Sousse a retrouvé la mémoire. Peut-être, au fond, ne l'a-t-elle jamais perdue. Un moment de «flottement» qui aurait duré plus qu'il ne serait permis ? Peu importe. Maintenant qu'elle a donné des noms à son Histoire, comme manière de prendre sa vérité à-bras—le-corps, pour la regarder en face et dans les yeux, il faudrait qu'elle persévère. Car, sa vérité, c'est son identité fragmentée, ou occultée, pendant assez longtemps pour que sa mémoire, à l'instar de celle de tout un pays, après avoir flanché, ne se décide enfin à se secouer, pour réclamer fièrement, sa richesse et sa diversité, comme manière de reconnaissance. Qu'ils s'appellent Uzan, Bessis, Sitbon ou autres citoyens tunisiens de confession juive, ils ont voué leurs vies à servir leur ville. Et donc leur pays. Il était temps de renouer avec leur mémoire, en apposant des plaques de rues à leurs noms, pour en restituer le souvenir. Si peu de choses, mais la symbolique en est d'autant plus forte que ces noms, convoquent dans leur sillage, tout un pan de notre passé, enseveli dans les pans de l'oubli pour mieux s'arranger d'une amnésie collective, qui sert fortement les idéaux d'irréductibles extrémistes patentés, lesquels ont choisi d'effacer sciemment une partie de notre histoire, la grande, pour la récrire à l'encre « wahhabite », en en trafiquant le sens. Seulement, il n'est pas dit que l'on puisse, impunément, jouer avec la mémoire des peuples, sans que ces peuples justement ne prennent un jour la revanche. En acceptant de se regarder en face dans un miroir à pieds, pour s'y reconnaître. Ce n'est que de cette manière qu'ils peuvent regarder, sans avoir peur, leur avenir. Mais la ville de Sousse qui ne fait pas dans demi-mesure visiblement, rendra également hommage à d'autres enfants illustres de la région, à l'instar de Monsieur «Cinéma» : Bahaeddine Attia, qui aura aussi une rue à son nom à Sousse qu'il aimait tant. Excellente initiative s'il en est. A charge, pour toutes les autres villes du pays, région par région, d'en prendre de la graine. Le déni n'arrange rien. Au contraire. Il ne fait que creuser la béance. Et appauvrir la mémoire des peuples. Cela s'appelle «lâcheté».