Les négociations sociales dans le secteur public et la fonction publique viennent d'entrer dans le vif du sujet. Le président du gouvernement, Youssef Chahed, et le secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Noureddine Taboubi, ont signé dans mardi soir l'accord-cadre qui fixe les contours de ces négociations devant aboutir à la majoration des salaires des fonctionnaires et des salariés des diverses catégories des établissements publics (Offices, établissements publics à caractère industriel et commercial, établissements publics à caractère administratif). L'accord cadre prévoit des négociations couvrant les années 2017, 2018 et 2019 et qui devraient prendre fin le 15 août prochain. Jusque-là, le gouvernement souhaitant que les négociations ne concernent que les années 2018 et 2019, invoquant les fortes pressions sur les financer publiques, tandis que la centrale syndicale refusait de classer 2017 en tant qu'«année blanche». La signature de cet accord-cadre fait suite à l'obtention du feu vert du groupement du secteur public relevant de l'UGTT pour mener «à titre exceptionnel» des négociations centralisées aussi bien dans le secteur public que dans la fonction publique. Ce groupement s'était jusque-là attaché à des négociations non-centralisées, c'est-à-dire des négociations «au cas par cas» se déroulant entre la direction et le syndicat de base de chaque établissement public. Mais le groupement du secteur public, qui regroupe les secrétaires généraux des fédérations sectorielles concernées, a accepté la proposition du gouvernement à condition que les négociations concernent l'aspect réglementaire (formules de recrutement, durée de la période stage, procédures de titularisation, sécurité professionnelle etc) et ne se limitent pas uniquement à l'aspect financier. Un taux de majoration indexé sur l'inflation La signature de l'accord-cadre ouvrira la porte aux négociations autour du taux d'augmentation. Dans ce cadre l'UGTT entend réclamer des augmentations salariales de 8%, soit un taux proche de celui de l'inflation. Mais ce taux est déjà jugé «très élevé» par le gouvernement, étant donné que la réduction de la masse salariale dans le secteur public arrive en tête des réformes que recommande régulièrement le Fonds monétaire international (FMI) aux autorités tunisiennes en contrepartie des décaissements des tranches de prêts. Soucieux de mobiliser le maximum de ressources financières en vue d'alléger les pressions qui pèsent sur les finances publiques, le gouvernement a déjà entrepris l'allègement des effectifs de l'administration en lançant deux programmes de départ volontaire et de départ négocié à la retraite. Mais ces programmes risquent de ne pas être suffisants pour réduire la masse salariale publique, qui à 14,1 % du PIB l'an dernier était l'une des plus élevées au monde. Dans son dernier rapport sur l'économie tunisienne, le FMI a d'ailleurs souligné que des ajustements importants sont nécessaires durant les trois prochaines années pour compenser les dérapages et remettre la masse salariale sur une trajectoire lui permettant d'atteindre l'objectif de 12 % du PIB en 2020. L'institution financière multilatérale a d'ailleurs estimé que les négociations sociales centralisées et sectorielles de 2015 ont conduit à des augmentations salariales incompatibles avec la trajectoire de la croissance économique du pays, et recommandé le gel des salaires dans le secteur public. «La paix sociale a toujours un coût» Pour les dirigeants de l'UGTT, les autorités devraient cependant rejeter les diktats du FMI et autres bailleurs de fonds multilatéraux afin d'éviter les retombées sociales de certaines mesures impopulaires, indiquant que «la paix sociale a toujours un coût». La centrale syndicale et le gouvernement avaient conclu fin 2016 un accord sur les augmentations salariales dans la fonction publique, qui avait alors permis d'éviter une grève générale qui était programmé pour le 8 décembre 2016. Cet accord prévoit le versement de 50% des majorations salariales entre janvier à novembre 2017, et le versement de 50% des primes spécifiques entre avril à novembre 2017. La seconde moitié des majorations salariales (générales et spécifiques) a été, quant à elle, versée de janvier à mars 2018. Les deux parties avaient aussi convenu d'ouvrir un nouveau round de négociations sociales dans le secteur public à partir d'avril 2018. A noter par ailleurs que le président du gouvernement et le secrétaire général de l'UGTT ont signé, le 7 juillet au palais Dhiafa à Carthage, un accord global destiné à assainir le climat social. L'accord porte sur 15 points t notamment relatifs aux négociations sociales, le travail précaire, les majorations salariales dans certains secteurs, la réforme des caisses sociales, la maîtrise des prix, la sauvegarde du pouvoir d'achat et la révision des statuts de base du secteur de la fonction publique et des institutions publiques. *