Une circulaire publiée récemment par le ministère de la Santé dans laquelle il appelle les gynécologues à déclarer les grossesses et les naissances hors mariage a provoqué un tollé aussi bien dans le monde médical qu'au sein de la société civile d'une manière générale. C'est une circulaire qui porte essentiellement atteinte au secret professionnel et à l'intégrité personnelle, car demander aux médecins publics de ficher en quelques sorte toutes les naissances hors mariage, c'est leur demander de vicier le contrat de confiance qui se forme tacitement entre la patient et le médecin en vertu du secret professionnel que ce dernier a juré de respecter, au cours de prestation du serment d'Hippocrate. La réaction du Conseil de l'ordre des médecins ne s'est pas fait attendre en estimant dans un premier communiqué que cette circulaire est inacceptable , étant donné qu'elle viole le secret professionnel, les droits individuels les plus élémentaires et la protection des données personnelles. « Aujourd'hui avec les droits individuels garantis par la nouvelle constitution cette note est devenue inacceptable et non constitutionnelle », a encore précisé ce communiqué en, ajoutant que « le secret professionnel s'impose à tous les médecins sauf dérogations établies par la loi et que sa divulgation les expose aux poursuites judiciaires et disciplinaires ». Qu'en est-il au juste ? Le président du Conseil National de l'Ordre des Médecins(CNOM) Dr Mounir Youssef Makni qui a bien voulu éclairer notre lanterne, a déclaré au Temps qu'il s'agit d'une reprise de la circulaire de 2004 sur la même question mais qui était plus explicite, car faite dans l'intérêt dans soutien familial. « Il s'agit d'une circulaire qui a été publiée pour la première fois en 2004, année durant laquelle on recensait plus de 100 cas d›enfants abandonnés, et l›Institut National de Protection de l›Enfance n›était pas en mesure d›accueillir tous ces enfants ». Donc et comme le confirme le président du CNOM, la circulaire du 18 août a été très mal rédigée, prêtant à équivoque. En effet même en ce qui concerne les cas des mères célibataires qui désirent abandonner les nouveaux-nés pour les remettre à l'assistance publique (centre Wassila Bourguiba) il est inacceptable qu'elles soient déclarées, cela étant contraire au principe intangible du respect des données individuelles et constitue une violation du secret professionnel. En pareil cas, cela n'obligerait que les mal nantis de s'adresser aux hôpitaux publics, ceux qui ont les moyens préféreront s'adresser aux cliniques. Il peut y avoir également d'autres risques pour celles qui craignent d'être dévoilées, tels que l'infanticide. D'ailleurs cela a été à un moment donné très fréquent surtout dans la campagne où ces femmes vivent dans un cercle très restreint et elles sont constamment épiées aussi bien que par les membres de leurs familles que par l'entourage dans lequel elles craignent les qu'en dira-t-on. Sens et conséquences En définitive et malgré les précisions apportées par le président du CONM, invitant les praticiens à ne pas se conformer à cette circulaire, il n'en reste pas moins que l'équivoque ne soit pas totalement levée car si les médecins suivent ces directives conseil de l'Ordre, les agents travaillant au sein des hôpitaux, restent tenus d'appliquer à la lettre une circulaire émanant de leur chef hiérarchique. D'autant que c'est eux qui reçoivent les patients et préparent leur dossier pour les présenter aux médecins. Une mise au point de la part du ministère est donc indispensable, surtout pour tranquilliser les patients concernés et les mettre en confiance. Les cas particuliers Il y a évidemment des cas qui nécessitent l'intervention des structures publiques, afin de venir en aide aux enfants abandonnés et sans soutien, et également aux mères qui ont besoin d'un suivi psychologique, pour des raisons très intimes. Il n'empêche que même dans ces cas particuliers, le secret des données personnelles doit être respecté. C'est la raison pour laquelle, la circulaire doit être remodelée car dans sa mouture actuelle, elle contrevient aux droits individuels consacrés par la Constitution, dont notamment celui de la protection des données personnelles. L'aide aux mères célibataires consiste à mieux les encadrer en les informant sur leurs droits et sur les procédures pour obtenir de l'aide auprès de la commission et des services sociaux si elles le désirent et non à les ficher pour un éventuel recensement, car il s'agit de personnes humains et non de troupeaux de moutons.