuxième homme, Hamza Ennimr, Algérien lui aussi, et dirigeant présumé de la section d'Okba Ibn Nafaa au mont Semmama, a également été tué. D'après une étude publiée fin 2017 par le think tank Future for Advanced Research and Studies (FARAS), plusieurs rasions explique le regain d'activisme de cette brigade. D'abord, le groupe semble être parvenu à se réorganiser. «Bien qu'il ne dispose que d'une centaine d'éléments, les commandants de la brigade Okba Ibn Nafaa ont toujours voulu établir une structure organisationnelle clairement définie qui spécifie les règles sur lesquels se basent les relations entre les commandants et les éléments, les approches générales du groupe ainsi que les objectifs qu'il cherche à atteindre. La brigade a ainsi rapidement promu certains de ses éléments pour combler le vide laissé par la mort de ses commandants, empêchant ainsi une lutte de leadership interne», souligne le think tank basé aux émirats arabes unis dans cette étude intitulée «Les retombées des opérations sécuritaires sur la brigade Okba Ibn Nafaâ (Implications of Ongoing Security Operations for Oqba Ibn Nafaa Brigade). Future for Advanced Research and Studies, qui se présente comme étant un think tank «indépendant», a également indiqué dans son étude que la brigade Okba Ibn Nafaâ aurait bénéficié de financements de la part d'autres groupes actifs terroristes au Maghreb grâce à son affiliation à AQMI. Selon la même source, la brigade s'est d'autre part «divisée en cellules composées chacune d'un petit nombre d'éléments capables de se déplacer presque sans cesse d'un endroit à un autre, évitant ainsi la surveillance et le contrôle des services de sécurité». L'étude de Future for Advanced Research and Studies a par ailleurs fait ressortir que le groupe terroriste «opère dans des zones boisées et des terrains accidentés pour tenter de résister aux attaques des services de sécurité, et utilise principalement des armes légères et de petit calibre, ce qui lui permet donne une grande mobilité». Le think tank a cependant fait remarquer que le maintien d'une pression constante sur la brigade par les forces de sécurité tunisiennes est en mesure d'atténuer sa capacité de nuisance et de l'affaiblir, surtout si cette pression s'accompagne d'une coopération sécuritaire continue avec les autres pays de la région.